Article paru dans la Gazette des armes n° 532 de juillet 2020

Collectionneur, ce mal aimé de l’État

jeudi 2 juillet 2020, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Nous constatons que le Ministère de l’Intérieur veut vider la loi (qui autorise la vente libre des armes de collection de catégorie D), de sa substance en surclassant, en dépit des textes, en catégories B ou C, un grand nombre d’armes dans son fichier informatique RGA.



Cet article vient à la suite de l’article L’État, unique expert en matière d’armes pour bien comprendre l’ensemble du problème.

En toute connaissance de cause, comme en 2015 avec les armes à blanc, le Ministère de l’Intérieur chercherait-il aussi à dissuader de collectionner les armes un peu trop récentes (fin XIXème), en laissant planer sur elles une forme d’insécurité juridique ?
Après tout, pourquoi envisager de changer les textes, pour les rendre plus restrictifs, quand on peut contraindre les comportements autrement ? Cela évite tous débats au Parlement, cela évitera aussi de devoir admettre que les armes de catégorie D (y compris les LEBEL en 8-348), ne posent pas de problème de sécurité publique et que les collectionneurs ne sont pas de dangereux séditieux susceptibles de prendre d’assaut l’Élysée avec leurs vieilles pétoires.

JPEG - 1.4 Mo
Seul un collectionneur averti peut s’y retrouver entre les classements en catégorie D§e) ou C1§b). A l’UFA, nous avons 50 ans d’archives sur ces classements et les meilleurs historiens, pour connaître l’histoire d’un brevet ou d’un modèle. Notre parole serait-elle inférieure à « l’autorité souveraine de l’État ? ». Dans son temps, Jean de La Fontaine nous avait déjà expliqué que «  La raison du plus fort est toujours la meilleure ! »

Sur ce dernier point pourtant, nous sommes renseignés par la CNIL sur ce que pense réellement le Ministère de l’Intérieur des amateurs et utilisateurs d’armes. Dans son rapport bien complaisant à propos de la création du SIA, la CNIL nous indique l’argumentaire choc du Ministère pour justifier que le SIA dérogera à toutes les règles sur le fichage des personnes : la volonté d’acquérir une arme (légalement dans le cas d’espèce) pourrait être révélatrice d’un « ... attrait pour la violence […] ou l’accélération d’actes préparatoires à un passage à l’acte » ! [1]. Comment un ministre de la République peut-il en arriver à couvrir un pareil procès d’intention fait à de paisibles citoyens ?

Il y a aussi eu une véritable trahison au moment de la mise en place de la carte de collectionneur. Souvenez-vous : les collectionneurs avaient obtenu en 2012 la possibilité de régulariser des armes de catégorie C déjà détenues (souvent des souvenirs de famille qu’ils n’avaient jamais pu déclarer). Cette promesse avait été réitérée pendant 5 ans, à chacune de nos visites, y compris par le directeur de la DLPAJ en 2014 [2].
Pour que la carte du collectionneur, pourtant prévue par la loi, soit mise en place, il a fallu que les parlementaires rappellent l’administration à ses devoirs et au respect de la loi [3], pour que celle-ci se décide à contrecœur. Il est probable que l’administration a manifesté sa rancœur en vidant cette disposition d’un de ses contenus majeurs, que les collectionneurs attendaient depuis des années : la possibilité de régulariser les armes de catégorie C déjà détenues, qui avait pourtant été promise. Grosse déception pour nous, qui avions cru en la sincérité de l’administration et sa «  continuité », nous étions bien naïfs ! Autant d’armes que le SCA aura choisi de ne pas faire émerger légalement et qui continueront dans la clandestinité.

Plus récemment [4], le Ministère de l’Intérieur a « bannis » les collectionneurs, prenant prétexte de la publication dans la Gazette des armes de décembre 2019, d’avant-projets de décrets qu’il nous aurait communiqués sous le sceau de la confidentialité. Et ce, bien que nous ayons apporté la preuve que les communications du Ministère avaient été postérieures à la rédaction de notre article. Mais il se pourrait que le Ministère n’ait en fait attendu que le bon prétexte pour rompre les relations avec une association insuffisamment soumise ?

PNG - 768.7 ko
Avant leur bannissement du Ministère, les collectionneurs ont été reçus quelques fois, bien qu’apparemment écoutés, leurs demandes ont été rarement suivies. Hervé Altmeyer et Stéphane Nerrant, membre du CA de l’UFA, Jean Jacques Buigné président de l’UFA et Laurent Varney trésorier de l’UFA.

En 2017, nous nous étions réjouis de l’arrivée du SCA qui, lors de sa création, était présenté comme : « Guichet unique, […] lien permanent entre les Douanes, les professionnels, la Chasse, le Tir et les Collectionneurs. » Nous en sommes hélas loin, de ce beau programme d’ouverture, c’est d’autant plus regrettable que la structuration de ce service allait dans le bon sens... sous réserve d’apprendre à travailler avec les acteurs de la société, véritables représentants du peuple français qui paye.

Là est la question
Comment exiger des usagers qu’ils respectent les textes, si l’État ne donne pas l’exemple ?
C’est un véritable sujet de philosophie où l’État « dirait le droit » en s’affranchissant du processus légal de l’élaboration de la loi avec ses étapes habituelles permettant de consulter, discuter, contester, publier des textes au JO ? Curieuse époque où le « fait du prince » deviendrait la loi !
A consulter :
- 8 juillet 2020 : lettre au nouveau Ministre de l’intérieur pour lui faire part des plaintes des collectionneurs.
- Lire absolument : L’État, unique expert en matière d’armes !
- On peut se rapporter à cet article : Collectionneur ou bouc émissaire ?

[1On retrouve ce paragraphe dans l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés sur le SIA. Délibération no 2020-001 du 9 janvier 2020.

[2Réunion du 9 juillet 2014,

[3Voir ce débat parlementaire mémorable du 31 janvier 2018 ou les député ont « chouchoutés » les collectionneurs,

[4par courrier du 6 décembre 2019