Comment conserver un canon de 75 dans un Musée ?

vendredi 28 novembre 2008, par UFA

Je suis le responsable d’une association qui restaure un vieux fort. Nous souhaiterions faire l’acquisition d’un canon de 75 mm sur affût et roues en bois . Or ,la Préfecture et le banc d’epreuve de St-Etienne nous ont répondu que cela n’était pas possible : le canon relève de la 1ère catégorie paragraphe 7 de la loi et non de la 2eme catégorie. Il me parait toutefois évident qu’un tel système d’arme et bien plus inoffensif qu’un blindé.

Qu’en est-il réellement ? Quels sont nos recours ?

Il est vrai qu’un canon conçu et fabriqué postérieurement au 1er janvier 1870 est en 1er catégorie §7 [1] et qu’à ce titre dans notre règlementation d’aujourd’hui, il ne peut, malheureusement, être détenu en l’état. Même si son ancienneté et son obsolescence le justifieraient.

Il y a donc deux solutions :


La neutralisation

Le faire neutraliser par le banc d’épreuve. Le coût d’une neutralisation pour un calibre supérieur à 20 mm est de 230,44 € TTC par arme (hors prix du colis), mais multiplier par 2 ou 3 si le spécialiste du Banc d’épreuve est obligé de se déplacer ? comme par exemple pour les matériels de 2ème catégorie. Voir le tarif du Banc d’Epreuve. Voir aussi notre rubrique sur la neutralisation.
Mais il apparait que dans la pratique, le banc d’épreuve refuse cette neutralisation pour les canons qui ne sont pas monté sur un char ou un véhicule à 4 roues. . Voir à ce sujet la question de Franck Marlin, en fin de page.

- La neutralisation d’un canon n’a pas toujours été aisée ;


Conserver cette arme non neutraliséE :

Le décret du 6 mai 1995 le permet :

- La conservation sous condition d’un canon antérieur au 1er janvier 1870. En effet, s’il n’y a pas de problème pour le tube qui, rappelons-le, est classé en 8e catégorie ! il en va autrement pour l’affût (la charrette en bois), qui en l’état actuel des textes, est considérée comme un matériel de 2ème catégorie soumis à autorisation d’acquisition et de détention.

- En revanche, pour tous les canons postérieurs à cette date, les règles suivantes doivent scrupuleusement être respectées :

- Les musées ouverts au public — Article 32 Modifié par Décret n°2005-1463 du 23 novembre 2005 - art. 8 JORF 30 novembre 2005

  • I. - Peuvent être autorisés, sous réserve, pour les personnes physiques, des dispositions de l’article 40, à acquérir et à détenir des matériels de guerre, armes et munitions :
    • 1° Les personnes qui les exposent dans des musées, ouverts au public, pour les armes, matériels et munitions de toutes catégories ;
  • Le préfet autorise sur avis du Ministre de la Culture — Article 38
    • 7§ Pour les autorisations visées à l’article 32, le préfet du département dans lequel se trouvent situés le musée, le siège de la personne morale ou de l’établissement d’enseignement ou le domicile de la personne physique. Lorsque le matériel de guerre est classé au titre des monuments historiques, la décision ne peut être prise qu’après avis du ministre chargé de la culture.
  • Une protection contre le vol et description des matériels — Article 39

8° Pour les autorisations visées à l’article 32 :

