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Proposition de loi pour restreindre la détention des armes de catégorie D

Avis de tempête sur la catégorie D

samedi 4 mai 2024, par Jean Pierre Bastié président de l’UFA

Le 19 mars 2022 un célèbre joueur de rugby a été assassiné à Paris par des individus connus de la police, avec un revolver « Colt positive » modèle 1892 en calibre .32 Colt. L’arme était chargée avec des munitions modernes de 7,65 Browning.

Il s’agit d’une arme ancienne, à percussion centrale et à cartouches métalliques destinée à l‘époque au tir de munitions chargées à poudre noire. Une arme classée en catégorie D dont le modèle est antérieur à 1900".
Les armes de ce type sont en vente libre en France et il en allait de même pour les munitions jusqu’à une date récente.
Les choses ont changé en juillet 2023. Les munitions pour ces armes sont désormais classées en catégorie B13°, ce qui implique que pour les acquérir il faut être titulaire d’une autorisation qui n’est délivrée que dans le cadre du tir sportif.
En résumé, l’arme reste en vente libre, mais l’acquisition de munitions ne l’est plus. Pour être plus précis, dans ce cas particulier, l’arme a été utilisée avec des cartouches modernes destinées à l’origine à un pistolet semi-automatique. Des cartouches prohibées détournées de leur usage habituel.

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Pistolet de Louis François Devisme, armurier à paris dans les années 1830-1850.
Selon les auteurs de la proposition de loi, il faudrait que le possesseur soit fiché dans un registre.

Un projet qui sent le souffre

S’adossant à ce fait divers tragique deux députés, Thomas Porte et Aurélien Taché [1], ont rédigé une proposition de loi, portée par Mmes Florence LASSERRE pour le MoDem et Eléonore CAROIT pour Renaissance, visant à renforcer le dispositif de contrôle des armes « par l’enregistrement des armes à feu à poudre noire de catégorie D dans un fichier des détenteurs d’armes à feu à poudre noire de catégorie D ».
Le texte de cette PPL [2], pour le moins approximatif, annonce qu’il « ne s’agit pas de remettre en cause l’œuvre des 100 000 collectionneurs d’armes historiques et des 10 000 collectionneurs d’armes de guerre qui concourent, par passion, à la préservation et à la valorisation de ce patrimoine ».
On remarque d’emblée que ces députés, semblent avoir une vision très claire du monde des collectionneurs puisqu’ils affichent avec précision des chiffres venus d’on ne sait où ?

Ceci étant, ils ne sont pas à une contradiction près puisqu’ils confessent plus tard : « Nous n’avons, à ce jour, aucun moyen de déterminer le nombre de personnes qui détiennent des armes à feu à poudre noire en France ».

L’exposé des motifs de leur projet de loi argumente que « De telles armes représentent un danger potentiel, d’autant plus grand si l’on considère la facilité avec laquelle n’importe qui peut, légalement, en faire l’acquisition sans laisser de trace ».

C’est oublier un peu vite le nombre d’armes de guerre modernes qui fleurissent dans les cités et l’accès libre à tout autre type d’armes qui font aujourd’hui l’actualité au quotidien : couteaux, marteaux et autres chaînes à vélo.

Si l’on suit leur raisonnement, dans cinq ans les bricoleurs devront déclarer leurs outils en préfectures, faute de chaînes les vélos seront réduits à l’état de draisiennes et on mangera tous avec des couverts en bambou…

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Revolver Starr DA, cette arme comme sa réplique sont classées en catégorie D.
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Revolver Lemat, une arme mythique qui date de la guerre de sécession.

