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Loi sur la responsabilité pénale et la sécurité intérieure

jeudi 20 janvier 2022, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA, Maître Maxime Molkhou

Dans cet page, nous allons analyser l’incidence de cette nouvelle loi sur le renforcement du contrôle des armes et des explosifs. LOI n° 2022-52 du 24 janvier 2022 (relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure) seuls les articles 19 à 24 concernent les armes.

Allongement de la liste des condamnations judiciaires entraînant mécaniquement une inscription au FINIADA [1].

Jusqu’à présent, l’article L312-3 1° du CSI listait 48 infractions (ex : homicide, violences volontaires, etc.) dont la mention au B2 du casier judiciaire entraînait automatiquement une interdiction pour l’intéressé d’acquérir ou de détenir des armes et, par voie de conséquence, une inscription au FINIADA.
Le projet de loi allongerait cette liste, en ajoutant « notamment » les « atteintes aux mineurs et à la famille ». Concrètement, si ce type d’atteintes ressortit du casier B2 d’une personne, alors le préfet sera obligé (on parle de « compétence liée ») d’inscrire le condamné au FINIADA.
Cela ne semble pas forcément incohérent. En effet, la liste actuelle inclut déjà un certain nombre d’infractions qui peuvent sembler moins graves que les atteintes aux mineurs et à la famille. Par exemple, le harcèlement moral ou l’enregistrement et diffusion d’images de violence.
Toutefois, un point du projet de loi prête à interrogation : le terme « notamment » (« Sont notamment ajoutées les infractions relatives aux atteintes aux mineurs et à la famille »). Cela est susceptible de créer un certain flou juridique qui, espérons-le, ne sera pas utilisé par les autorités pour réprimer davantage les détenteurs d’armes. Déjà, avec la simple ouverture d’une enquête pour violence sur conjoint, le procureur peut saisir les armes.

Allongement de la liste des personnes considérées comme interdites d’armes par la justice.

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Hormis le cas d’une condamnation inscrite au casier B2 pour un crime ou délit appartenant à la liste précise que nous venons d’exposer, il existe un autre cas d’interdiction judiciaire, emportant FINIADA « en miroir »  : quand le juge écrit, expressément, qu’une personne est désormais interdite d’armes (L.312-3-2). Aujourd’hui, ce cas vise les « personnes condamnées à une peine d’interdiction » d’armes.
Mais le projet de loi ajouterait les personnes, non forcément « condamnées », mais faisant l’objet d’une interdiction dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’une assignation à résidence avec surveillance électronique ou de toute autre décision prononcée par l’autorité judiciaire.
Qu’en penser ? Certes, les cas de FINIADA ne cessent de s’allonger, mais la réforme sur ce point semble assez cohérente. Dès lors qu’un juge a décidé clairement une mesure d’interdiction d’armes, à l’administration de respecter et de faire appliquer concrètement cette mesure. Tel est le jeu de la séparation des pouvoirs.

Les interdictions d’armes vont viser toutes les armes sans distinction de catégorie.

Dès lors qu’une personne fait l’objet d’une procédure de remise d’armes (art. L312-7 du CSI) aux autorités ou de dessaisissement (art. L312-11 du CSI), cette personne est automatiquement interdite de futures acquisitions. Mais jusqu’à présent, le préfet pouvait choisir de limiter cette interdiction d’acquisition à une catégorie précise (exemple : pas de catégories B mais seulement des catégories C).
Le projet de loi entend supprimer cette marge de manœuvre du préfet, ce qui est dommage. Encore une possibilité de nuance, d’humanité, qui va disparaitre. Une humanité que nous avons été heureux de trouver dans des décisions récentes et que nous saluons au passage : un tireur a récemment vu ses renouvellements d’autorisations en catégorie B refusées, mais pour autant le préfet l’a expressément autorisé à rester licencié FFTir et à continuer à tirer avec les armes de son club, sans inscription FINIADA. Sorte de « Jugement de Salomon » !

Suppression du « contradictoire » de 15 jours quand le préfet transpose une décision de justice.


Dans le cadre des procédures de dessaisissement d’armes, une personne est sommée de vendre l’arme à un armurier ou à un tiers, la neutraliser ou la remettre à l’État. Avant cela, le préfet laisse toujours 15 jours à une personne pour lui envoyer ses observations en défense (art. L312-11 du CSI).
Le projet de loi prévoit de supprimer cette période d’observations dans un cas précis, quand le préfet estime ne pas avoir le choix de prendre la mesure, être en « compétence liée », car un juge en a décidé ainsi (comme vu ci-dessus).
C’est dommage pour plusieurs raisons :
- Le préfet peut se tromper et se penser en compétence liée alors qu’il ne l’est pas (appel suspensif en cours, réhabilitation etc.) ;
- Même s’il ne se trompe pas, il faut penser au respect du citoyen, lequel respect conditionne l’acceptabilité de la sanction, laquelle conditionne à son tour le respect concret des mesures…
Cela ne laisse plus que la voie des 2 mois du recours gracieux, du recours hiérarchique ou du recours au Tribunal administratif. Tout cela pour démontrer au préfet qu’il s’est malencontreusement trompé en prenant sa décision de dessaisissement.
Mais il y a encore un autre aspect : Les observations sous 15 jours sont un « défouloir » pour la personne visée par la mesure. C’est parfois le dernier moment d’expression avant de déposer les armes : sujet juridique mais aussi sociétal, voire psychologique !

