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Incompétence et méconnaissance détruisent notre patrimoine historique !
mardi 25 janvier 2022, par
Au mois de mai 2021, le ministre de l’intérieur a déclaré « je demande au SCAE de mener une réflexion pour mieux encadrer la possession d’armes de guerre, voire de l’interdire y compris pour les tireurs sportifs ». Cette déclaration s’inscrit dans un contexte dramatique qui a coûté la vie à trois gendarmes dans le Puy-de-Dôme en décembre 2020.
Il est intéressant de soulever deux éléments dans cette déclaration. Le premier est la notion « d’armes de guerre », cette notion apparaît pour la première fois dans le décret-loi de 1939 à son article I. Elle disparaît en 2012 lors de l’adoption de la loi n°2012-304 du 6 mars 2012 laissant place à la catégorie A1. En l’espèce, la notion « d’arme de guerre » a disparu de notre droit afin d’y substituer une classification plus complète et précise allant de la A1-11° à la A1-12°. Ainsi, le ministre souhaite « encadrer », « voire interdire » une catégorie d’armes qui n’existe plus depuis près de 9 ans. Ces propos trahissent un manque de connaissance et de maîtrise de notre législation des armes à feu de la part d’un ministre de l’intérieur.
- Provient des dessaisissements volontaires dans les départements ultra-marins. Le drame est qu’il y a des armes d’importances historiques dans ces « tas de ferrailles. »
Le second élément à soulever est le désir d’interdiction. Partons du principe que le ministre parlant « d’armes de guerre » désigne les armes de catégorie A1. Que nous dit le droit, l’article R.311-2 du CSI dispose « I – Armes de catégorie A : les matériels de guerre, armes et munitions interdits à l’acquisition et à la détention […] ». En d’autres termes, le ministre de l’intérieur souhaite interdire des armes à feu déjà interdites. C’est le serpent qui se mord la queue.
Lors de son discours en mémoire aux trois gendarmes, durant l’été 2021, le ministre de l’intérieur est revenu sur ses propos du mois de mai, « Je proposerai très prochainement d’interdire l’acquisition et la détention des armes de guerre transformées qui sont aujourd’hui en circulation ». Cette fois-ci, le discours est cohérent : seront interdites à l’acquisition et à la détention, les armes construites à l’origine en full-auto, transformées par la suite en semi-auto (directement par les Armées ou par des armuriers civils) et donc classées en catégorie A1°-11.
Parlons des personnes visées par ce nouveau décret : les citoyens visés par ce décret sont les tireurs sportifs. Par conséquent, il est logique de se poser la question suivante : pourquoi cette histoire fait-elle autant de remous si elle ne touche que les tireurs sportifs ? A cela nous répondrons, d’une part que l’État et les médias ont bien effectué leur travail et d’autre part qu’il n’est pas seulement question du tir sportif. Dans la réglementation des armes à feu, seuls les tireurs sportifs peuvent, ou du moins pouvaient, acquérir et détenir des armes de catégorie A1-11 et B. La D étant libre et la C ouverte à la fois aux tireurs, chasseurs et collectionneurs nous ne l’aborderons pas dans ce développement.
- Quand il s’agit d’armes de catégorie D§e) ou d’importance historique, des images comme celle-là font grincer des dents.
Les collectionneurs de notre patrimoine, relégués au rang de trublions de l’ordre public
Revenons, par conséquent, sur la notion de « collectionneur ». Il s’agit d’une personne qui a pour objectif personnel la préservation, la conservation, la restauration et la transmission d’un savoir, de connaissances sur un sujet, un thème voire un objet. En France, le collectionneur d’armes à feu est reconnu par l’État seulement par la détention de la Carte du collectionneur. Cette dernière désirée depuis 20 ans permet depuis 2018 d’acquérir et de détenir à des fins historiques des armes à feu de catégorie C, sans être ni tireur sportif, ni chasseur.