    • pour tous les demandeurs : un rapport sur les moyens de protection contre le vol ou les intrusions et sur les modalités de conservation du matériel ;
    • pour les demandeurs autres que les musées : tout document décrivant le matériel de guerre faisant l’objet de la demande, précisant notamment les dates d’entrée en service du premier exemplaire du même type et de fabrication du dernier exemplaire du même type ; le certificat de neutralisation des systèmes d’armes et armes embarqués ; pour les aéronefs de 2e catégorie, paragraphe 3, aptes au vol, la copie des documents de navigabilité en cours de validité ;
  • Une prudence dans l’exposition — Article 55
    Les armes, les éléments d’arme et les munitions de la 1re et de la 4e catégorie présentés au public dans des musées autres que les musées de l’Etat et de ses établissements publics, sont soumis aux prescriptions ci-après :
    • a) Les locaux ouverts au public et les locaux de stockage des collections de la réserve sont munis de systèmes de fermeture de sûreté tels qu’ils sont définis au c de l’article 49 ci-dessus.
    • b) Les armes exposées, ou stockées dans la réserve, sont rendues inutilisables par l’enlèvement d’une des pièces de sécurité mentionnées au a de l’article 49 ci-dessus. Les armes et les éléments d’arme exposés en permanence sont, en outre, enchaînés ou équipés d’un système d’accrochage de sécurité s’opposant à leur enlèvement. c) Les personnes propriétaires des collections tiennent un registre inventaire particulier des armes, éléments d’arme et munitions de la 1re et de la 4e catégorie comportant toutes les indications utiles à leur identification (catégorie, modèle, calibre, marque, numéro de série). Ce registre inventaire est visé par le commissaire de police compétent ou par le commandant de brigade de gendarmerie et présenté à toute réquisition des représentants de l’administration.
  • Des sanctions en cas d’imprudence — Article 110
    • 8° Tout propriétaire, dirigeant ou responsable d’un musée mentionné à l’article 55 ci-dessus qui ne prend pas les mesures de sécurité ou ne respecte pas les dispositions que prescrit cet article pour l’exposition et la conservation des armes, des éléments d’arme et des munitions mentionnés au même article.
Question parlementaire de Franck Marlin
M. Franck Marlin appelle l’attention de Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales sur les conséquences du décret n° 2005-1463 du 23 novembre 2005 fixant les conditions d’acquisition et de détention de matériel de collection d’origine militaire classé en 2e catégorie et de l’arrêté du 12 mai 2006 fixant les conditions de neutralisation.

Le banc d’épreuve de Saint-Étienne indique régulièrement aux collectionneurs de véhicules historiques d’origine militaire membres de la FPVA qu’il n’a pas à neutraliser ou poinçonner les canons montés sur affût tracté.
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Même une réplique de canon n’est pas reconnue comme arme de 8ème catégorie

Il apparaît qu’un canon tracté disposant d’un affût sur roues est une remorque que l’on peut dénommer « véhicule tracté ». En effet, selon le code de la route les remorques de plus de 500 kg ont l’obligation d’être immatriculées et deviennent donc des « véhicules » à part entière (articles 317-8 et 322-1 du code de la route). Or, l’article 1er du décret-loi du 18 avril 1939 (art. L. 2331-1 du code de la défense) définit les matériels de 2e catégorie comme étant les « matériels destinés à porter ou à utiliser au combat les armes à feu », tandis que l’article 2 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 précise qu’il s’agit des « chars de combat, véhicules blindés, ainsi que leur blindage et leurs tourelles », mais également des « véhicules non blindés équipés à poste fixe ou munis d’un dispositif spécial permettant le montage ou le transport d’arme ». De plus, l’article 1er du décret-loi du 18 avril 1939 (art. L. 2331-1 du code de la défense) et l’article 2 du décret n° 95-589 du 6 mai 1995 ne mentionnent pas le terme « véhicule à moteur ou véhicule motorisé », mais uniquement celui de « véhicule » qui englobe donc les « véhicules tractés » tels que les remorques de plus de 500 kg.

Aussi, au regard de l’impossibilité actuelle d’obtenir la neutralisation des canons tractés par le banc d’épreuve de Saint-Étienne et du risque de voir disparaître une partie de notre patrimoine en raison d’une interprétation administrative manifestement erronée, il lui demande si le Gouvernement envisage de préciser ou de modifier la réglementation, tant les malentendus demeurent vifs et nombreux sur ce point.


[1Paragraphe 7 : Canons, obusiers et mortiers de tous calibres, ainsi que leurs affûts, bouches à feu, culasses, traîneaux, freins et récupérateurs, canons spéciaux pour avions.