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Comment les américains ont pu conserver leurs armes automatiquess ?

Neutralisation financière aux USA

vendredi 5 novembre 2021, par Frédéric LOUARN, délégué régional de l’UFA

Chaque pays a son histoire, ses traditions, et le rapport aux armes aux Etats-Unis ou en France n’est évidemment pas le même. Il est cependant toujours utile d’étudier l’histoire et de voir comment d’autres pays ont réagi à des problèmes qui se sont posés à eux, surtout lorsqu’ils y ont été confrontés bien des années avant nous.
De ce point de vue-là, le cas des armes automatiques aux Etats-Unis est tout à fait intéressant et nous allons voir comment, devenues rares et chères, elles sont sauvegardées.

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Les collectionneurs d’armes automatiques préparent les musées de demain. Il est complètement illusoire qu’un criminel s’intéresse à ces « antiquités » de la préhistoire des full auto modernes.

Une longue histoire

Avant 1934, il n’y a pour ainsi dire aucune législation sur les armes aux Etats-Unis. La constitution prévoit simplement que les citoyens ont le droit « de détenir et de porter des armes » et, dans ce grand pays principalement rural et peu centralisé, une grande partie de la population possède des armes de chasse ou de défense.

Dans les années 20, la société Auto-Ordnance, qui commercialisait les pistolets-mitralleurs Thomson, a fait fabriquer 15 000 pistolets-mitrailleurs Thompson modèle 1921 par Colt. L’arrivée sur le marché de ce type d’arme, alors en vente libre, a coïncidé avec l’entrée en vigueur de la loi prohibant la fabrication et la vente d’alcool sur le territoire des Etats-Unis (Wolestead Act). Les gangs se livrant à la fabrication clandestine et la conterbande d’alcool ont alors proliféré et se sont livrés à une lutte sans merci pour le contrôle de leurs « territoires commerciaux ». Les « gangsters » se sont empressés de se procurer des Thompson, dont l’impressionnante puissance de feu constituait un argument de poids dans les affrontements entre bandes rivales

« Gun Control Act »

Un fait divers particulièrement sanglant, le « massacre de la Saint Valentin », et la généralisation des incidents criminels impliquant des armes automatiques amène à l’établissement du « National Firearm Act » en 1934 qui établit, pour les armes d’une dangerosité particulière, (les armes automatiques, les carabines et fusils à canon court et les réducteurs de sons) une législation contraignante. En particulier, les acquéreurs sont tenus d’obtenir une autorisation fédérale (sur présentation d’un casier judiciaire vierge à partir de 1938) et de payer une taxe particulière, énorme pour l’époque.
Lors de la révision de la loi en 1968, suite à l’assassinat du président Kennedy, le législateur laissera globalement inchangé le régime des armes automatiques. La taxe requise pour chaque vente, même entre particuliers, ainsi que le régime d’une autorisation préalable, a limité la prolifération des armes automatiques. Cette année-là, le « Gun Control Act » étendra cependant l’obligation du casier judiciaire vierge à l’ensemble des armes, quelque soit leur type.

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On peut réserver un rare Sturmgewehr pour la coquette somme de 34600 € à l’aide d’un simple clic sur son portable, a condition d’envoyer des kilos de paperasse officielles.

Dans les années 1980, les armes automatiques inquiètent de nouveau. Là encore, le progrès technologique est passé par là, et les petits pistolets mitrailleurs (de type MAC-10 ou MAC-11) sont particulièrement prisés par les criminels liés au trafic de drogue. Leur faible encombrement et leur grande puissance de feu en font des engins redoutables. Leur usage de plus en plus fréquent par les criminels dans des lieus publics amène le régulateur à interdire définitivement la vente d’arme automatique dans le « Firearm Owner Protection Act ».

Le compromis de 1986 : favorable au collectionneur et très punitif pour le criminel.

