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Article paru dans la Gazette des armes n° 503 de décembre 2017

Collectionneur ou bouc émissaire ?

samedi 30 décembre 2017, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Notre attention a été attirée par un article publié dans un bulletin de la Gendarmerie intitulé « Veille stratégique, les bourses aux armes, réseau de circulation illicite ». Difficile de faire un titre encore plus stigmatisant pour notre petit monde. Déjà en 2015, les collectionneurs étaient victimes d’amalgames, c’est trop facile, mais il faut bien trouver un responsable pour le livrer en pâture à la vindicte des médias et accessoirement montrer à la population des résultats.

Dans un article de deux pages il est affirmé que les bourses aux armes « attirent une délinquance locale qui y voit une possibilité d’acquérir en numéraire et sans justificatif, des armes prohibées dont la traçabilité sera de facto impossible. » Et l’article cite comme exemple la bourse aux armes d’Etreillers ou un exposant vendait des armes de catégorie A (chargeurs et grenades). Cet exemple est fort mal choisi quand on sait que cet exposant a été relaxé en totalité par le tribunal. Ses armes et matériels qui n’avaient pas été détruits ont été restitués. Actuellement, son avocat est en train de demander réparation pour le préjudice des armes détruites.
Puis il y a d’autres exemples où des collectionneurs auraient servis de pivot pour un trafic d’armes des deux guerres mondiales. Et nous qui, naïvement, croyions que les terroristes n’utilisaient que des Kalash !

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Article : " Veille stratégique, les bourses aux armes, réseau de circulation illicite."
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Qui a fourni Merah ?

On lit aussi que Mohamed Merah aurait eu un PM Sten (dont il ne s’est pas servi) et que c’est dans les bourses aux armes que l’on trouve des Sten. L’article ne précise pas que les Sten vendus en bourses aux armes sont neutralisés. Et entre nous, si le PM Sten a rendu bien des services aux maquis pendant la 2ème Guerre Mondiale, il est aujourd’hui un objet historique totalement démodé face aux fusils d’assaut. Il est évident qu’en 2017, les terroristes disposent de matériel beaucoup plus moderne.
Mais ce qu’il y a de plus grave est que l’article affirme que « deux colts 45 avaient été utilisés » et que « ces armes sont largement disponibles sur les bourses aux armes. » On arrive au summum de la désinformation. La réalité est que l’un de ces Colts 45 provenait d’un cambriolage chez un tireur sportif qui l’avait acheté à un ami gendarme qui le détenait en toute légalité. Donc les collectionneurs ne sont pas concernés.
Tout un paragraphe met en avant les dangers « des vols au domicile des collectionneurs d’armes ». En oubliant de dire que le réel danger de ces vols est représenté par la valeur des armes détenues et non pas en raison de leur dangerosité plutôt obsolète. Et d’ailleurs, c’est le rôle de la Gendarmerie et de la Police de prévenir ces cambriolages et non de reprocher aux collectionneurs d’en être victimes (sous réserve que ces derniers aient observé les conditions de stockage prescrites par la loi). C’est aussi le rôle de la Justice de mettre les malfaiteurs hors circulation et non pas de les dispenser de peine sous des prétextes divers !

Ce qui attire prioritairement les vols et les cambriolages, c’est bien l’armement moderne, les vieux « tromblons » des collectionneurs sont trop « pittoresques ».
On a pu voir que des Famas ont été volés sur l’autoroute à des militaires de l’opération « sentinelle  » sur le parking du restaurant de La Verpillière. On évite aussi de trop parler des armes de poing volées à la police municipale de St-Lys, les clefs étaient sur le coffre. De même que l’article préfère évoquer les supposés trafics d’armes des collectionneurs que de parler de cet ex-gendarme de Toulouse qui a volé les armes de ses collègues. Ne parlons même pas du vol dans des wagons de chemin de fer stationnés en gare d’Aix-en-Provence d’un lance-roquette et d’obus appartenant à l’armée française. Ne parlons pas non plus des armes qui disparaissent au cours de certaines perquisitions ou qui sont volées dans les greffes des tribunaux, pour se retrouver au domicile de certains fonctionnaires peu scrupuleux !
Par pudeur et manque de place, nous arrêterons là !

Il est donc un peu facile d’affirmer, comme le fait cet article publié dans un bulletin de la Gendarmerie, que les collectionneurs alimenteraient le trafic, alors que ces armes ont été retrouvées et saisies chez des gens pour lesquels nous récusons l’appellation « collectionneurs » . Il s’agit tout simplement de trafiquants qui n’ont rien à voir avec le monde de la collection.

Et l’administration ?

Ce que nous voulons démontrer est qu’il est facile de stigmatiser le corps social que représentent les collectionneurs en ne choisissant que des exemples à charge.
Toutefois, le même genre de critique peut aussi bien être adressé aux autorités de l’Etat et aux forces de sécurité. Il y a des brebis galeuses partout aussi bien chez les collectionneurs que dans la Police, la Gendarmerie, les Douanes ou toute autre administration d’Etat ou des collectivités locales.
D’ailleurs, il n’est de secret pour personne que bons nombres de collectionneurs font justement parties de ces fameuses administrations militaires ou civiles. Ils ont le goût des armes, c’est bien normal, c’est leur métier ! Et souvent ils possèdent de belles collections d’armes de catégories B ou A, sans aucune autorisation administrative. Eux aussi font courir un risque à la société en cas de cambriolage ! … Sauf s’ils ont la chance de bénéficier de la protection antivol que procure une vie en caserne !

