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Les musées et la détention des armes.
jeudi 15 septembre 2022, par (publié initialement le 17 août 2018)
La question de la détention des armes est essentielle pour les musées d’histoire militaire, puisque leur principale préoccupation est la conservation du patrimoine armurier. Que ce soit pour des raisons techniques ou historiques. Ces armes peuvent être acquises ou récupérées par des dons.
Cela concerne les musées « ouverts au public ou dont l’objet est de contribuer, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou à l’étude des armes. »
Autorisations de détenir des armes de catégorie A ou B
L’article R312-27 du CSI a prévu un certain nombre de cas pour lesquels le préfet peut délivrer des autorisations pour détenir des « armes et munitions ».
- Qui est concerné ?
- « Les personnes qui les exposent dans des musées, ouverts au public » pour les armes et munitions de toutes catégories.
- « Les services de l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics », pour les armes de catégorie A et B ainsi que les matériels de guerre de catégorie A2.
- « Les personnes physiques qui contribuent, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou l’étude des matériels de guerre, pour les matériels de la catégorie A2 dont les systèmes d’armes et armes embarqués sont neutralisés » (Art R2337-2 du Code de la Défense).
- Les musées privés « tiennent un registre inventaire particulier des armes, munitions et leurs éléments des catégories A, B et C comportant toutes les indications de marques, modèles, calibres, numéros de série et catégories utiles à leur identification. Ce registre inventaire est présenté à toute réquisition des agents habilités de l’État ». (Art R314-10 du CSI.)
- Dans la pratique : si des personnes physiques peuvent posséder des armes des catégories A et B, la détention des armes de catégorie C n’est possible que par des personnes morales (associations ou entreprises) [1].
- Les règles de sécurité relèvent du bon sens : inutilisable par l’enlèvement d’une pièce et en sécurité pour éviter un vol.
- Règles de sécurité concernant la conservation, art R314-10 du CSI.
- Tous les locaux (ouverts au public ainsi que de stockage) doivent avoir des fermetures de sûreté comme pour les locaux d’un armurier, voir art R313-16 du CSI.
- les armes doivent être rendues inutilisables par l’enlèvement d’une pièce de sécurité, afin de dissuader toute tentative de vol. Elles doivent aussi être fixées par un dispositif « s’opposant à leur enlèvement. » L’art R313-16 2° prévoit bien des vitrines pour la catégorie C, la lecture combinée avec l’article R314-10 implique un « système d’accrochage de sécurité s’opposant à leur enlèvement » malgré la vitrine.
- Les munitions exposées doivent être vidées de toute substance explosive, tant pour d’évidentes raisons de sécurité que pour ne pas enfreindre la réglementation relative au stockage des poudres et explosifs [2].
Comment demander l’autorisation ?
Faire une demande au préfet en se référant à l’art R312-27 du CSI et en joignant :
- les statuts du musée s’il s’agit d’une personne morale, les justificatifs d’identité pour le responsable,
- une déclaration faisant un inventaire détaillé des armes déjà détenues,
- un rapport sur les moyens de protections contre le vol et les intrusions, ainsi que les justificatifs des installations de protection.
Carte du collectionneur
Souvent les conservateurs des musées nous questionnent pour savoir s’ils ont intérêt à souscrire à la Carte de Collectionneur. Notre réponse est double :
Si le musée dispose de l’autorisation de détention d’armes de catégorie A, B ou C, ainsi que des munitions, il n’a donc absolument aucun intérêt à rentrer dans le dispositif de la carte de collectionneur : il dispose déjà de tous les droits (sous conditions) pour la détention des armes.
Par contre, si le musée n’a pas l’autorisation de détention, alors la carte de collectionneur lui donnera accès aux armes de catégorie C. Il pourra alors détenir les armes militaires à verrou (Catégorie C1°b). Mais également les armes issues d’une neutralisation dont l’acquisition est postérieure au 13 juin 2017 qui sont automatiquement classées en catégorie C 9° et doivent être déclarées.
A noter que la carte de collectionneur n’est pas indispensable pour l’acquisition d’armes neutralisées. Mais elle a l’avantage d’éviter de demander un certificat médical à chaque acquisition, le certificat ne sera nécessaire qu’une seule fois, lors de la demande de la carte de collectionneur.
- Les musées doivent respecter la réglementation lors des dons qu’ils reçoivent, sinon, des dérives risquent de se produire rapidement !
Transport d’armes liées à des expositions extérieures
Le principe de la loi veut que tout transport d’armes doit être légitime (art L315-1 du CSI). Le législateur a voulu dissocier celui qui transporte une arme « dans une mauvaise intention » de celui qui le fait dans un but louable de la connaissance mémorielle du passé au travers de ses objets.
En cas de déplacement pour une exposition, il est simple de faire un bordereau comportant la liste des armes transportées, le musée point de départ ou d’arrivée, et le lieu de destination. En explicitant complètement les motifs, cela vaudra « titre de transport légitime. »
« La carte de collectionneur vaut titre de transport légitime des armes de catégorie C pour les activités liées à l’exposition dans un musée ouvert au public, à la conservation, à la connaissance ou à l’étude des armes. » 4° de l’art R315-2 du CSI.
