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Motivation des décisions de l’administration.

jeudi 25 novembre 2010, par UFA (publié initialement le 5 mars 2010)

Depuis 15 ans l’administration s’évertue à refuser de "dire pourquoi" elle refuse une autorisation. Pourtant elle devrait le faire...

Le secret discrétionnaire de l’administration a laissé la place à un véritable droit de l’administré à être informé et sans qu’il ait à justifier de cet intérêt. En effet, selon les travaux préparatoires de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978, « la curiosité en cette matière n’est pas un défaut, c’est le commencement de la participation ». Toute exception à ce principe de base ne devait concerner que les domaines où le secret est indispensable. Les travaux préparatoires précisaient mêmes, que les exceptions de l’article 6 de la loi « doivent être entendues d’une manière stricte » et qu’en ce qui concerne l’exception relative à la sécurité publique, elle devait seulement éviter de « permettre aux délinquants d’être au courant par avance des décisions prises à leur encontre ». D’ailleurs l’article 7 de la loi indique même que « Le refus de communication est notifié à l’administré sous forme de décision écrite et motivée… ».

Les travaux préparatoires et les débats de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 confirment d’ailleurs ceux de la loi de 1978 en ce qui concerne les armes. En effet, il convient de constater que le cas fut expressément évoqué dans le cadre du débat parlementaire par Michel AURILLAC, rapporteur du Projet de loi :

« Quant au fond, j’ai écouté attentivement les explications du Gouvernement. Je dois dire qu’elles ne m’ont pas convaincu (…). Dans la liste des mesures de police qui ont été énumérées dans l’exposé des motifs qui accompagne l’amendement du Gouvernement, je constate que les actes dont il est fait mention sont susceptibles de faire grief. En matière d’explosifs, le Gouvernement vient de faire voter une loi qui renforce les pénalités en cas d’infraction. Il n’en reste pas moins que le refus de détention d’explosifs signifié à un exploitant de carrière, par exemple, est un acte lourd de conséquences pour lui puisqu’il ne pourra plus exploiter sa carrière. Si on ne lui accorde pas cette autorisation, c’est sans doute parce qu’on a pas confiance en lui. Il faut alors avoir le courage de le lui dire.
Il en est de même pour l’autorisation de port d’arme ; celui-ci est réglementé par des textes extrêmement précis qui en limitent l’autorisation notamment aux convoyeurs de fonds et aux personnes qui transportent des valeurs. Refuser à un convoyeur la possibilité de garder, avec une arme, les fonds qui lui sont confiés, c’est l’obliger à recourir aux services d’un autre convoyeur, ce qui représente une dépense considérable, ou lui interdire l’exercice de sa profession. Là encore, il faut motiver la décision prise (…). Pour toutes ces raisons, la commission avait décidé de se rallier au texte du Sénat. Son rapporteur n’estime pas devoir modifier son avis ; j’ajoute que mon sentiment personnel ne diffère pas, en l’occurrence, de celui de la commission ».

En effet, aux termes des dispositions de l’article 1er de la loi n°79-587 du
11 juillet 1979 :
« Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.
A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :
- restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;
- infligent une sanction ;
- subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions… ».

Ainsi, malgré le fait que dans ses conclusions sous l’arrêt « Chemouni » [1] le commissaire du gouvernement Le Chatelier regrettait que la loi du 17 janvier 1986 aboutisse - de fait - à augmenter le nombre des décisions dérogeant à la règle de la motivation bien que son esprit était au contraire d’accroître le nombre de celles-ci, le juge a adopté une solution contraire. Pourtant, la doctrine considère que si « un rapport de police est bien évidemment susceptible de porter atteinte à la sécurité publique lorsqu’il concerne un malfaiteur. En revanche, un rapport de moralité concernant un citoyen respectable peut a priori lui être communiqué sans que cela ne porte une quelconque atteinte à l’ordre public » .

Enfin, si la motivation des actes administratifs est un principe bien établi en droit interne depuis les années 1970, ce principe est aujourd’hui renforcé par le droit européen et communautaire.

Ainsi, aux termes des dispositions de l’article 41 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne du 7 décembre 2000 visant le droit à une bonne administration :

« 1- Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement, et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union.
2- Ce droit comporte notamment :
- Le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ;
- Le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires ;
- L’obligation pour l’administration de motiver ses décisions ».


Pour en savoir plus
Obligation d’impartialité de la police,
Une jurisprudence, construite pierre par pierre,
Sur son portail, le Ministère de la Justice confirme que les juges doivent motiver leur décision,
Consulter une étude de droit administratif : sources, moyens, contrôles.
 

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