Mais nous ne les stigmatiserons pas, car même si leur collection n’est pas autorisée, cela ne fait pas d’eux des terroristes ni des trafiquants ! Nous avons le respect de leur fonction et de leur honnêteté ! En revanche, nous exigeons en tant que citoyens que les Pouvoirs Publics (et ceux qui les représentent) accordent ce même respect pour les collectionneurs et pour leur passion.
On pourrait aussi évoquer le fait que les membres des forces de l’ordre, contrairement aux tireurs sportifs détenant de la catégorie B, n’ont pas l’obligation de disposer d’un coffre fort au domicile pour y remiser leur arme de service. Et eux aussi font l’objet de cambriolages... Peut-être que l’Etat pourrait leur fournir ce coffre ?

A l’UFA nous sommes vertueux : nous recommandons aux collectionneurs de respecter la réglementation. Et les marginaux qui ne le font pas ne peuvent pas être reconnus comme collectionneurs.

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Tous ces derniers mois, des contrôles de douanes et de gendarmeries ont été effectués régulièrement dans des bourses aux armes. A notre connaissance, aucune infraction n’a été relevée.

Et les extrémistes ?

Et le fameux article conclut sur une « source potentielle d’armements des groupes d’extrémistes ». Certaines bourses sont données en exemple : « Bien que la vente d’objets et d’insignes nazis ne soit pas interdite leur nombre important doit attirer l’attention sur la proximité entre ces manifestations et les groupes extrémistes. La nostalgie des objets de la seconde guerre mondiale constitue un vecteur de rencontre entre extrémistes et collectionneurs ». Difficile de stigmatiser d’avantage les collectionneurs lorsqu’on les fait passer aux yeux de tous pour des nostalgiques du 3ème Reich, alors qu’ils ne sont que de paisibles « passeurs de mémoire ». La pensée unique de la bien pensance nous inciterait-elle à occulter l’histoire de l’humanité ?
Le fantasme du complot d’extrême droite alimente périodiquement la presse. En France, les derniers vrais activistes d’extrême droite (c’est à dire, les gens capables de combattre par les armes pour leurs idées) ont été les militants de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète) au cours des derniers mois de la Guerre d’Algérie et quelques temps après. Ces réseaux ont été démantelés, leurs membres ont été lourdement condamnés et parfois même exécutés ou assassinés par les polices parallèles. Les derniers survivants de cette aventure sanglante sont maintenant de respectables septuagénaires ou octogénaires qui ne vont plus agir le pistolet-mitrailleur à la main. Les quelques Skinhead et les adolescents boutonneux qui interviennent sur les réseaux sociaux pour prôner l’action violente n’ont ni la formation militaire, ni la pointure intellectuelle pour réussir quoi que ce soit sans se faire prendre avant même d’avoir commencé.

Cibler les bourses aux armes

Le but de cet article de la Gendarmerie est simplement de présenter que, dans le cadre du « Plan national de lutte contre les armes illégalement détenues », le « Plateau d’Investigation explosifs et armes à feu » mène régulièrement des opérations ciblées contre des bourses aux armes. « Il s’agit de mettre en lumière les ventes illégales et de perquisitionner au domicile des collectionneurs. » A lire régulièrement la presse quotidienne, on avait déjà compris que les collectionneurs sont devenus des boucs émissaires de la situation, mais voir que des gens appartenant à une institution aussi respectable que la Gendarmerie partagent cette vision sommaire des choses et la diffusent à leurs collègues, est affligeant !

Les clubs de tir et bourses aux armes visés
Il y a un document qui est passé inaperçu dans nos milieux, c’est le « Plan national de lutte contre les armes illégalement détenues ». Normal, il a été dévoilé le matin du 13 novembre 2015 et le soir Paris était à « feu et à sang » avec des armes ne sortant pas de bourses aux armes.
Ce plan est globalement justifié, si ce n’est la mesure n° 9 : « Renforcer la surveillance des bourses aux armes ainsi que des clubs de tir : les services de sécurité publique procéderont à des contrôles, dans le cadre de visites régulières au titre du renseignement mais aussi du contrôle administratif. »
Effectivement les contrôles sont fréquents et réguliers sans poser de problème particulier. Mais de grâce, ne stigmatisons pas !
La mesure 19 vise à établir une distinction entre les « flux licites et illicites. » C’est exactement ce que l’on demande, distinguer le trafiquant et le collectionneur.
Légende photo 5 : Bernard Caseneuve dévoile le plan de lutte.
Rendez les armes
La mesure n° 20 du plan de lutte contre le trafic vise à faire déposer les armes. Cela a déjà été fait aux Antilles fin 2014. Il s’agit de « remettre les armes irrégulièrement détenues pour qu’elles puissent être neutralisées. 7 500 armes ont été volées en 2014, dont 80 % au cours de cambriolages de domiciles.  » Tant que cela se limite aux armes illicites, alors pourquoi pas !

Voir aussi :
- notre lettre au Ministre de l’Intérieur - la réponse du Ministre,
- Le document gendarmerie,

Rel. PF- 01/06/22

 

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