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Interconnexion entre le casier judiciaire B2 et le FINIADA

Véritable révolution, le projet de loi prévoit une « interconnexion » entre le casier judiciaire national automatisé et le FINIADA. Cette disposition du projet de loi paraît très sensible en termes de libertés publiques et de données personnelles. A ce jour, l’article 777-3 du code de procédure pénale (CPP donc la loi) interdit toute interconnexion entre le casier judiciaire national et un traitement de données à caractère personnel ne relevant pas du ministère de la justice.
Avec le projet de loi, ce principe serait donc frontalement remis en cause. Jusqu’à présent, des tireurs profitaient de la latence/décalage temporel entre casier judiciaire et FINIADA : ils étaient « finiadisés » à l’occasion d’une demande d’autorisation ou d’une déclaration, voire d’un renouvellement… parfois longtemps après leur jugement.
La réalité est que les décisions de justice n’étaient que rarement retranscrites immédiatement dans le FINIADA. Et ainsi, le fichier comportait de nombreux manques, alors que par ailleurs, il y avait des personnes qui auraient dû être effacées depuis longtemps.
Avec l’interconnexion, il faut s’attendre à une explosion immédiate du nombre de personnes au FINIADA.

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Pour les personnes aux armes « confisquées » par le juge : limitation dans le temps de l’inscription au FINIADA.

Le projet de loi entend limiter à 5 ans la durée d’inscription au FINIADA dans le cas très précis où l’inscription résulte d’une condamnation judiciaire, pénale, à la confiscation des armes. L’individu sera automatiquement inscrit pour 5 ans maximum au FINIADA. Au-delà, en principe la personne ne sera plus au FINIADA, sauf cas particulier à l’appréciation du préfet.
Attention aux faux espoirs ! Cette réforme ne concerne donc, malheureusement, pas les inscriptions FINIADA classiques, mais seulement les « confisqués » d’armes par voie judiciaire. Une procédure très particulière.
Pour tous les autres, les « finiadisés » classiques, non seulement il n’y a pas de durée plafond, mais la durée d’inscription n’est même pas connue de l’intéressé, en pratique. C’est aujourd’hui un véritable fléau : les préfectures ne prennent pas la peine de notifier la durée d’inscription et encore moins de les prévenir le jour venu, quand la désinscription intervient (si elle intervient). C’est l’arbre des « confisqués » qui cache la forêt.

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Modification du régime des ordonnances de protection

Atteintes au mineur et à la famille. Les ordonnances de protection interdisent la détention et le port des armes. Mais cela n’était pas instantanément suivi d’une procédure d’inscription au fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes. En conséquence, malgré la saisie des armes, la personne concernée pouvait racheter des armes dans un temps voisin de la saisie. Cela ne sera plus le cas demain, avec une inscription automatique au FINIADA.

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Bilan : Un renforcement très clair du contrôle opéré par l’administration en matière d’armes.

Le présent projet de loi comporte un bon nombre de nouveautés, de bon sens, qu’il sera difficile de remettre en cause. Pourquoi une personne assignée à résidence et interdite d’arme, devrait être moins rapidement inscrite au FINIADA qu’une personne condamnée par jugement à interdiction d’armes ? Cela n’aurait pas de sens.

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Ce qui nous semble très gênant, c’est plutôt le renforcement continu de la toute puissance administrative. Aucun progrès dans ce projet de loi, pour protéger les droits des honnêtes gens possédant des armes, soit l’immense majorité. Ce projet de loi nous semble, une fois de plus, faire la part belle au pouvoir règlementaire (cf. les décrets à venir). La mise en application par décrets se fera, par définition, loin du Parlement et sous le seul contrôle de la juridiction… administrative.

Le volet législatif du Code de la Sécurité Intérieure :
- Art. L312-7 : Si le comportement ou l’état de santé d’une personne détentrice d’armes...
- Art. L312-11 : procédure contradictoire.
- Art. L312-16 : la loi définie ce que recense le fichier national automatisé nominatif ;
- Art. L312-3 : la loi énumère 48 délits inscrits au B2, qui sont un des motifs d’inscription au FINIADA.
- Dossier parlementaire sur le site de l’Assemblée Nationale.

Rel. L- 27/07/21

 

[1Le fichier FINIADA : Fichier National des personnes Interdites d’Acquisition et de Détention d’Armes.

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