Le texte à la loupe

- L’article 1er vise à créer un fichier qui permettra de recenser les détenteurs d’armes à feu à poudre noire de catégorie D sur le sol français, et ainsi de combler la faille juridique qui permet aujourd’hui de pouvoir acheter légalement une arme à feu sans aucune restriction ni suivi.
Nos deux députés connaissent sans doute mal l’histoire de France et le développement des armes à feu. On en produit en quantité depuis 600 ans passant ainsi de la platine à mèche, au rouet puis au silex avant d’arriver à la percussion et aux cartouches métalliques. Ces 600 ans d’histoire représentent des millions d’armes qu’il faudrait déclarer là ou les services de l’état peinent depuis deux ans à enregistrer les armes modernes des chasseurs et des tireurs sportifs.
Une telle opération prendrait des années et coûterait une petite fortune aux contribuables, et pour quel résultat en termes de sécurité publique ? L’usage d’une arme de collection est exceptionnel dans les annales criminelles alors que l’on ne compte pas moins de 130 agressions à l’arme blanche par JOUR dans notre beau pays de France.

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Le détenteur de ce pistolet de cavalerie vers 1680, devra également être fiché au nom de la sécurité nationale !


- L’article 2 vise à instaurer un délai entre la conclusion d’une transaction concernant une arme à feu à poudre noire de catégorie D et la remise de cette arme à son acquéreur. Ce délai vise à éviter la commission d’une infraction à la suite d’un achat compulsif.
Cet article est emprunté au mode de fonctionnement de la remise des armes aux États-Unis. Il montre la pertinence de nos deux députés qui s’inspirent d’un pays où le taux de criminalité par armes à feu et le plus élevé des pays modernes.

- L’article 3 prévoit une disposition transitoire pour permettre aux personnes ayant acheté, trouvé ou hérité d’une ou plusieurs armes à poudre noire de catégorie D avant l’entrée en vigueur de la présente loi, de se mettre en conformité avec la nouvelle législation.
Une belle pantalonnade, tous les musées, tous les collectionneurs et des millions de particuliers qui ont une pétoire historique accrochée au-dessus de la cheminée devraient les déclarer. Nos députés font plus fort que les troupes d’occupation allemande dans les années 40 puisque là les armes historiques pouvaient être conservées par leur détenteurs en toute liberté.

- Les dispositions de l’article 4 assurent la recevabilité financière de la proposition de loi. En résumé, l’engagement financier que va nécessiter ce projet de loi doit être compensé par de nouveaux revenus à percevoir par l’état.
Il est donc prévu que de nouvelles taxes sur le tabac compensent l’investissement gigantesque que nécessiterait l’application de ce projet de loi. Un collectionneur qui serait aussi fumeur serait puni deux fois. En devant déclarer ses armes de catégories D et en payant beaucoup plus cher son paquet de cigarettes. Je rajouterai là avec un rien d’ironie, que le tabac choisi comme mode de financement de ces mesures, tue bien plus de français que les armes de collection.

Depuis près de 80 ans la réglementation ne cesse de se durcir pour les honnêtes gens, détenteurs légaux d’armes de loisirs. Sans aucun effet notable sur la grande et petite délinquance qui pour les uns se procurent des armes de guerre et pour les autres usent de couteaux, de cocktails Molotov ou de pétards d’artifices.


Les honnêtes gens sont malheureusement pris entre le marteau et l’enclume et payent souvent un prix élevé en termes de liberté individuelle, là où les criminels ne sont pas impactés puisque par définition, ils ne respectent aucune règle.
Durcir la réglementation sur les armes à poudre noire n’aura aucun effet sur la criminalité. Elle en aura par contre pour les détenteurs légaux d’armes à feu qui payeront une fois encore le prix fort pour des actes dont ils ne sont pas responsables car ils respectent eux, les règles de la république.

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Carabine mod. 1867 à « tabatière ». Qui pourrait imaginer un règlement de compte avec une arme de ce type ?

Consulter le dossier législatif.

Rel. LV-05/05/24</FONT

 

[1L’UFA est intervenue directement auprès de Thomas Portes et Aurélien Taché, sans obtenir de réponse.

[2La proposition de loi, ou PPL dans le jargon parlementaire, est un texte de loi déposé à l’initiative d’un ou de plusieurs parlementaires. Il se distingue du projet de loi (PJL), à l’initiative du Premier ministre.

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