Directive sur les armes à feu : l’Europe hausse le ton
jeudi 14 décembre 2023, par
L’État suédois était poursuivi devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) par la Commission Européenne (CE) pour ne pas avoir transposé complètement la directive européenne sur les armes à feu. Il a été condamné à une amende de 8.500.000 euros.
La Suède n’en est pas à son premier écart sur ce sujet, puisqu’elle n’avait déjà pas respecté le délai pour transposer la directive 2017/858 : les États membres avaient en effet jusqu’au 14 septembre 2018 pour cela. Le délai expiré, la Suède a été mise en demeure par la CE fin 2018.
En 2019, la Suède a indiqué que le travail de transposition était en cours, et a finalement pris 18 mesures en avril 2019 pour transposer la directive. Cependant, après examen, la CE a relevé que la transposition était incomplète, les points suivants n’avaient notamment pas été pris en compte :
- Le classement en catégorie A des armes automatiques transformées en armes semi-automatiques. (L’équivalent de nos A1-11.) ;
- Le classement en catégorie A des armes de poing de plus de 21 coups ou longues de plus de 11 coups (quand le système d’alimentation fait partie intégrante de l’arme, ou quand un chargeur d’une capacité supérieure à ces seuils y sont insérés) ;
- Le classement en catégorie A des armes d’épaule à crosse télescopique, démontable ou repliable qui permettent de réduire l’arme à une longueur totale inférieure à 60 cm, sans qu’elles perdent leur fonctionnalité ;
- Le classement des armes réelles transformées à blanc dans leur catégorie d’origine avant transformation.
Toutes ces armes étaient en effet dans des catégories moins restrictives en Suède. Voyant encore les choses stagner, la CE a finalement déposé un recours devant la CJUE le 30 mai 2022. La CE demandait que la Suède soit condamnée à une amende forfaitaire, « au moins 1.900.000 euros », calculée en fonction du nombre de jours écoulés entre le 15 septembre 2018 [1] et la date à laquelle la Suède corrige le tir.
La CJUE a finalement pris sa décision, le 9 novembre 2023, et a condamné la Suède à une amende forfaitaire de 8.500.000 euros. Vous pouvez retrouver les détails juridiques dans l’article de Yves De Coninck que nous avions publié plus tôt.
La Suède s’est totalement conformé à la directive le 30 juin 2023, date à laquelle s’arrête le calcul de l’amende forfaitaire.
Ainsi, on voit se concrétiser la promesse que nous avait faite la commissaire européenne en charge des affaires intérieures, Ylva Johansson, lors du colloque européen sur le contrôle des armes à feu à Chambord en février 2022 : sanctionner les pays qui ne respectent pas la directive sur les armes à feu. |
Que risque la France ? Où en est-on de la transposition de la directive ?
De son côté, la France avait déjà transposé à temps les différents points de la directive exposés ci-dessus. En effet :
- Les armes automatiques transformées sont en catégorie A1-11 chez nous depuis le décret du 29 juin 2018. D’abord autorisées pour les anciens propriétaires, celles qui fonctionnent en semi-automatique ont finalement été complètement interdites par le décret du 30 octobre 2021. L’UFA a largement couvert ce sujet et nous avons d’ailleurs déposé des recours européens devant la CJUE et la CEDH [2] ;
- Les armes d’épaule pouvant être réduite à une longueur de moins de 60 cm et les armes ou chargeurs de grande capacité sont en catégorie A depuis ce même décret du 29 juin 2018 : voir nos articles sur ces armes et ces chargeurs ;
- Les armes réelles transformées à blanc, aussi appelées armes de spectacle, restent dans leur catégorie d’origine avant transformation depuis le décret du 1er août 2018.
On voit ainsi que beaucoup des mésaventures et changements règlementaires que nous avons subi ces dernières années découlent directement de l’Europe, qui hausse maintenant le ton pour que sa directive soit appliquée dans son intégralité et à la lettre.
Cette poursuite de la Suède devant la CJUE pourrait notamment expliquer pourquoi la France s’est récemment empressée de corriger les derniers points de sa règlementation qui n’étaient pas totalement conformes à la directive européenne : il y avait le classement dérogatoire en catégorie C de certains USM1 modifiés en semi-automatique 2+1 coups, et le classement en catégorie C de certaines armes semi-automatiques en 2+1 coups alors qu’elles ressemblent à une arme automatique.
Toutes ces raisons font que l’UFA est particulièrement attentive à ce qui se passe dans les autres États membres, au niveau de la Commission européenne, et travaille notamment avec la FESAC pour défendre les intérêts des amateurs d’armes.
Une spoliation dont on aurait quand même pu se passer : bien que la directive impose le classement en catégorie A des armes automatiques transformées, interdisant donc leur acquisition, l’article 10 de la directive prévoit dans son point 5 que les États membres peuvent confirmer, renouveler et prolonger les autorisations des détenteurs qui les avaient acquises avant le 13 juin 2017. Rien n’obligeait le ministre d’imposer à ces détenteurs, de se dessaisir de leurs armes, cette décision est bel et bien franco-française. |
Rel. LV-02/12/23