Jusqu’à présent et d’après l’annonce de notre premier ministre, un collectionneur d’armes à feu devait « perdre » son statut de collectionneur pour celui de tireur sportif afin de préserver des armes à feu d’une catégorie supérieure. Ce joli tour de passe-passe rendait plus facile à l’État d’accuser et de réprimander un tireur sportif « fou dangereux » qu’un collectionneur de l’histoire des armes à feu.
Cependant, l’année 2022 vient avec son lot de bonnes nouvelles puisqu’un nouveau décret doit être publié d’ici fin janvier. Ce dernier viendra faire « sauter » l’incompatibilité entre le statut de collectionneur avec celui de chasseur et tireur sportif. Les services du ministère nous présentent cela comme une sorte de « compensation heureuse en faveur des collectionneurs ». Ils apprécient !
On pourrait également y voir une sorte d’alignement avec la politique européenne déjà installée dans d’autres pays, car lors du débat du 31 janvier 2018 à l’Assemblée nationale, le gouvernement avait décidé de refuser la disposition européenne qui prévoyait que les collectionneurs pouvaient être autorisés à détenir des armes de catégorie A. Pourtant, la directive a prévu cette autorisation.
- L’État à pris l’habitude de détruire les armes anciennes. Si nos prédécesseurs avaient procédé de la sorte, il n’y aurait plus rien dans les musées.
Il s’agit de la destruction des armes du Papy de Lyon.
Dans le nouveau décret, en date du 29 octobre 2021, entré en vigueur le 1er novembre de la même année, interdit l’acquisition et la détention d’armes à feu de catégorie A1°-11 ainsi que la vente entre particuliers d’armes à feu à répétition manuelle et coup par coup. Où est la place du collectionneur ? Qu’en est-il de la préservation du patrimoine dans une France, berceau de cette culture ? Oubli et destruction sont actuellement l’avenir de ce pan du patrimoine national. Ainsi, en perdant leur statut de collectionneurs, ces citoyens ne sont plus que de vulgaires tireurs mettant en péril l’ordre public.
A cela peut être rétorqué que si l’État prend de telles mesures, les armes concernées doivent, effectivement, être dangereuses et ainsi contraire à la préservation ?
Les armes jugées dangereuses par notre ministre de l’intérieur n’ont jamais fait l’objet sur près de 20 ans d’une quelconque affaire criminelle ou terroriste. Ces armes datent bien souvent d’avant 1946 : Fusil-mitrailleur Chauchat de 1915, MG 08 de 1908, Mitrailleuse Browning 1911, MP18 de 1918, MP40 de 1940, STG 44 de 1944, MG34 et MG42 de 1934 et 1942, PPSH 41 de 1941, STEN, Thompson, FM BREN, Lewis etc. Les quelques armes citées précédemment ont toutes vécu des conflits majeurs de notre histoire nationale et militaire. Leur préservation se trouve dans les musées et les collections privées et non dans une poubelle. Jamais ne fut vu un criminel armé d’une MP40. Pourquoi cela ? Dans un premier temps, le prix : 2 500 €, pour une arme transformée en semi-auto et âgée de près de 80 ans. Dans un second temps, l’offre des Balkans : un criminel peut trouver une arme moderne en full-auto, neuve, pour moins cher.
En ce sens, est-il logique de détruire ou de neutraliser ce patrimoine, alors que la prolifération d’armes à feu automatiques pour le banditisme n’a jamais autant été importante en Europe ?
- Cette photo est extraite d’une vidéo d’une destruction faite par la police cantonale de Zurich. On reconnaît au milieu du tapis roulant, un magnifique ZfK-55 avec son bipied, d’une valeur de 5000 €. Cela fait cher du minerai ferreux !Cliquez sur l’image pour visualiser la vidéo.
