Focus sur le contrôle des détenteurs et ses fondements juridiques

L’organisation du contrôle des détenteurs d’armes

mardi 4 octobre 2022

La publication de notre article : l’organisation du contrôle des détenteurs d’armes, suscite bien des craintes et des interrogations. Dans cette page, nous avons voulu vous les résumer.


Fait suite à l’article : L’organisation du contrôle des détenteurs d’armes

L’article R 114-5 du CSI renforce le pouvoir du Service Central des Armes et Explosifs sur le contrôle des détenteurs d’armes.
En effet, il prévoit de vérifier dans le cadre d’une audition administrative : « que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n’est pas incompatible avec leur demande. »
Le modèle type de ce recueil d’information figure sur un document du Ministère de l’Intérieur.
Il s’agit « d’apprécier les motivations et le profil du demandeur/détenteur afin d’éclairer l’autorité préfectorale sur l’opportunité de la délivrance de l’autorisation, particulièrement les finalités contraires aux pratiques du tir ou de la chasse : volonté d’auto-défense, formation au tir tactique, mode de vie survivaliste. » Ce document suggère ces quelques réflexions.

Sur la rédaction de l’article du CSI, sa lecture, son appréciation et application.

L’article R 114-5 du CSI. énonce à sa première ligne un principe fondé sur le pouvoir du Préfet, c’est à dire sa capacité et sa faculté juridique de faire diligenter une enquête administrative.

Il suggère d’abord une frontière à la liberté d’appréciation entre l’esprit et la lettre du texte.
En la matière, les fonctionnaires préfectoraux, soumis à la vision hiérarchique comme à son niveau d’autorité, ne disposent pas d’un soupçon de libre arbitre.
Il est toujours plus facile de se positionner en garant de l’application de la réglementation, c’est surtout moins dangereux face à l’exercice d’une responsabilité dans un domaine sensible à l’égard du déroulé de carrière.
Dès lors apparaît rapidement le recours au parapluie, l’objet au figuré constitutif du moyen de protection contre des retombées néfastes.
Il suggère ensuite le problème de la formation des personnels préfectoraux, des représentants de l’ordre sur l’assimilation d’une législation des armes en perpétuelle évolution, sur la connaissance des armes au niveau physique : identification, mode de fonctionnement, pratique du tir au sein des associations.

Une interrogation tout aussi pertinente pour ce qui concerne la fonction judiciaire des magistrats et avocats, sauf chez une infime catégorie de spécialistes du domaine.
Cela sera d’autant plus vrai pour tout ce qui ressort du domaine des « situations particulières » dont la définition n’est pas explicitée et qui offre donc au décideur une grande marge de manœuvre, que seul le contentieux administratif sera en mesure de délimiter et tempérer

Sur l’audition administrative

Cette disposition, formalisée dans son contenu du formulaire type du SCAE, correspond-elle bien à l’esprit du « Guichet unique » édicté par l’évolution de la législation, qui vise à soulager les forces de sécurité intérieure de la tâche qui antérieurement leur incombait intégralement ?
Participe t-elle à la volonté exprimée par le politique de voir plus de « bleu » sur le terrain ?

Elle suppose au préalable la connaissance et la maîtrise de la législation des armes par l’enquêteur mais surtout sa formation à l’audition et donc à la technique d’entretien à même de permettre l’appréciation raisonnée du profil du demandeur et de ses motivations.
Tous sont-ils sensibilisés au principe de la « taqîya » (ou « technique de dissimulation ») qui n’est pas propre aux adeptes d’une religion mais est aussi enseignée à certains membres d’unités militaires spécialisées, et se cultive naturellement dans le milieu délinquant.
L’audition administrative ne requiert aucune qualification juridique comme l’impose celle judiciaire avec la hiérarchie des compétences entre l’OPJ, l’APJ, l’APJA et l’expérience acquise sur des enquêtes d’un certain niveau. Elle est semble t-il réalisable par du personnel d’active ou de réserve.

La facilité, la nécessité de l’urgence du délai de réponse, ne risquent-ils pas de devoir confier cette audition à un adjoint de sécurité ou à un gendarme adjoint volontaire, un emploi jeune à la pratique limitée du fait de sa formation juridique d’ APJA ?
En la matière, le questionneur maîtrise t-il la différence entre le tir sportif et celui de loisir., connaît-il les différentes disciplines susceptibles d’être offertes à un licencié Fftir. ?
Mesure t-il la différence entre tir sportif de vitesse et la formation au tir tactique ?
Rappelons que le tir sportif concerne 90 % des détenteurs d’arme. Et qu’il ne conviendrait pas d’astreindre cette population à une quelconque participation à un concours du type tir aux armes règlementaires en rapport avec la ou les armes détenues et pour cette seule raison.

Parmi les accédants à l’acquisition et détention d’arme figurent des femmes et des hommes soucieux de se préparer à un engagement dans l’exercice d’une profession de sécurité intérieure ou extérieure au sein des armées ou des forces de l’ordre, dans l’active ou la réserve.
Il s’agit pour eux de se familiariser aux armes, à leur maîtrise, avant la concrétisation juridique de leur engagement, puis de s’entrainer au tir pour pallier l’insuffisance des moyens en temps et munitions de l’institution servie et surtout pour assurer sa pratique du tir et sa maîtrise des armes.
L’esprit des « bataillons scolaires » de la fin du XIXème siècle auquel les clubs de tir ont longtemps concouru !

