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Comment faire tirer en rafale une KALACHNIKOV classée en catégorie A1-11°

Faire tirer en rafale une Kalachnikov transformée en semi-auto ?

dimanche 12 septembre 2021, par UFA

Suite au drame survenu en décembre dans le Puy-de-Dôme au cours duquel un « survivaliste » a assassiné trois gendarmes, le Ministère de l’Intérieur a décidé d’un énième tour de vis dans la législation sur les armes.

Il faut dire que depuis 2018, la vis commençait à rouiller, il fallait bien la dégripper [1].
C’est ainsi que les armes semi-automatiques issues d’armes de guerre automatiques modifiées ne pourront plus être détenues, car elles ne « posséderaient pas les garanties nécessaires en matière de sécurité publique ».
Pour faire simple, l’argument invoqué par le Ministre, c’est que l’on peut les remettre en état de tir rafale.

Est-ce possible ou impossible ? Dans cet article, nous avons voulu tester l’affirmation du Ministre en pointant notre œil d’expert sur la possible remise en état de la Kalachnikov, arme symbolique par excellence.
Vous conclurez par vous-même que cette « re » transformation est absolument impossible à moins de disposer d’un outillage performant et de savoir s’en servir. Avec ce matériel et les compétences nécessaires il serait à l’évidence plus simple de fabriquer directement des armes automatiques. Notre objectif est simplement de dissuader toute tentative visant à modifier une bonne arme semi-automatique en mauvaise arme automatique dangereuse et éventuellement rassurer ceux qui ont peur de cette situation.

Déjà et pour mémoire, avant 1993, il était possible pour un particulier de détenir une arme « rafaleuse » (donc une vraie arme de guerre) avec l’autorisation du préfet. Je n’ai pas connaissance d’un cas où cela ait généré un fait divers. Et toutes les armes semi-automatiques, y compris celles dont il sera question ici, étaient en parfaite vente libre sans limitation de capacité de chargeur, sous réserve d’être chambrées dans un calibre « civil » selon les définitions de l’époque (.222 Remington, .243 Winchester, 7- 08...).

Qu’est-ce qui différencie une carcasse militaire [2] d’une carcasse civile ?

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A gauche : sur le boitier militaire, le sélecteur comporte trois positions. A droite : sur le boitier civil, il n’en comporte que deux.

Deux éléments, d’abord l’emplacement du sélecteur de tir qui comporte trois positions, sûreté en position haute, automatique en position intermédiaire, semi-automatique en position basse. Une carcasse commerciale ne comporte que deux positions, sûreté et semi-automatique.

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Boitier militaire, vue de la petite ouverture rectangulaire permettant le passage du connecteur.

La seconde particularité, c’est une minuscule ouverture rectangulaire au niveau du rail de guidage de la culasse permettant le passage de la partie supérieure du connecteur [3].
Et c’est absolument tout, sur le système Kalashnikov, il n’y a aucune autre différence entre une carcasse militaire et une carcasse civile.

Quelles sont les autres différences ?

Ensuite, c’est la pièce de manœuvre, c’est-à-dire la pièce qui supporte le piston et qui transporte la culasse. Cet élément est muni d’un profond sillon hélicoïdal, permettant le verrouillage et le déverrouillage de la culasse, sur sa partie extérieure elle présente le doigt d’armement.

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Le connecteur, cette pièce est absente des versions modifiées en semi-automatique

Sur une Kalashnikov militaire, sur son côté droit, cette pièce de manœuvre comporte un rebord qui actionne le connecteur et permet le déclenchement automatique du marteau lors du tir par rafales. Sur notre exemplaire, ce rebord a été fraisé, donc le connecteur ne pourrait plus être actionné s’il était remonté sur l’arme.
Refaire la pièce de manœuvre est mission impossible même pour un virtuose du fraisage, tant cet élément est complexe à usiner. Le sillon hélicoïdal est à lui seul un vrai casse-tête irréalisable si l’on ne dispose pas de l’outillage du fabricant ou d’un centre d’usinage cinq axes.

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Le marteau : a gauche issu d’une version modifié en semi-automatique, le cran de retenu du connecteur à été supprimé. A droite issu d’une version militaire, le cran de retenu du connecteur est parfaitement visible.