Ce texte est toujours, dans les grandes lignes, celui qui est en vigueur aujourd’hui. Il interdit strictement la fabrication ou l’importation d’une arme automatique (sauf pour les forces de police ou l’armée). Cependant, il autorise la possession et le transfert des armes légalement acquises avant le 19 Mai 1986.
La transformation d’une arme semi-automatique en arme automatique est punie d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans. Dans la pratique, les tribunaux n’hésitent pas à infliger des peines fédérales de 10 ans de prison pour la détention irrégulière d’un simple « kit » permettant le tir en rafale d’un Glock 17.
Par contre, les collectionneurs, à condition qu’ils disposent de l’autorisation fédérale adéquate et qu’ils s’acquittent de la taxe, peuvent détenir et céder les armes de collection déjà sur le marché avant 1986.

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35 ans après le compromis de 1986, on constate l’efficacité de cette loi.

- Tout d’abord, le passage de la loi en 1986 a immédiatement fait « sortir du placard » les armes automatiques anciennes qui pouvaient être détenues sans autorisation. En effet, le possesseur avait le choix de les conserver (avec des papiers) et de pouvoir les vendre, ou bien d’aller séjourner dans un pénitencier fédéral….
- Ensuite, sous l’effet de la rareté, le prix des armes automatiques s’est envolé, les plaçant hors de portée des criminels. Un MP44 se vend 35 000 dollars aux enchères ; un M16 25 000. C’est-à-dire infiniment plus cher qu’une arme illégale, même automatique.

Les criminels et les collectionneurs ont donc pris des chemins différents :

-  Les contraintes réglementaires, justifiées par le souci de la sécurité publique, ont respecté les honnêtes collectionneurs qui peuvent détenir des armes automatiques.
-  L’interdiction de la fabrication et de l’importation a permis de limiter la prolifération de telles armes. En particulier, les importants surplus d’armes automatiques issus des pays de l’Est dans les années 1990 n’ont jamais pu rentrer sur le territoire américain.
-  Les criminels, de leur côté, sont partis se fournir dans des circuits illégaux bien éloignés de la collection [1].

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Imposante collection d’armes en full-auto que les représentant nationaux de la FESAC on pu découvrir lors d’une de leur réunion annuelle.

Les armes deviennent hors d’atteinte des voyous

La situation américaine n’est absolument pas comparable à la situation française et il ne s’agit pas de faire des généralités ou des raccourcis faciles. On peut simplement constater que le compromis de 1986 a consacré la place du collectionneur américain dans la préservation du patrimoine armurier. Les contraintes réglementaires, la taxe spéciale sur chaque cession d’arme, ont mis les armes automatiques légales hors de portée des malfaiteurs. Par ailleurs, une arme automatique « déclarée » coûte désormais 10 fois plus chère qu’une arme « illégale », assurant ainsi une véritable « neutralisation financière » des armes de collection.
Il est à noter que la directive européenne (2017/853 et 2021/555), qui est régulièrement utilisée pour justifier les évolutions réglementaires françaises, n’interdirait en rien un dispositif similaire en France. Elle l’autorise même explicitement :
« Il convient que les États membres puissent décider d’accorder aux musées et aux collectionneurs reconnus l’autorisation d’acquérir et de détenir des armes à feu, des parties essentielles et des munitions de la catégorie A, si cela est nécessaire à des fins historiques, culturelles, scientifiques, techniques, éducatives ou de préservation du patrimoine, à condition que ces musées et collectionneurs démontrent, avant d’obtenir une telle autorisation, qu’ils ont pris toutes les mesures nécessaires pour éliminer les risques éventuels pour la sécurité publique ou l’ordre public, notamment au moyen d’un stockage adéquat. »

L’auteur est délégué de l’UFA Paris Ouest, Haut de Seine et Yvelines.

Rel. L- 07 /11/21

 

[1Nous reviendrons sur ce sujet dans un second article sur les Etats-Unis car cette évolution criminelle est sans doute celle qui nous attend aussi, de ce côté de l’Atlantique.

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