Sur l’appréciation des motivations

L’homicide de trois gendarmes, à Saint Just en 2020, a fait soudainement émerger la notion de « survivalisme » qui présente des connotations diverses.
Il peut s’agir de ces formations dispensées par d’anciens militaires au sein d’association qui promeuvent la découverte et la pratique de techniques de survie du type commando.
Une formation le plus souvent proposée afin de connaître et mesurer ses capacités propres, dans un cadre rustique, obligeant à mettre en œuvre des règles de solidarité, d’engagement, de dépassement de soi … que la suspension du service national ne permet plus de découvrir.
L’activité de ces associations est-elle contrôlée par les services de l’État afin de vérifier l’absence d’utilisation d’arme factice lors de la formation, comme cela a pu être observé ici ou là ?
Le seul fait de randonner en montagne ou sur des chemins, sur une certaine durée temporelle et une distance, surtout en autonomie complète,
constitue t-il une forme de « survivalisme » ?
La phobie de manquer de nourriture observée dans la population dès lors de situations dues aux phénomènes climatiques (inondations...), à des tensions internationales (Ukraine …) ou chez des personnes ayant vécu des périodes sérieuses de restriction d’approvisionnement (conflit antérieur), constitue t-elle une forme de « survivalisme » ?

L’affaire de St Just souligne en outre les difficultés liées à une politique pénale qui n’a rien de nationale et qui, en volume du contentieux susceptible d’un traitement rapide cohérent, fait passer aux oubliettes, par un classement sans suite, un certain nombre d’infractions caractérisées ou non.
Il en est ainsi du principe de la « main courante » qui concourt tant à la baisse de la statistique qu’au volume du contentieux à traiter.
Enfin, il apparaît bon de souligner l’effet de la non rétroactivité de la législation des armes. Il offre à des armes une détention viagère ou non, qui ne permet plus leur identification dans le cadre d’un homicide

La réglementation qui se veut stricte n’apporte donc pas la sécurité complète telle que prônée par le politique.
Comment s’étonner ensuite de l’émergence d’une :
- volonté d’auto-défense, peu ou prou confortée par l’inexécution des sanctions pénales ;
- perte de confiance dans les institutions lorsque le citoyen apprend la décision du maintien d’une détention d’arme à une personne fichée S !

Sur la valeur d’une audition administrative

La procédure administrative n’apparaît pas envisager le principe d’affirmations fallacieuses qui sont susceptibles de poursuites en matière judiciaire.

Sur l’activité de tir et de la pratique et la sécurité des armes ?

Le contrôle de la maîtrise de l’arme au sein des clubs de tir s’est étiolé dans la mesure de l’assouplissement de sa réalisation jusqu’alors matérialisée sur un carnet de tir
A l’obligation de ces trois tirs annuels contrôlés s’est substituée celle d’une pratique régulière durant tout la période de détention de l’arme.
Sa matérialisation minimaliste ressort avec l’obligation de réaliser un tir minimum par an, durant la durée de détention, afin de ne pas faire obstacle à la délivrance de l’avis favorable de renouvellement par la FFTir.

Dès lors difficile de s’assurer de l’assiduité d’un tireur, sauf :
- à déterminer des jours d’ouverture d’un stand avec présence d’administrateurs ou de volontaires formés autorisés à assurer une forme de contrôle de présence, de pratique, de conseil ou de rappel de sécurité ?
- de disposer d’une vidéo surveillance à même d’identifier le flux des adhérents entrant dans le stand tout comme leur action de tir.

Le contrôle des stands de tir

L’expérience est vraisemblablement différente en fonction des lieux comme des services concernés (PN ou GN).
De manière générale, il paraît contraint à la vérification du respect des dispositions réglementaires relatives à l’affichage d’un certain nombre de données, à la présence de la trousse de secours, à l’émargement du registre des tirs contrôlés entrant dans la formation initiale des nouveaux adhérents.

La convention Fftir/ Gendarmerie ne génère pas d’intérêt particulier de celle-ci à l’égard de la population des adhérents, des armes détenues, de la vulgarisation qui pourrait en être faite aux gendarmes face à ce qu’ils sont susceptibles de rencontrer ou découvrir dans l’exercice de la profession.
On pourrait déplorer la seule vision "utilisateur" au détriment de tout l’aspect réglementation, connaissance des armes, acquises par des tireurs passionnés … sauf pour les militaires licenciés afin d’utiliser leur arme de service.

Au final, il apparaît donc que l’enquête administrative devienne la règle pour tous dans la même finalité de l’enquête de sécurité qui prévaut pour les personnels assermentés ou accédant à des informations classifiées. (Cf. 226-13 ou 313.10 et 413.11.1° du code pénal).
De ce fait, s’agrandit le fossé séparant les détenteurs autorisés d’arme de ceux du monde de la délinquance.

Enfin, chez les tireurs sportifs et de loisir s’exprime le sentiment que le politique fait peser sur le citoyen le poids de ses propres visions idéologiques et de sa fuite en avant face a l’insécurité dont il est considéré comme étant à l’origine.

Voir aussi :
- Vie pratique : Le contrôle des stands de tir et des armureries ;
- Texte : Instruction du Ministère de l’intérieur du 4 juillet 2016 sur le contrôle des stands de tir et des armureries.
- Texte : Décret du 30 avril 2021 qui installe le SCAE et lui confie une mission de contrôle ;
- Texte : Art R114-5 du CSI qui prévoit une enquête administrative préalable a toute autorisation d’activité liées aux armes ;
- Instruction pour réaliser une audition administrative. Nous avons vérifié, ce document est parfaitement authentique et a été réalisé trois semaines après l’émission d’Élise Lucet. C’est une autorité de police qui l’a remis à un tireur « auditionné »  ;
- Article de l’UFA réalisé le 15 février 2022 et jusqu’alors non publié : tentative de fichage des tireurs ;
- 2020 : Le « blacklistage » des tireurs ;
- 2013 : Europe : Un contrôle des armes ? ;
- 2008 : Contrôle des armes : mythe & imposture !