Article paru dans la gazette des armes 526 de janvier 2020

Le « blacklistage » des tireurs

mardi 28 janvier 2020, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Se faire blacklister est une inscription sur une liste noire afin de bloquer l’accès de la personne à un service privé, qu’il soit commercial ou associatif.

Pour les tireurs, il s’agit d’une liste noire intégrée au fichier ITAC [1] de la FFTir selon ses règles internes.
Ainsi, les statuts de la FFTir prévoient que la licence peut être : non renouvelée, en attente de paiement à la FFTir, en cours de validité, licencié blacklisté, licence suspendue, enquête en cours.
Lorsqu’un licencié ou ancien licencié est blacklisté, un historique apparaît, avec le motif, l’auteur et la date du blacklistage. Il en résulte un blocage de licence. La raison peut être incarcération, FINIADA positif [2], problèmes juridiques, etc… Il est donc impossible d’éditer quoi que ce soit le concernant.

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« Dans le temps », nous étions dans un état de droit où la présomption d’innocence était de règle et où les citoyens étaient entendus par un magistrat (ou une commission de discipline dans le cadre associatif), avant qu’une sanction ne soit prise.
Aujourd’hui, nous sommes dans une espèce de dictature qui ne dit pas franchement son nom, dans laquelle le pouvoir administratif s’est substitué au pouvoir judiciaire et prend (sur des bases parfois discutables) des sanctions en cascade, sans que la personne qui en est l’objet puisse se justifier et sans même qu’elle ait reçu un avertissement préalable.

Dans les statuts de la FFTir, il est prévu un certain nombre de situations. Déjà, il y a une commission régionale de discipline et une commission d’appel. Elles sont compétentes pour prononcer des sanctions à tous les niveaux de la FFTir pour des faits contraires aux règles de la FFTir, actes répréhensibles et comportements antisportifs. Les sanctions sont de multiples niveaux, allant du simple avertissement aux pénalités sportives, la radiation et dans les clubs : « l’exclusion pour motif grave » [3].
Mais également, le bureau de la FFTir peut refuser de délivrer une licence ou supprimer une licence en cours de validité, pour un motif disciplinaire dûment motivé.
Dans le cas d’inscription abusive, bien que les recours ne soient pas expressément prévus, il est évidement possible d’exercer son droit de rectification dans le fichier dans le cadre de la nouvelle loi sur le RGPD. Il faut alors plaider sa cause auprès du bureau de la FFTir avec des arguments convaincants. En cas d’insatisfaction, il faut alors saisir la CNIL.

Exit les « inquiétants  »

Nous avons noté en parallèle que, lors d’une récente assemblée générale de ligue FFTir, il a été « vivement » conseillé aux clubs de modifier leurs statuts pour y inclure un article permettant : « d’exclure un licencié pour une faute de sécurité », alors qu’il est déjà prévu faute grave…

Effectivement, il est apparu ces dernières années, par exemple, que quelques fichés « S » étaient adhérents d’un club de tir en toute légalité. Il est donc hautement compréhensible que les présidents d’un stand puissent disposer d’un moyen de les écarter en cas de moindre doute sur leur motivation, dans le droit fil des conseils de prévention énoncés au plus haut niveau de l’État après l’attentat à la Préfecture de police.

Si cela est normal pour une bonne gestion de club, c’est aussi une porte ouverte pour les présidents « despotes » qui veulent imposer une dictature aux adhérents du club qui deviennent ainsi leurs « sujets » et se conduisent en vassaux afin d’exercer leur sport ! Il y a parfois « excès de pouvoir. »
Il existe une disposition [4] analogue dans l’administration : le préfet peut bloquer les personnes « dont le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui. » A défaut de preuve, la « crainte » est suffisante...

Bref, à l’heure du tout numérique, le travail et les contrôles sont simplifiés. Mais chacun doit rester attentif aux inscriptions dont il fait l’objet, car de façon insidieuse, cela peut conduire à lui polluer la vie au moment où il s’y attend le moins. D’autant plus qu’avec l’hyper connexion, nous vivons dans le monde de l’arbitraire et du procès sans juge où l’on « brûle les sorcières », pire qu’au moyen âge !
Le blacklistage est d’autant plus malsain qu’il se fait en secret, généralement sans que celui qui en est l’objet soit averti et puisse éventuellement se défendre des accusations qui pèsent sur lui.

Cet article sur le blacklistage ne vise pas à critiquer l’encadrement législatif des interdits d’armes, mais son usage par certains présidents de clubs, qui sous couvert d’appliquer la législation, abusent du pouvoir qui leur est délégué. Mais cela ne diminue en rien le respect que nous avons pour la FFTir dont le rôle d’autorité morale dans la bonne application des pratiques sportives liées aux armes ne saurait être remis en cause.

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Voir aussi :
- Cet article publié dans la Gazette des armes de janvier 2020 ( PDF ), fait partie d’un ensemble de trois articles dont : Dérives et injustice en matière d’armes peut conduire à de graves inconvénients pour celui qui en est victime, l’inhumanité vécue par les amateurs d’armes.
- FFTir : Guide utilisateur association du logiciel ITAC : Gestion internet du Tir, des Avis préalables et des cartes découvertes. A la page 12 du guide le fonctionnement du blacklistage est bien expliqué
- Par crainte le Préfet peut ordonner une saisie ! Il suffit que « le comportement laisse craindre une utilisation de ces armes dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui. »
- Se faire effacer du FINIADA,
- Vie à l’intérieur du club de tir : comme dans toutes les associations, il est possible de contester le fonctionnement. Mais il y a toujours des dérives difficiles à vivre,

[1Gestion Internet du Tir, des Avis préalables et des Clubs. Ce fichier résume tout ce que l’on sait sur le licencié, son passage dans différents clubs, les demandes d’avis préalables etc… Il permet également le contrôle de l’inscription au FINIADA et l’édition des badges de circulation dans le club. Voir la notice utilisateur.

[2La licence peut être refusée ou retirée par la fédération aux inscrits au FINIADA (Art R131-47 du code des sports., articles 7 et 8 des statuts de la FFTir et article 10 des statuts de la FFBT).

[3Article 5 des statuts type des ligues la FFTir.