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Fabrication ou réparation d’armes par des particuliers

Outillage spécifique

jeudi 6 juillet 2023, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA (publié initialement le 15 mars 2023)

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Un particulier peut-il modifier lui-même une arme, voire la fabriquer avec des éléments d’armes ?
Nous allons tenter de répondre à cette question épineuse et à rebondissements.

Avant tout chose, considérons les différentes définitions que l’on peut trouver dans l’article R311-1 CSI sur le sujet qui nous intéresse.

L’aspect règlementation des armes

Nous connaissons la définition de l’armurier  : « toute personne physique ou morale dont l’activité professionnelle consiste en tout ou partie dans la fabrication, le commerce, l’échange, la location, le prêt, la réparation ou la transformation d’armes, d’éléments d’arme, de munitions et de leurs éléments ».
Notons plusieurs points :

  • il est question d’activité professionnelle. Cela vise donc ceux qui exercent cette activité pour en vivre. Le Code de Commerce donne la définition de commerçant comme étant : « Tout achat... ...pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillés et mis en œuvre. » C’est donc la finalité de l’intention qui est visée : si une arme a été acquise pour être utilisée par un particulier, il n’y a pas d’acte de commerce lorsqu’elle est revendue, même si elle a été restaurée, préparée ou réparée.
  • il est question d’armurier. Il s’agit d’une activité règlementée qui fait l’objet d’un agrément préfectoral qui est délivré en fonction de l’ « honorabilité professionnelle et privée et des compétences de l’armurier. »
  • Trafic illicite : importation, exportation, transfert, acquisition, vente, livraison ou transport d’armes à feu, munitions ou leurs éléments à partir, à destination ou au travers du territoire d’un État vers le territoire d’un autre État si l’un des États concernés ne l’autorise pas ... ...ou si les armes à feu, les éléments d’armes ou les munitions ne sont pas marqués... Donc c’est du trafic si ce n’est pas autorisé par les États importateurs ou exportateurs.
  • Fabrication illicite :
    • a) Fabrication, transformation, modification ou assemblage d’une arme, de ses éléments essentiels finis ou non finis, ou de munitions sans autorisation ou sans avoir appliqué les marquages d’identification, à l’exclusion des opérations de rechargement effectuées dans un cadre privé à partir d’éléments obtenus de manière licite ;
    • b) Détention de tout outillage ou matériel spécifique à la fabrication d’une arme sans disposer des autorisations de fabrication et de commerce correspondantes ;
  • Sur l’action de fabriquer : le CSI définit comme illicite la « fabrication, transformation, modification ou assemblage d’une arme, de ses éléments essentiels finis ou non finis, ...
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L’outillage et son utilisation

C’est donc bien l’outillage pour fabriquer les armes qui est réservé aux professionnels et proscrit au particulier. Sa simple détention constitue un délit de fabrication illicite. Toutefois pas de panique, tous les outillages d’armuriers non-spécifiques à la fabricarion sont donc libres et peuvent être acquis ou importés sans formalité particulière.

- Limite de l’utilisation
Le CSI définit bien l’action de fabrication ou de modification, ainsi un particulier n’a pas le droit d’intervenir sur les éléments essentiels d’une arme. Il ne peut pas modifier le chambrage. Par contre rien ne l’empêche de procéder à un échange standard de canon, sauf bien sûr à considérer qu’un remontage est un assemblage... ce qui conduirait tous les détenteurs légaux (y inclus les membres des forces de l’ordre) à ne plus pouvoir assurer l’entretien courant de leur matériel.
C’est la fabrication ou la modification qui doit être obligatoirement effectuée par un armurier titulaire d’une AFCI [1]. Si le calibre d’une arme ou son système de fonctionnement ont été modifiés, il s’agit bien d’une opération de fabrication au sens de la règlementation. Dès lors que l’on touche à l’interface canon / pièce de fermeture, il est obligatoire que soit pratiquée une nouvelle épreuve par le Banc d’Épreuve de St Etienne. D’ailleurs si l’organisme de St Etienne pratiquait une épreuve à la demande d’un particulier ayant pratiqué des modifications sur son arme, il se rendrait complice d’une fabrication illicite !
Toutefois notons que dans la pratique, le Banc d’Épreuve n’a aucun moyen de savoir s’il s’agit d’une modification. D’autant plus que la demande d’épreuve peut être spontanée, la CIP préconisant une ré épreuve systématique de façon périodique, entre 5 et 20 ans en fonction du type d’arme.

