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Doctrine : Une petite phrase bien inquiétante

samedi 14 octobre 2023, par UFA

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Dans les lignes introductives d’un document intitulé « Lignes directrices permettant d’identifier les armes à feu d’un modèle antérieur à 1900 », que nous désignons entre nous sous le terme de « doctrine », une phrase nous a bien interpellée : « Le SCAE conserve toutefois une liberté d’appréciation qui doit le conduire à écarter l’application des lignes directrices si l’intérêt général l’exige. »

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Cela voudrait-il dire que le SCAE garde toujours la main pour classer à sa guise les armes selon ses désirs ? Il y a déjà le décret du 30 avril 2021 [1] qui énonce que le SCAE « 1° Assure l’expertise juridique du ministère de l’intérieur dans les domaines des armes et des explosifs à usage civil… », donc c’est lui l’expert qui dit, et pas nous ! Tout cela nous semblait exorbitant, nous avions même été jusqu’a penser qu’il s’agissait d’un « argument d’autorité », il nous fallait absolument comprendre. C’est donc la recherche du fondement juridique qui est l’objet de cet article.

Jurisprudence quand tu nous tiens !

En creusant le sujet, on peut trouver les racines de cette petite phrase dans une décision du Conseil d’État [2] Lorsque l’administration (ici, le ministre de l’intérieur) doit appliquer une règlementation (comme l’application du critère de classement du modèle antérieur à 1900), il lui incombe de veiller à respecter le principe d’égalité alors même qu’elle ne peut pas édicter de sous-critères règlementaires supplémentaires (seule la Première ministre, au moyen d’un décret, le pourrait, mais pas le ministre de l’intérieur seul).

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Les lignes directrices sont un moyen de parvenir à une application uniforme du critère du « modèle antérieur à 1900 », afin de garantir que chaque modèle d’arme qui se trouve dans la même situation au regard de ce critère soit traité de la même manière. Mais puisqu’elles ne sauraient édicter de critères nouveaux, elles ne dispensent pas l’administration de continuer à étudier chaque modèle qui se présente au cas par cas, aux fins d’en déterminer le classement.

En outre, puisque l’objet des lignes directrices est de permettre le respect du principe d’égalité :
- l’administration est tenue de les appliquer lorsqu’elles permettent bien d’obtenir ce résultat ;
- en revanche, l’administration serait tenue d’en écarter l’application mécanique si celle-ci devait conduire, pour une modèle donné, à une aberration mettant en cause le principe d’égalité ou, plus largement, un intérêt général.

La phrase placée à la fin du texte introductif de la « doctrine » : « Le SCAE conserve toutefois une liberté d’appréciation qui doit le conduire à écarter l’application des lignes directrices si l’intérêt général l’exige », doit donc être lue comme un simple rappel de la nature juridique de ce document.

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Ce système des lignes directrices, que le Conseil d’État nommait jusqu’au milieu des années 2010 « directives », a été appliqué à de nombreux domaines, aussi variés que l’établissement des cartes sanitaires régionales de court séjour (CE 6 mars 1991 Union hospitalière privée,n°101286) ou le découpage des circonscriptions cantonales (CE 3 novembre 2014, Département de la Côte d’Or, n°377431).

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Souhait des amateurs :
S’il devait arriver qu’une arme acquise en catégorie D§e), soit surclassée dans une des 3 catégories supérieures, le détenteur se retrouverait contraint, de régulariser sa situation.. Au nom de la sécurité juridique, les détenteurs légaux d’armes à feu demandent que soit introduite dans la loi, lors d’une une évolution de la doctrine, une reconnaissance de la bonne foi du détenteur. Une telle disposition existe déjà en matière fiscale.

 

[1Article 2° du décret 30 Avril 2021 - n° 2021-536 - portant création d’un service à compétence nationale dénommé « Service central des armes et explosifs ».

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