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UNE BOMBE A RETARDMEMENT POUR LES GENERATIONS A VENIR

Les Explosifs enfouis ou immergés.

Leur fouilles ou détection est une activité dangereuse

samedi 27 juillet 2019, par Erwan

Il y a un peu plus de cent ans prenait fin ma première guerre mondiale, laissant notre pays vainqueur mais ruiné humainement et financièrement et aussi, entièrement dévasté dans ses parties Nord et Est

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Récente découverte de 119 obus dans le terrain d’un particulier (Photo La voix du Nord » du 27 juillet 2019)

Un sous-sol totalement pollué

En France, 3 millions d’hectares ont été déclarés impropres à l’agriculture à l’issue de la Première guerre mondiale, à cause de la présence dans le sol d’obus et de balles mais également de cadavres humains ou d’animaux. On estime en effet qu’un milliard d’obus ont été tirés pendant ce conflit. Une partie de ces projectiles n’explosent pas au moment de leur arrivée au sol [1] mais s’enfoncent à des profondeurs variables et y sont oubliés par la suite. Les obus qui fonctionnent correctement : autrement dit, qui explosent, projettent eux aussi dans atmosphère et sur le sol des débris extrêmement polluants.
A cette pollution des combats est venue s’ajouter après l’armistice, celle engendrée par le démantèlement des énormes dépôts de munitions de toutes sortes, constitués par les adversaires sur les arrières immédiats du front. Après la fin des combats, les munitions de ces dépôts ont souvent été enfouies hâtivement ou jetées dans des lacs, pour débarrasser rapidement le terrain et permettre à la vie de tenter d’y reprendre.
Le même scénario s’est reproduit au cours de la seconde guerre mondiale [2] où il a été encore accentué par les bombardements massifs subis par notre pays.

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Les zones de combat de la Première Guerre Mondiale, recèlent des milliers. de billes de Schrapnell en plomb, comme celle-là. Sous l’effet de l’humidité, l’oxyde de plomb filtre dans la nappe phréatique et la pollue de sels de plomb extrêmement toxique pour l’homme.
Le plomb est à l’origine d’une maladie grave du rein appelée « saturnisme ». Certains historiens accusent les canalisations en plomb d’avoir pollué l’eau de boisson des Romains et d’avoir accéléré la disparition de leur civilisation. Du fait de cette toxicité, longtemps négligée, les canalisations en plomb, courantes dans l’habitat français, jusqu’à la seconde guerre mondiale ont peu à peu été remplacées par des canalisation en PVC.

Entre les deux guerres mondiales, des usines spécialisées dans la destruction d’engins explosifs furent créées en France, comme celle de Spincourt ou celle de Sissonne dans le département de l’Aisne [3]. Dans ces usines, une fois les fusées dévissées, les obus étaient vidés à la l’eau bouillante ou à la vapeur d’eau [4] : les effluents chargés de nitrates et autres matières hautement polluantes étaient simplement déversés sur le sol, sans le moindre traitement préalable, et finissaient par s’infiltrer dans la nappe phréatique qu’ils polluaient abondamment.

Si le corps des projectiles est en en métal ferreux [5] étaient faciles à récupérer, le recyclage sélectif des autres composants d’un obus étaient pratiquement impossible Ces résidus furent le plus souvent enterrés ou jetés dans des gouffres ou des lacs et les substances qu’ils contenaient [6] se dégradèrent lentement dans la terre ou dans l’eau et vinrent au final polluer les sols et les réserves d’eau.

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Au large de l’Ecosse, des marins se livrant à l’immersion de munitions devenues inutiles, après la seconde guerre mondiale. Ce mode de destruction était à l’époque jugée totalement légitime ce n’est qu’un demi-siècle plus tard, que l’opinion publique, comme les autorités, commencèrent à prendre conscience que les limites avaient été dépassées en matière de pollution des fonds marins : c’était hélas un peu tard !

Une bombe à retardement

Creuser le sol pour en extraire les explosifs oubliés constituerait un travail gigantesque, titanesque, extrêmement coûteux et non dépourvu de danger. La tâche serait encore compliquée par le fait que depuis cent ans, la vie s’est réinstallée sur les terrains pollués : des habitations, des écoles, des usines, y ont été construites, qu’il serait impensable d’évacuer et de détruire aujourd’hui pour creuser à leur emplacement.

Une fois les engins déterrés, il resterait la question de savoir qu’en faire : les « pétarder » à l’air libre comme cela se faisait encore il y a quelques années annihilerait leur dangerosité en tant qu’engins explosifs mais pas leur caractère polluant, car les fragments d’engin vaporisés par l’explosion viendraient eux aussi polluer le sol et l’atmosphère.
Quelques usines spécialisées ont été construites en Europe pour « traiter » ces engins explosifs en atmosphère confinée sans polluer l’environnement, mais la construction et le fonctionnement de ces installations sont extrêmement coûteux et aucun état n’est en mesure d’en construire suffisamment pour traiter les masses de munitions à détruire.
Alors lorsque des obus découverts par les équipes de déminage de la sécurité civile, en sont de plus en plus réduites [7] à stocker les engins découverts dans des dépôts sécurisés, en attendant qu’une solution technique soient apportée à leur destruction. Mais globalement, il faut bien reconnaître que l’état ne peut traiter le fond du problème et doit se limiter à effectuer les interventions les plus urgentes pour la sécurité immédiate des personnes [8] en laissant le soin aux générations suivantes de d’affronter le problème [9] de pollution occasionnée par les explosifs enfouis ou immergés.