La lime à épaissir n’existant pas, une autre possibilité serait de recharger à l’aide de soudure la partie fraisée et d’usiner cet apport de métal. Là, on peut oublier le poste à souder de papa acheté en promotion à « Bricotruc ». La pièce de manœuvre est faite dans un acier dur difficile à souder (tapures). En outre, il faut éviter autant que possible la déformation de cet élément due à la chaleur générée par la fusion du métal. Enfin, une soudure est du métal fondu qui est loin d’avoir la résistance nécessaire pour assurer la pérennité de cette modification. Une soudure est faite pour assembler deux pièces de métal, non pour subir directement des efforts de frottement et de choc à chaque tir. Il faudrait se tourner vers un as du T.I.G. [4] ayant les compétences et le matériel nécessaire à la réalisation de cette opération. Si votre beau-frère est soudeur d’élite à l’aérospatiale ou au Commissariat à l’Energie Atomique et qu’il aime les challenges gratuits, vous pouvez avoir vos chances... Sinon le coût sera élevé et dans tous les cas le résultat non garanti.

La dernière solution serait de se procurer un transporteur non modifié. Mais sur internet, il s’agit du genre de pièces que l’on ne voit jamais…d’’autant qu’elles sont lourdement classées. Décidément, pour une arme qui « ne possède pas toutes les garanties en matière de sécurité publique », l’affaire devient compliquée.

Maintenant, nous rentrons dans le cœur du sujet, le mécanisme de mise à feu.

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Transporteur : a gauche modifié en semi-automatique. A droite : pièce militaire. L’excroissance semi circulaire actionne le connecteur et permet le tir en rafales.

Sur notre Kalashnikov « civilisée », le connecteur [3] dont j’ai déjà expliqué la fonction a été supprimé. Il faut donc le refaire, la pièce n’est pas d’une forme très complexe et un ajusteur habile pourrait la fabriquer, s’il possède un plan côté ou un modèle. Des photos ne seraient pas suffisantes et l’obligeraient à travailler en tâtonnant, ce qui va demander de nombreux essais avant d’arriver aux dimensions voulues. Si vous n’avez pas été reçu avec les honneurs au C.A.P. d’ajusteur, laissez tomber et faites appel à votre beau-frère, celui qui travaille à l’aérospatiale ou au C.E.A. tant qu’il y est, il pourrait vous faire ça aussi.

Le marteau a aussi été modifié, le cran dans lequel s’enclenche le connecteur a été meulé. Oubliez la soudure pour les raisons que j’ai expliqué précédemment. Il vous faudra le refaire, Il sera un peu plus simple à fabriquer que le connecteur, car vous avez le modèle semi-automatique et quelques photos récupérées sur internet permettront de voir sa forme originale.

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Le séparateur, en haut en version militaire, en bas issu d’une version modifiée en semi-automatique.

Le séparateur [5], lui aussi a été modifié, il a été recoupé de quelques millimètres sur sa partie postérieure de sorte qu’il retiendra systématiquement le marteau jusqu’à ce que le tireur lâche la détente, y compris si le sélecteur est en position automatique.

Le sélecteur de tir civil (sur une arme de type Kalshnikov) est absolument identique au modèle militaire, il ne peut pas être modifié, car il perdrait sa fonction de sureté en position haute.

La détente ne change pas non plus, civile ou militaire ce sont les mêmes.

Il faut bien comprendre que le connecteur, le marteau et le séparateur sont des pièces aux formes et tolérances précises si l’on veut un fonctionnement fiable (éviter les déclenchements intempestifs). Les aciers à utiliser doivent être de la plus grande qualité pour une bonne durabilité. Privilégier des aciers de type XC48, XC 55, ou 42CD4 avec les traitements thermiques ad-hoc, oubliez le morceau de grille qui traine dans l’abri de jardin depuis trente ans. Mais à l’aérospatiale ou au C.E.A. votre beau-frère doit bien avoir ça au magasin des matériaux ?

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Sur cette photo, le connecteur est monté dans une carcasse. La partie proéminente que l’on voit dépasser dans le rail de guidage sera actionnée par le transporteur.

Même si son aspect parait simple, une arme obéit aux mêmes lois de la dynamique [6] qu’un moteur à explosion ou qu’une fusée. Pour être durable et utilisée en toute sécurité, elle doit être fabriquée dans les meilleurs matériaux. Une cartouche de Kalashnikov, c’est deux-mille-cinq-cents bars, et l’arme tire dix coups par secondes. Bien sûr, il y a toujours un « Joe la bricole » pour tenter l’impossible et se lancer dans des bricolages improbables. Les bricoleurs ne pourront arriver qu’à des résultats peu fiables, rendus dangereux pour eux-mêmes par la possibilité de percussions hors chambre lorsque le marteau raccompagne la culasse, en clair l’arme vous explose à la figure.

