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Article paru dans la gazette des armes 489 de septembre 2016

Par "crainte" le Préfet peut ordonner une saisie !

Paranoïa préfectorale

lundi 1er novembre 2021, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA (publié initialement le 17 novembre 2016)

Dans un climat politique défavorable aux armes, le législateur a introduit dans le Code de la sécurité intérieure une disposition autorisant l’administration à saisir les armes d’une personne si « son comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elle-même ou pour autrui ». Aucune preuve n’est requise : une simple crainte peut suffire à justifier la mesure. Mais dans certains cas, cette possibilité donne lieu à des abus, comme nous allons le développer dans cet article.

L’expérience montre que de telles mesures donnent lieu, au quotidien, à des décisions arbitraires, souvent déshumanisées et parfois en total décalage avec la réalité du terrain.

Le fait du prince

Prenons un exemple simple : un voisin vous agresse verbalement. Vous gardez votre calme et adoptez un comportement irréprochable. Pourtant, pour se couvrir, ce voisin dépose une plainte à la Gendarmerie. Même si l’enquête établit que vous n’êtes en rien responsable et que la faute lui incombe, votre attitude peut malgré tout être interprétée comme « préoccupante » et faire craindre un usage inapproprié d’armes. Conséquence : vous êtes interdit d’armes et inscrit au FINIADA. Tout s’enchaîne alors — perte de vos autorisations, saisie de vos armes déclarées ou enregistrées, refus de validation annuelle du permis de chasser ou retrait de la licence de tir [1].
Par ailleurs, la loi énumère une série de 48 infractions dont la condamnation, si elle figure au bulletin n°2 du casier judiciaire, entraîne l’interdiction de détenir des armes. Depuis 2016, cette liste a été retouchée ou élargie trois fois pour être étendue notamment à des délits concernant les infractions à la législation sur les armes et explosifs (y compris, pour certaines, la catégorie D). Mais aussi les violences intrafamiliales ce qui créé ne nombreux désagréments aux détenteurs d’armes.

Sécurité ou dérive ? Le pouvoir discrétionnaire en question

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Comme on l’a vu plus haut, une simple crainte — non fondée sur des preuves factuelle— peut suffire à priver un citoyen de ses droits. Comment une telle disposition (Voir Art L312-3-1 du CSI.) a-t-elle pu être validée sans résistance par nos députés ? Ce texte permet au soupçon de remplacer le droit. Il s’instaure une forme d’ambiguïté grave entre le respect des principes fondamentaux de notre démocratie et l’extension préoccupante du pouvoir discrétionnaire des préfets. Car ce dernier, directement subordonné au ministre de l’Intérieur, agit en dehors de toute procédure judiciaire, sans les garanties d’impartialité que seule la justice peut offrir. Or, la Constitution française repose sur des piliers fondamentaux que cet article foule aux pieds : l’indépendance des pouvoirs, le droit à un procès équitable, le principe du contradictoire et la présomption d’innocence.
Comment parler d’équité quand un préfet peut, sans preuve ni débat contradictoire, désarmer un citoyen respectueux des lois ? En vérité, cette situation révèle une réalité troublante : en France, nul n’est pleinement propriétaire de ses armes. Le détenteur légal peut en être privé à tout moment, par décision unilatérale d’un seul homme. Bien entendu, les détenteurs qui s’estiment lésés saisissent avec succès les tribunaux administratif, mais que d’énergie perdue ,
Comme pour répondre aux idéaux du comte de Mirabeau sur l’armement des citoyens, Jean Jaurès nous rappelait que « le premier des droits de l’homme, c’est la liberté individuelle ». Encore faut-il que l’État ne s’en fasse pas juge et partie.

Voir aussi :
- Saisie et restitution d’armes par le préfet.
-  Se faire restituer une arme saisie suite à une infraction.
- Circulaire du 25 avril 2019 NOR : INTA1910979J à destination des préfet pour organiser et réguler les saisies d’armes. Un peu plus ancien, la fiche éditée en 2013 par la DLPAJ.
- C’est la loi du 3 juin 2016 n° 2016-731 contre le crime, le terrorisme, etc. qui à introduit la notion qui conduit certain préfets à une paranoîa.

Cpl JJB 06/06/25.

 

[1Décret n°2016-156 du 15 février 2016.

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