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Photo prise dans le gouffre de Jardel où avaient été entreposés 500 tonnes d’obus après la Première Guerre Mondiale. (photo : direction-de-la-sécurité-civile-laurent-roch)

La question des réparations

La commémoration du centenaire de l’armistice de 1918 a provoqué la diffusion de plusieurs émissions au demeurant fort intéressantes sur le traité de paix qui a suivi l’armistice : le fameux traité de Versailles. Les auteurs anglo-saxons de ces émissions se sont autorisés à critiquer abondamment la volonté de la France d’obtenir le payement de réparations par l’Allemagne.
Il est bien certain que l’exigence de ces payements n’a fait que précipiter la destruction de l’économie allemande et la chute du pays dans le marasme, avec les conséquences que l’on connaît.

Il est toutefois un peu facile d’accabler aujourd’hui la France sur le sol de laquelle se sont déroulés les combats et de lui reprocher d’avoir exigé ces réparations. Ces auteurs étrangers dont les pays n’ont pas eu à subir les mêmes destructions [10] ont beau jeu d’ignorer que nos demandes de réparations étaient justifiées et ils oublient une peu trop facilement que les villes et les villages deux Nord et de l’Est de la France ont été ravagées, les usines détruites, les mines sabotées par l’ennemi.

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Si le recherche des engins enfouis ou immergés est problématique, leur destruction est également difficile : le « fourneau de mine » consistant à faire exploser en plein air les engins collectés dans un certain périmètre géographique n’est pas réalisable en tous lieux et ce genre d’explosion engendre également une pollution atmosphérique et la retombée au sol de fragments métalliques, qui contribuent à la pollution des sols. (Photo : Marine nationale)
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Démineurs de la sécurité civile rassemblant les engins explosifs découverts en creusant les fondations de la gare de tramway de Brest. L’effectif des équipes de déminage est tellement réduit qu’elles ne peuvent que se limiter à des interventions ponctuelles sur des cas présentant un danger immédiat (Photo : Ouest-France)

On a par ailleurs négligé pendant longtemps le problème de pollution résultant de la présence de millions d’engins explosifs dans notre sol. Ce problème n’a longtemps été considéré que sous l’aspect de l’accidentologie, quand un engin explosait au cours d’une manipulation. Le problème de santé publique du aux pollutions engendrées par les explosifs est devant nous et il sera hélas probablement d’une toute autre ampleur que celui des accidents liés la découverte fortuite d’explosifs. Le plus préoccupant est que personne ne semble savoir comment il pourra être traité !

Conclusion

La menace que font peser les engins explosifs enterrés ou immergés n’est pas de ceux qui se résolvent avec le temps. Bien au contraire : en cent ans, les enveloppes se sont dégradées sous l’effet de l’oxydation et les produits les plus toxiques commencent à se dissoudre dans la nappe phréatique, dans laquelle est puisée l’eau de boisson et celle d’arrosage des cultures. Les animaux qui paissent sur les zones polluées absorbent aussi des substances toxiques, qui pollueront leur viande et leur lait !

Il s’agit à l’évidence d’un problème très préoccupant, auquel il serait urgent que les autorités (nationales et européennes) consacrent un peu plus d’attention et d’énergie qu’à légiférer sur la limitation du nombre de cartouches dans les chargeurs d’armes légalement détenues ou à la longueur de leur canon !

Les plus :
- les préfectures relayent une bonne information sur la conduite à tenir en cas de découverte d’explosif : L’orne, Le Morbihan, l’Eure, la Manche etc...
- Textes officiels applicables au dépôts de poudre et explosifs.
La presse :
- Guerres mondiales : ces bombes toxiques immergées au large des côtes d’Europe du Nord,
 

[1Le pourcentage de projectiles non explosé est estimé à 20 à 35% (selon l’origine des statistiques). Ces projectiles non explosés, mais sur lesquels les sécurités ont été effacées après le départ du coup, sont extrêmement dangereux. Ils sont également appelés UXO (Unexploded Ordnance) ou « Duds » (ratés).

[2Et même longtemps après : ce n’est qu’au cours des trente dernières années que les autorités ont commencer à se préoccuper des problèmes liés à la pollution par les explosifs. Entre la fin de la seconde guerre et les années quatre-vingt, nombre de dépôts d’explosifs déclassés ont été continué à être enterrés ou immergés de façon irresponsable.

[3Informations tirées du site du centenaire.

[4Dans la plupart des cas, les explosifs ayant servi à charger es obus, se dissolvent dans l’eau bouillante ou fondent à la chaleur et coulent hors du corps de l’obus.

[5Les corps en acier ou en fonte étaient facilement recyclés par l’industrie sidérurgique et les ceintures de forcement en cuivre pur étaient elles aussi récupérées et refondues.

[6Ces substances sont très variées plomb, antimoine, mercure nitrates etc. mais elles sont pour la plupart très toxiques pour la santé humaine ou animale.

[7Le pétardement en plein air étant de moins en moins admis.

[8Par exemple, déplacer des obus trouvés dans le sol lors de la réalisation de travaux publics.

[9Comme bien d’autres !

[10Nous avons choisi de ne pas évoquer dans cet article le douloureux aspect des pertes humaines, dont les Britanniques ont aussi eu leur part !

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