- Un simple entretien
Il faut raison garder et ne pas confondre fabrication/modification avec un simple entretien.
Prenons l’exemple du tireur de Bench-rest qui doit, toutes les quelques centaines de coups, rafraîchir le chambrage avec une fraise de chambre après avoir supprimé 2 filets pour raccourcir son canon. Cette opération ne nécessite pas d’épreuve, les caractéristiques de l’arme n’ayant pas été changées.
Cette nuance n’a pas encore été tranchée par les tribunaux, mais par bon sens il est facile de différencier la simple opération d’entretien qui garde les mêmes caractéristiques à l’arme, de sa modification qui nécessiterait une nouvelle épreuve. De la même façon que le simple entretien d’un véhicule ou un changement de pneus ne nécessite pas un passage au service des Mines, alors qu’une modification de ses caractéristiques techniques le rendrait obligatoire.

Ainsi, sur son arme, un particulier peut changer lui-même le percuteur, les organes de visée, la détente etc... Mais modifier ou changer un élément d’arme, ou la construire de toute pièce, revient à une fabrication illicite qui est sanctionnée par le CSI.

Et l’aspect fiscal ?

En dehors de la règlementation spécifique aux armes, reste le point fiscal.
Comme on l’a vu plus haut, le côté professionnel est fondé sur l’intention de revente au moment de l’achat. Or cette intention peut être prouvée par l’administration fiscale par tous moyens (Art L110-3 Code de Commerce).
Ainsi, lorsqu’un particulier vend en ligne sa « production » d’armes transformées, l’opérateur [2] a plusieurs obligations : déclarer de manière automatique à l’administration fiscale les revenus des utilisateurs des plateformes en ligne, et adresser à ces derniers un récapitulatif annuel du montant des transactions. Ainsi, le commerçant qui se déguise en particulier pour ne pas payer d’impôts se fera rattraper par l’administration fiscale tôt ou tard.
Cette problématique s’ajoute à celle de la règlementation par rapport aux armes.

Le regard de la douane ?

Lors de l’achat d’un canon déjà chambré à l’étranger (et donc classé au sens de la législation) il faudra accomplir les formalités d’importation ou de transfert selon que la provenance est hors l’UE ou de l’UE, consulter la rubrique. Si le canon n’est pas chambré, mais juste percé et rayé, il faut alors parler d’un barreau qui est une simple matière première achetable et importable selon les règles de droit commun [3]. Attention cependant au douanier zélé qui pourrait vouloir jouer sur les mots, à savoir le mot « canon » pour signifier une infraction ou procéder à une « visite domiciliaire » non motivée. Là, il faudra résister en argumentant qu’un barreau n’est pas un canon, mais un canon en devenir [4].

Il en est de même pour une fraise de chambre, laquelle n’est pas un outillage spécifique à de la fabrication d’arme [cf article dédié]. Mais, en cas d’importation, son passage en douane pourrait déclencher des contrôles pour s’assurer que vous ne vous adonnez pas à la fabrication des armes.
En effet, l’utilisation de la fraise de chambre pour transformer le barreau en canon chambré est bien sûr interdite au particulier. Elle doit être sous-traitée à l’armurier professionnel, seul habilité à procéder au chambrage. D’ailleurs le banc d’essai refuserait la nouvelle épreuve obligatoire de l’arme.

Voir :
- Classement d’une fraise de chambre L’accès de cet article est réservé aux adhérents.
- Archive article avant la modification due au décret du 3 juillet 2023.

Rel. L-04/04/23

 

[2Naturabuy en l’occurrence

[3Cette notion est valable pour une arme d’épaule ou un pistolet, mais pour un revolver, le canon n’est jamais chambré. Il sera alors classé comme un élément d’armes : « partie d’une arme essentielle à son fonctionnement »

[4A noter : suite à certains abus et à un recours formulé par un avocat de Bourges, les Douanes sont désormais tenues aux mêmes règles que les policiers en ce qui concerne les fouilles et perquisitions.

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