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Clubs de tir : les voisins ne me dérangeront plus

samedi 20 avril 2024, par Jean Pierre Bastié président de l’UFA, Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA, Michaël Magi vice Président de l’UFA (publié initialement le 18 décembre 2023)

Régulièrement des clubs de tir nous font part de leurs mésaventures locales à propos de l’implantation de leur stand qui est contestée par les voisins qui se plaignent du bruit. Une nouvelle loi devrait constituer une avancée majeure pour les clubs de tir.

En effet, la la loi n°2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels change toute la physionomie du droit de contestation.

Les clubs de tir, ces mal-aimés

Ce texte de bon sens qui consacre le bien-vivre ensemble devrait apporter une bouffée d’oxygène à des clubs de tir en difficulté.
Certains, installés de longue date sur des sites éloignés à l’origine de toute habitation, se retrouvent aujourd’hui cernés par des néoruraux. Profitant de prix avantageux pour acquérir des terrains à proximité de zones d’activités de ce type, ces nouveaux résidents s’empressent une fois installés, de se regrouper pour demander la fermeture de stands de tir autour desquels ils se sont implantés en toute connaissance de cause.
Jusqu’à présent, les décisions de justice étaient souvent défavorables aux clubs de tir sportif qui se ruinaient en frais de procédure avant de fermer ou de chercher ailleurs un terrain plus favorable.

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Le Club de tir Trap Skeet Cibles Pilotin de Martinique implanté il y a 50 ans loin des habitations a fait l’objet d’un arrêté municipal : « trop de bruit ». Finalement l’expulsion a été annulée par le tribunal administratif le 7 mars 2024 et octroyé 1000 € pour les frais de justice.

Le vent a tourné :

Jusqu’à maintenant, la notion de trouble de voisinage n’était pas définie dans le code civil mais par une jurisprudence d’un arrêt du 19 novembre 1986 de la Cour de cassation ("nul ne doit causer un trouble anormal de voisinage") qui définissait une responsabilité sans faute. Une exception existait à ce principe (la théorie de la pré-occupation) qui figurait dans le seul code de la construction et de l’habitation (ex article L113-8). Cet article est logiquement abrogé par cette nouvelle loi.

Si la « proposition de loi visant à préserver les activités traditionnelles et usages locaux des actions en justice de voisins sensibles aux bruits et aux odeurs » initialement votée en première lecture par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2023 a connu quelques vicissitudes, les sénateurs souhaitant restreindre l’exception aux seules activités économiques et infantiles (vote du 12 mars 2024), la Commission mixte paritaire des 2 assemblées a rétabli le terme générique d’activités en précisant bien dans son rapport : "toutes les activités seront donc concernées - économiques, mais aussi culturelles, associatives ou autres". A noter que le garde des Sceaux a soutenu ces proposition au nom du gouvernement. Il a notamment souligné la valeur d’« un texte de bon sens, de concorde, qui consacre le bien vivre ensemble. »

Donc désormais, le code civil, en son article 1253, définit à la fois les notions de trouble anormal de voisinage et de responsable :
« Le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs qui est à l’origine d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage est responsable de plein droit du dommage qui en résulte. »
Et surtout l’exception d’antériorité :
cette responsabilité n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activités, quelle qu’en soit la nature, existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée. Ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s’être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal (sachant que le code rural et de la pêche maritime définit différemment les exceptions pour les agriculteurs).

Ainsi les clubs sportifs pourront se défendre et pérenniser leurs activités, vent debout contre leurs détracteurs nouvellement installés à proximité de leurs stands, car cette loi permet de défendre le patrimoine que constitue la pratique du tir. A noter que cette loi ne concerne pas seulement la ruralité mais vise aussi à gérer certains différents citadins. Tous les clubs de tir sont donc concernés par ces avancées..

Désormais l’antériorité prévaut mais il y a des limites

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Construit en 1980 sur une décharge et protégé de la ville par une forêt, le club d’Audenge (Gironde) a fait l’objet d’un arrêté d’expulsion en 2021. Mais finalement la municipalité à signé un protocole d’accordqui permet au club de rester dans les lieux.

3 conditions sont nécessaires pour que l’exception d’antériorité joue :
- Antériorité : Le code définit désormais clairement la notion : "activités...existant antérieurement à l’acte transférant la propriété ou octroyant la jouissance du bien ou, à défaut d’acte, à la date d’entrée en possession du bien par la personne lésée". Donc l’antériorité ne joue que par rapport à la personne lésée et non l’antériorité du bien par rapport à l’installation du stand de tir, ou l’antériorité d’autres voisins. Il n’est pas non plus nécessaire que le nouveau venu ait connaissance du trouble avant de s’installer ;
- Activité conforme aux lois et aux règlements : attention à ne pas prêter le flanc à d’éventuels moyens pour les requérants ;
- S’être poursuivie dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine d’une aggravation du trouble anormal : ce sera sans doute l’angle d’attaque des requérants.

Préparer sa défense avant d’être attaqué

Nous conseillons aux stands de tir, et pas simplement à ceux qui s’installent, de faire procéder à des mesures de bruits afin d’enregistrer l’intensité (cf. Pour aller plus loin et le paragraphe suivant). Mais aussi de consigner les horaires, le nombre d’adhérents, la fréquentation, la fréquence des tirs et le type d’armes utilisé, les compétitions hébergées..., de vérifier et bien conserver les historiques. Ainsi il sera plus facile de prouver que le bruit était « antérieur » à l’installation du requérant et de se défendre d’une aggravation. Et si des nouveaux résidents viennent à déposer plainte pour des troubles anormaux de voisinage, ils devraient faire chou blanc.

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Les parlementaires ont tranché : plus de responsabilité pour trouble anormal du voisinage existant avant l’arrivée de nouveaux venus.

L’arrêté du 27 novembre 2008 indique qu’il faut utiliser la norme NF S31-160 pour mesurer les bruits des tirs.
Donc il ne suffit pas de simplement télécharger une appli sonomètre sur son smartphone et faire ses mesures aléatoires soi-même dans son coin, cela n’a aucune valeur ! Pour plus de détail, référez-vous à l’article Comment installer un stand de tir.

Et s’il n’y a pas antériorité ?

Tout d’abord l’antériorité ne concerne que la personne lésée, pas par rapport à l’antériorité du bien, ni l’antériorité d’autres personnes.

Ensuite le trouble doit excéder les inconvénients normaux de voisinage donc si il constitue un bruit parmi d’autres ...

D’autant que les nouvelles technologies qui seront installées à l’avenir dans certains clubs à la suite de travaux (plaques acoustiques, récupérateurs de balle, tunnel de tir, etc.), pourront sûrement prouver dans bien des cas qu’il y a moins de bruit qu’avant. Ce qui vaut aussi en cas d’antériorité et fera preuve de la volonté de bien vivre ensemble du club de tir.


Pour aller plus loin :
- Comment installer un stand de tir ;
- La rubrique consacrée aux difficultés rencontrées par les clubs de tir avec leur voisinage ;
- Dossier législatif sur le site du Sénat ;
- Un article sur le bruit des stands de tir (site d’un consultant qui est intervenu dans un stand de tir antérieurement à la nouvelle loi).



Cet article a été publié une 1ère fois le 2 décembre 2023 sous la plume de Jean Pierre Bastié avec pour titre : « Clubs de tir : j’y suis, j’y reste ! ». Puis il a été mis à jour le 18 décembre 2023 en fonction de l’actualité parlementaire. Il a été revu en 19 avril 2024 par Michael Magi et Patrick Forterre au moment de la publication de la loi.

Rel. LV-20/04/24

 

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