Notre patrimoine, bouc-émissaire de l’incompétence et de la méconnaissance de nos élus
Le patrimoine doit-il donc être le bouc-émissaire de l’incompétence et de la méconnaissance de nos élus ? L’UFA a donc entrepris d’obtenir plus d’explications de la part du ministre de l’Intérieur par le biais d’une lettre en date du 2 août 2021. Dans cette dernière, l’association propose des solutions de préservation, ou du moins des solutions honorables, telles que l’indemnisation des citoyens spoliés de leurs biens [1]. Le 2 novembre de la même année, le ministre répond enfin sur le fond. La réponse est assez décevante, expéditive, tout en oblitérant les propositions de l’UFA. Dans son développement, le ministre de l’intérieur vient poser le contexte sur lequel il viendra justifier ses propos : « où les services de renseignement policier ont mis en évidence un usage accru des armes transformées au sein de l’UE ».
Important est de constater le manque de précision dans ce contexte : dans quel domaine y a-t-il un usage accru ? Quelles sont ces armes transformées ?
Pour répondre au domaine, il faut se pencher sur les rapports de la commission au parlement européen et au conseil sur l’évaluation du plan d’action de l’UE en matière de lutte contre le trafic d’armes à feu pour les périodes 2015-2019 et 2020-2025. On peut y constater que les mesures sont prises « en vue de priver les terroristes et les criminels de leurs moyens d’action » [2]. Par conséquent, il n’est pas question de tireurs sportifs et encore moins de collectionneurs d’armes à feu historiques. D’autant plus que les rapports déclarent que les Balkans occidentaux constituent la principale source d’armes à feu et d’armes entrées en contrebande dans l’UE » ; « Plusieurs rapports d’évaluation de la menace élaborés par Europol ont confirmé que les Balkans occidentaux demeuraient la principale région d’origine du trafic dans l’UE […]. La menace permanente dans cette région a été confirmée par plusieurs études, dont la plus récente souligne que les armes utilisées dans des attentats au sein de l’UE ont été acquises sur des marchés locaux d’armes à feu illicites et se sont avérées provenir des Balkans » [3]. Il n’est pas non plus question de la France comme berceau des armes à feu illicites.
Le rapport de commission de 2020-2025, après un déroulé d’exemple touchant les Pays-Bas, la France et l’Espagne, conclu par « Tous ces exemples illustrent la réalité de la menace que représentent les armes à feu illicites ». Il est donc bien question pour la Commission Européenne d’un problème venant des armes à feu illicites et non de celles détenues légalement.
Revenons sur les armes transformées dont fait écho notre ministre de l’intérieur. Il sous-entend ici que les armes anciennement full-automatiques transformées en semi-automatiques sont de plus en plus utilisées dans des exactions. Si nous devons le rappeler, notre ancienne catégorie A1°-11 était composée dans sa grande majorité d’armes à feu datant d’avant 1946. Mettons-nous sur le plan national en prenant l’affaire des trois gendarmes tués à l’origine de cette interdiction. Il semble logique que l’arme à feu en cause soit une arme de catégorie A1°-11. Pour autant ce n’est pas le cas. Il s’agissait d’une arme de catégorie B et aucunement une arme transformée à l’origine du drame causé.
Sur le plan de l’UE, l’UFA énonce « Il s’agit de transformation d’armes neutralisées, d’alarmes ou de spectacles en armes capables de tirer à balles réelles ! C’est-à-dire d’armes initialement en vente libre dans beaucoup de pays européens ». Quant au rapport de la commission, cette dernière soulève des propos similaires « En outre, les types d’armes [illicites] saisies comportent une grande part d’armes autres que des armes à feu (telles que des armes à blanc et des armes à gaz), ce qui met en lumière la menace de la transformation de ces armes en armes à feu illicites » .
L’État, destructeur de notre patrimoine et de notre histoire
En finalité, le ministre de l’intérieur fait interdire l’acquisition, la détention et la préservation aux citoyens français légitimes pour ce faire, des armes à feu historiques et licites car « les services de renseignement policier ont mis en évidence un usage accru des armes transformées au sein de l’UE ». Comme nous venons de le voir, cette interdiction est justifiée sous prétexte que les criminels et les terroristes sur le sol de l’UE usent d’armes à feu illicites provenant essentiellement des Balkans occidentaux et d’armes (initialement inactives, à blanc) qu’ils transforment en armes à feu (illicites).