Recevoir des dons d’armes des catégorie A, B ou C
- La présentation des explosifs est un sujet polémique. Il faut être parfaitement dans les clous pour se permettre de le faire, sinon un jour ou l’autre ce sont les gros titres dans les journaux !
Pour différentes raisons, des particuliers sont amenés à faire don d’armes souvent détenues par eux de façon illégale. C’est une façon pour eux de se mettre dans la légalité.
Si le musée dispose de l’autorisation d’acquisition et de détention, il inscrit dans son registre le don et tout est parfait. Il est important d’avoir les coordonnées du donataire, le don anonyme pourrait être suspect [3].
Par contre, s’il n’est pas autorisé à ces détentions, le musée ne peut pas recevoir d’arme des catégories A ou B. S’il le fait, il peut être poursuivi pour détention illégale, voire trafic d’armes si les responsables ont l’imprudence de revendre certaines de ces pièces. Aussi, conseillons-nous une procédure toute simple :
Lorsque le musée reçoit les armes en question : il signe une « convention » avec le donataire. Ce document doit stipuler que le musée ne devient propriétaire qu’après neutralisation, c’est à dire au moment où les armes seront classées en catégorie C 9°. L’arme sera alors envoyée au Banc d’Épreuve de St Étienne, au nom du donataire. [4]
A noter que les armes (même neutralisées) devront être déclarées en préfecture par l’intermédiaire d’un armurier ou d’un courtier.
Vécu sur le terrain
Les préfets demandent l’avis des Ministères de la Défense et de l’Intérieur, mais ce sont eux qui ont la responsabilité de délivrer les autorisations aux musées. Cette autorité de proximité est apte à bien connaître et apprécier (ou non) personnellement le responsable du musée.
Concernant les munitions de plus de 20 mm et les grenades classées en catégorie A2 §5° et 6°, les préfectures exigent une forme de neutralisation : vides de poudre, percées et amorces percutées et les ogives dépourvues de toute substance explosive. Mais administrativement, elles restent dans la catégorie A2 autorisée pour le seul musée sujet de l’autorisation.
Dans une autre situation, où le préfet soumettait la délivrance de son autorisation à la neutralisation des armes de catégorie A2§1 (mitrailleuse), une épave a été exemptée de neutralisation, celle-ci était impossible tous les éléments du mécanisme étant soudés par l’oxydation.
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Les textes officiels : . Art R317-10 du CSI, prévoit une amende de la quatrième classe pour : « Tout propriétaire, dirigeant, responsable d’un musée ou propriétaire de collections présentées au public mentionnées à l’article R. 314-10 coupable de ne pas respecter les dispositions que prescrit cet article au regard des mesures de sécurité, pour l’exposition et la conservation des armes, des éléments d’arme et des munitions ou concernant la tenue du registre inventaire ou de ne pas le présenter à toute réquisition des représentants de l’administration". Art R314-10 du CSI définit les règles du stockage. Art R312-5 du CSI donne dans le détail les pièces à fournir pour faire une demande d’autorisation à la préfecture. Il faut présenter les mesures contre le vol, justifier de sa qualité de représentant du musée, donner les détails techniques pour le matériel de guerre (A2). Art L312-6-2 du CSI organise la carte de collectionneur pour les « musées ouverts au public ou dont l’objet est de contribuer, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou à l’étude des armes. » |
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Voir aussi :
Règles d’exposition pour les emblèmes nazis : Est interdit : « l’exhibition en public d’un uniforme, insigne ou emblème rappelant ceux portés par les membres d’une organisation déclarée criminelle par le tribunal de Nuremberg. » La présentation dans un musée n’est pas une exhibition, la règle ne s’applique pas. Voir article. Les douilles d’artillerie - Comment classer les douilles ? - Régime des munitionsde collection - Régime des armes neutralisées Rubrique sur les musées : fiscalité, détention, création, conservation, les grands musées etc... L’article publié au mois de février 2021 dans la Gazette des armes n° 538 : Spécial musées d’armes, problématiques et règlementations. Modèle de convention de prêt d’armes de catégorie C ou D entre un particulier et un musée. |
Rel. L-23//09/22
[1] L’introduction de l’art R312-27 du CSI concerne bien les personnes physique et morales, mais elle sont ensuite détaillées des § 1° au 6°.
Le 1°, bien qu’imprécis sur ce point, concerne uniquement les personnes morales pour toutes les catégories d’armes (y compris la C) puisqu’il s’agit de musées et le 3° concerne effectivement des personnes morales.
[2] Bon nombre de musées entretiennent d’étroites et amicales relations avec les services de déminage de la sécurité civile de leur département. Les démineurs acceptent généralement de vérifier que les munitions données au musée par des particuliers ne présentent plus de danger.
[3] D’autant plus que le découvreur d’une arme des catégorie A ou B doit la déclarer à la gendarmerie (Art R312-50 du CSI).
[4] Dans la pratique le document : Le Banc d’Épreuve doit être informé que le retour est à effectuer directement au musée et non pas au donataire, et que c’est le musée qui réglera la facture de neutralisation qui devra être établie au nom du donataire. En résumé, cette convention :
doit prévoir que le musée paye la neutralisation,
qu’il devient propriétaire après neutralisation,
que c’est lui qui procède à l’expédition et à la réception.