Bref, remettre en mode automatique un AK ou toute autre arme sérieuse en considérant les aspects de sécurité et de durabilité définis par le fabricant est clairement impossible.

Pour y parvenir, il faudrait trouver des pièces d’origine qui ne sont pas légalement accessibles. Ou encore trouver (illégalement) une arme militaire sur laquelle prélever l’ensemble des pièces ad-hoc. Et dans ce dernier cas, à quoi bon modifier son arme semi-automatique légalement détenue si l’on possède (illégalement rappelons le) l’équivalent non modifié ?
Même un tourneur fraiseur de bon niveau ne pourrait pas y parvenir s’il n’a pas des connaissances suffisantes en armurerie et du matériel sophistiqué pour recharger le métal et faire des traitements thermiques nécessaires. Il faut savoir comment fonctionne une arme, de même qu’un armurier ne saura pas réparer une montre, il n’est pas certain qu’un excellent mécanicien non-armurier puisse faire les opérations détaillées ci-dessus. Quant à transformer des armes semi-automatiques détenues légalement avec autorisation ? Quel intérêt ?

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Alors, pourquoi tout cela ? Fantasmes ou prétexte ?


Dans cette suite d’article, nous étudions les motivations politiques d’une telle décision qui ne repose pas sur la science de l’armurerie.

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Kalashnikov démontée sur laquelle nous avons procédé à notre analyse technique et estimé le travail nécessaire pour la faire tirer en rafale.
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Le vocabulaire :

- Les armes semi-automatiques : Il s’agit des armes qui possèdent un magasin, ou tout autre dispositif contenant plusieurs cartouches, mais toutes les opérations d’extraction, éjection de la douille et réintroduction d’une nouvelle cartouche dans le canon, se font automatiquement. Pour chaque coup, le tireur doit seulement actionner la détente.

- Les armes automatiques : Dans le langage commun, ce sont les armes qui tirent en rafale. Les armes automatiques utilisent le même principe de fonctionnement que les armes semi-automatiques. Contrairement aux idées reçues, le mécanisme des premières ne fonctionne pas plus vite que celui des secondes, la différence se situe au niveau de la mise à feu. Avec une arme automatique, tant que l’utilisateur garde le doigt appuyé sur la détente, la percussion se fait automatiquement pour chaque mouvement de la culasse. On peut utiliser le terme de tir continu pour désigner le tir automatique.

- Les armes automatiques à sélecteur : Il s’agit d’armes qui peuvent passer en mode automatique ou semi-automatique à l’aide d’un sélecteur. Celles-ci se sont généralisées depuis la Seconde Guerre mondiale, la plus célèbre est incontestablement le fusil d’assaut Kalashnikov.

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Voir aussi :

- Est-il facile de remettre en état une arme neutralisée ? Un article écrit en 2013 qui posait le même problème ;
- istres : Internet et Kalachnikov ;
- les armes de Coulibaly à blanc pour le cinéma auraient été remises en état de tir !
- regards sur les armes à blanc ;
- la totalité des article que nous avons produits pour tenter d’expliquer le pourquoi du comment de l’interdiction des armes de catégorie A1-11°.


Rel. L- 20/09/21

 

[1C’est presque une anagramme d’AGRIPPA , impossible de résister !

[2La carcasse, on dit aussi boîtier, est l’élément de l’arme qui contient tout le mécanisme de percussion et la culasse.

[3Le connecteur est une pièce commune à toutes les armes automatiques tirant en culasse fermée. Cet élément permet le déclenchement automatique du marteau au moment où la culasse se verrouille. Sans lui, le tir automatique est impossible.

[4Tungsten Inert Gas.

[5Le séparateur se situe à l’arrière de la détente, c’est la pièce qui retient le marteau en mode semi-automatique lors du réarmement de l’arme alors que le tireur garde encore le doigt appuyé sur la détente.

[6Dynamique, (du grec dunamikos, de duna puissance), domaine de la physique qui étudie les relations entre les forces et les mouvements qu’elles produisent.

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