Dans la suite de sa réponse le ministre de l’intérieur vient intentionnellement passer sous silence la volonté d’une indemnisation. La loi vient spolier de leur droit de propriété tous les détenteurs légaux d’armes à feu de catégorie A1°-11. Aucune indemnisation n’est prévue. D’une part l’État détruit un patrimoine irremplaçable et d’autre part cela représente une perte financière énorme pour les collectionneurs, tireurs et même les armuriers. Cela est le cas pour un armurier anonyme diplômé de l’école de Saint-Etienne et expert en armes anciennes qui dénonce la nouvelle loi. Elle lui occasionne une perte de marchandises d’un montant de 20 000 € pour laquelle aucune indemnité de la part de l’État n’est prévue et ne serait prévue. Désespéré cet armurier m’annonce : « MP40, MG42 bon pour la poubelle puisqu’invendable sur le marché ! La (coûteuse) neutralisation est possible mais qui irait mettre 2 500 € dans un MP40 presse papier ? Personne ». A noter que l’UFA vient de déposer un recours en annulation du décret du ministre auprès du Conseil d’État.
- En plus des 30 tonnes d’armes vidées par les militaires, l’administration a exigé de la famille que soient « ferraillées » 35 tonnes d’armes, ce qui représente 6 bennes. Dans la benne de gauche, on voit essentiellement des mécanismes de MAS 49-56 et autres éléments d’armes en fort mauvais état. Dans celle de droite, on retrouve des lames de glaives modèle 1816 et 1831 : entre le sacrilège et le gâchis ! Le Musée des Trois guerres d’Annecy.
En conclusion, la catégorie des armes à feu anciennes est donc vouée à disparaître. Pourquoi ? Par intérêt politique ? Par intérêt économique ? Par intérêt sociétal ? Il s’agit d’un peu de tout cela à la fois. Peur d’une révolution armée comme en 1789, 1830, 1848 ou encore en 1871 ? Le gouvernement actuel, dans un contexte de crise sociale, une crise de gilets jaunes, appréhende t-il une répétition de l’histoire ? De plus, pour être député, il faut des votes, pour avoir des votes il faut des électeurs alors commence la pesée du pour et du contre. Qui faut-il soutenir ? Les anti-armes ou les pro-armes ? Qui va rapporter le plus de votes ? La pression des lobbies est énorme. Et l’UFA compte s’inviter dans le débat électoral en consultant tous les candidats à l’élection présidentielle.
Finalement, nous devons nous demander si la France est un état de droit. Qu’en est-il de cette spoliation légale ? Il n’en est malheureusement rien. Le Citoyen honnête se soumet, détruit ou neutralise son patrimoine personnel et celui de la France pendant que les criminels et les terroristes, au mépris des règles, circulent avec leurs armes à feu illégales à la main.
La situation en serait presque ironique lorsque l’on sait que notre société se voudrait être une société de droit, d’égalité, de liberté et non discriminatoire.
Voir tout le dossier sur l’interdiction des armes de catégorie A1-11°.
Rel. L- 04/01/22
[1] La suppression du décret en cours de rédaction et à défaut une indemnisation des détenteurs légitimes de ces armes assortie d’une exemption des frais de neutralisation pour ceux qui souhaiteraient conserver leurs armes inactives
[2] RAPPORT DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN ET AU CONSEIL, Évaluation du plan d’action 2015-2019 sur le trafic d’armes convenu entre l’UE et l’Europe du Sud-Est. Bruxelles, le 27.6.2019 COM (2019) 293 final, p.2
[3] COMMUNICATION DE LA COMMISSION AU PARLEMENT EUROPÉEN, AU CONSEIL, AU COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN ET AU COMITÉ DES RÉGIONS, Plan d’action de l’UE en matière de lutte contre le trafic d’armes à feu pour la période 2020-2025, Bruxelles, le 24.7.2020 COM (2020) 608 final, p.4