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Armodromes, stupeur et confusion
vendredi 23 décembre 2022
- L’immense majorité des armes remises par les Français est constituée d’anciens fusils de chasse et de carabines de jardin.
Depuis plusieurs jours, la presse annonce la collecte de 200 000 armes illégales, relayant en cela les informations diffusées par le Ministre de l’Intérieur.
Le chiffre est impressionnant, il faut le reconnaître et c’est un véritable crève-cœur pour les amateurs d’armes. Mais au-delà de l’effet d’annonce, que cachent ces chiffres impressionnants ?
Les fusils à canon lisse acquis avant 2011 n’étaient pas à déclarer hier et il en est de même aujourd’hui. En ce qui concerne les armes à canon rayé qui étaient libres à l’époque de leur acquisition, elles sont maintenant en catégorie C. Il est possible de les déclarer au lieu de les détruire. Et le SIA a justement ouvert cette possibilité de déclaration pour les non licenciés le 25 novembre.
Toutes ces armes sont donc parfaitement légales. Les Français auraient pu les conserver ou les vendre au lieu de les livrer pour destruction.
- Les armes historiques représentent moins d’un pourcent des armes collectées, comme ce Lebel au premier plan.
Un bien mauvais calcul
Si l’on retranche ces 160 000 armes légales du chiffre global de la collecte [1]. Le résultat est déjà nettement moins impressionnant. De la stupeur de l’annonce, on bascule vers une certaine confusion car enfin qu’y a-t-il de vraiment illégal dans cet abandon national d’armes à feu ?
Sur les 40.000 armes restantes, il va falloir encore retrancher les 10.000 armes que le ministère décrit comme des armes « non à feu » : sabres et épées qui n’avaient rien à faire là puisque, aujourd’hui, ces objets historiques ne sont plus considérés comme des armes à proprement parler mais comme des antiquités militaires. Certains couteaux-poignard sont en catégorie D et les autres couteaux ne sont pas classés comme arme, de toutes les façons leur détention est libre, tout comme les petites carabines à plomb et autres armes à blanc ou pistolets d’alarmes qui ont été abandonnés.
Enfin, le reliquat doit être encore expurgé des armes à feu anciennes de collection qui ont été apportées en toute naïveté par leurs propriétaires. De quoi parle-t-on ? Pas forcément d’armes d’exception bien sûr mais de petits pistolets de poche, de revolvers réglementaires, de carabines et de fusils du XIXème siècle qui auraient mérité un sort plus glorieux qu’une découpe à la disqueuse.
Ces armes d’un modèle antérieur à 1900, sauf cas particulier, sont en catégorie D et leur détention est libre.
Au bout du compte, que reste-t-il vraiment des 200.000 [2] armes illégales annoncées initialement ? Pas grand-chose en fait 20 ou 30.000 armes plus récentes issues soit de la seconde guerre mondiale, soit d’une quantité non négligeable d’armes de chasse et de tir modernes récupérées par les familles après le décès d’un parent proche.
Un tri ciblé
Dans un article paru dans la Tribune de l’Art, Didier Rykner estimait à 72 semaines le temps qu’il faudrait à un expert pour évaluer les 150.000 armes collectées en n’accordant qu’une minute à chaque arme examinée.
L’UFA a alors réagi à plusieurs niveaux. Elle avait déjà alerté à plusieurs reprises le SCAE, sur les risques encourus par les armes de collection dans une opération de cette envergure.
Dans un second temps, elle s’est adressée directement par courrier à Madame la ministre de Culture, au Président du Sénat et à plusieurs députés pour qu’ils interviennent avant qu’un désastre ne soit consommé.
Le résultat ne s’est pas fait attendre, pour appuyer les experts du SCAE chargés de sélectionner les armes patrimoniales à conserver, le Musée de l’Armée a déployé plusieurs de ses experts.
Il faut bien comprendre que cette opération inédite s’inscrit dans le droit commun. Dans ce contexte, les armes remises par les français sont détruites. C’est tout à l’honneur du SCAE d’avoir entendu les demandes de l’UFA et par effet dérogatoire d’avoir organisé la sauvegarde des armes historiques.
- On trouve beaucoup de revolvers réglementaires français, dans des états divers, récupérés lors de l’abandon volontaire des armes.
PA MAS 35 S en parfait état conservé pour réattribution à un musée.
Un mal pour un bien
Le manque d’’information sur le classement de ces armes a coûté une petite fortune aux Français qui les détenaient. Ils auraient pu les vendre à des armuriers et en retirer une belle somme au lieu de les donner à l’Etat et de se spolier eux-mêmes, de quelques dizaines à quelques centaines d’euros, des milliers parfois.
L’Etat de son côté devait détruire systématiquement les armes rendues. Heureusement grâce à la mobilisation des amateurs d’armes, de l’UFA et de l’attention qu’a prêté le SCAE à nos demandes, beaucoup d’armes intéressantes sur le plan historique vont être conservées.
Les experts font un excellent travail et ils publieront au terme de ce tri d’ampleur nationale, un catalogue des centaines d’armes sélectionnées pour que les musées, du plus important au plus modeste, puissent faire la demande d’armes qui manquent à leurs collections.
Que dit l’Europe
La Convention du Conseil de l’Europe sur les infractions visant des biens Culturels, signée à Nicosie le 19 mai 2017, précise à l’article 2 alinéas b, qu’elle s’applique aux « biens concernant l’histoire, y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire… »
Une nouvelle campagne de ce type, réalisée sans une information préalable des particuliers avant l’abandon de leurs armes, pourrait donc faire l’objet d’un signalement [3] à la Commission européenne.
Mais objectivement après l’incroyable succès de cette opération et la stupeur qui nous a frappé à la publication des chiffres, nous devons maintenant saluer les efforts déployés par le SCAE pour préserver le maximum des armes à haute valeur patrimoniale.
Voir aussi nos autres articles sur le site de l’UFA : - Des millions d’euros à la ferraille ; - Opacité dans la remise des armes ; - Les armes qu’il n’aurait pas fallu déclarer ! - Abandon simplifié des armes dans des "armodromes" ; - La communication officielle sur le site des préfectures ; - Reportage de BFM sur le passage des experts dans les SGAMI pour trier les âmes d’intérêt patrimonial. |