Article publié dans la revue Action n° 411 de mai/juin 2023

Les tubes réducteurs

jeudi 25 mai 2023, par Gaston DEPELCHIN

Permettant de tirer des munitions de calibres très variés à partir d’une même arme, ces accessoires économiques sont utilisés tant par les militaires que par les tireurs ou les chasseurs… Mais quid de leur classement ?

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Dans le numéro de novembre/décembre 2019 de la revue syndicale Armuriers, une synthèse avait été publiée sur la réglementation applicable aux tubes réducteurs destinés aux fusils de chasse. On pouvait y lire que ce type de canon supplémentaire était un élément d’arme, et qu’il était donc soumis à déclaration. En outre, pour éviter le surclassement de l’arme en catégorie B, il était précisé que ce type de canon devait mesurer au moins 45 cm de long... voire 60 cm dans certains cas. N’étant pas tout à fait du même avis, nous avons donc posé la question au SCAE (Service Central des Armes et Explosifs)…

La thèse que nous défendions

De notre point de vue, la définition précise du tube réducteur nous était donnée dans une annexe de la convention de la CIP, qui a été ratifiée par la France et qui a donc une valeur juridique en droit français. Parmi les définitions des termes CIP, on peut y lire : « Tube réducteur : Canon pour l’installation dans un canon existant avec un calibre différent, mais sans un système propre de fermeture et qui peut être démonté facilement ». S’agissant donc d’un « canon », l’article R311-1 19° du CSI (Code de la Sécurité Intérieure) semblait nous confirmer qu’il s’agit d’un élément d’arme : « Elément d’arme : partie d’une arme essentielle à son fonctionnement : le canon, la carcasse, la boîte de culasse, y compris le cas échéant ses parties supérieures et inférieures, la culasse, y compris le cas échéant son ensemble mobile additionnel, le barillet, les systèmes de fermetures et la conversion  ». De fait, nous considérions le tube réducteur comme un élément d’arme, effectivement soumis à autorisation (cat. B) ou à déclaration (cat. C). En revanche, contrairement à ce qui était écrit dans la revue Armurier, nous considérions qu’un tube réducteur de longueur inférieure à 45 cm (ou à 60 cm selon le cas) ne modifiait pas le classement d’un fusil de chasse, même temporairement.
Notre argument juridique était en effet le suivant : l’article R311-1 12° du CSI définit ce qu’est une arme d’épaule, et précise que « La longueur de référence du canon d’une arme d’épaule se mesure de l’extrémité arrière de la chambre jusqu’à l’autre extrémité du canon, les parties démontables non comprises ». Nous défendions donc l’idée que le canon d’origine ne pouvait pas être considéré comme une partie démontable. En effet, sans lui, le tube réducteur ne pourrait plus être utilisé, et l’arme ne serait plus fonctionnelle. De fait, même avec un tube réducteur inférieur à 40 cm, c’était bien la longueur du canon d’origine qu’il fallait prendre en compte, puisque les deux étaient indissociables afin que l’arme demeure fonctionnelle. Du moins, telle était notre interprétation des textes…

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Extrait de catalogue Manufrance.
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La première réponse du SCA

Afin d’obtenir une réponse officielle à cette question, nous avons donc envoyé un premier e-mail au SCA le 9 novembre 2020. Oui, vous avez bien lu : 2020 ! Nous avions pris le soin de bien détailler notre question, d’argumenter notre interprétation, et de joindre une copie du catalogue Manufrance où figuraient des tubes réducteurs de 40 cm. Après plusieurs relances, nous avons obtenu une réponse par e-mail le 27 mai 2021 :
« En réponse à votre demande d’expertise concernant les tubes réducteurs, les seuls matériels visés à ce jour par les textes le sont par Arrêté de classement du 24/07/2006 modifié par Arrêté du 2 septembre 2009 - art. 9, à savoir :
- Le tube réducteur (calibre 4 mm M 20) permettant le tir de munitions à percussion centrale commercialisé par la société Nemrod Frankonia, classé au 8° de la catégorie C.
- La fausse cartouche, dite « coup de grâce », permettant le tir, dans une arme à canon lisse de calibre 12, 16 ou 20, d’une cartouche à percussion annulaire de calibre .22 Win. Mag., commercialisée par la société Nemrod Frankonia, classée au b) du 1° de la catégorie D.
Les autres systèmes de tubes réducteurs ne sont, à ce jour, pas pris en compte par le Code de la Sécurité Intérieure en tant qu’éléments d’armes. »

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Drilling équipé d’un tube réducteur. On notera le système de réglage de la convergence par vis pointeau, ajustable à l’aide d’une clé Allen.

Outre le fait que l’arrêté modificatif date du 2 septembre 2013 et non de 2009, on notera que le tube réducteur cité est donc classé en C 8° comme une munition, et que la fausse cartouche citée est toujours classée dans la sous-catégorie D 1° b qui n’existe plus depuis le 1er août 2018, et qui correspondait auparavant à un élément d’arme. Mais c’est un autre problème…

La seconde réponse du SCAE

Dans un nouvel e-mail envoyé au SCA le 29 mai 2021, nous avons donc contesté cette réponse qui nous semblait incomplète et partiellement fausse, et qui surtout ne répondait pas à la question initialement posée concernant le surclassement éventuel de l’arme. Sans réponse au bout de 2 mois, nous avons saisi cette fois le Défenseur des Droits (ex-Médiateur de la République), qui à son tour relança à de multiples reprises le SCA, devenu entre temps le SCAE. Le 26 juillet 2022, c’est finalement par un courrier du Défenseur des Droits que nous avons appris que le SCAE maintenait son analyse juridique. Il était par ailleurs indiqué :
« En complément, le chef du SCAE précise qu’un canon réducteur n’est qu’un dispositif additionnel, non nécessaire au fonctionnement de l’arme. Il ne s’agit aucunement d’un « élément d’arme », défini par le code de la sécurité intérieure comme une « partie d’une arme essentielle à son fonctionnement ».
De même, la définition du tube réducteur proposée par la Commission internationale permanente sur les armes à feu portatives (CIP) n’a aucun objectif de classement mais vise simplement à un rapprochement technique avec le canon d’origine dans le but de la réalisation de l’épreuve (test de résistance de l’arme).

En conclusion, le SCAE confirme donc qu’une arme d’épaule à un coup lisse par canon dotée d’un canon réducteur de 40 cm demeure bien classée en catégorie C 1° c)."

Contrairement à l’idée répandue, un tube réducteur n’est donc pas un élément d’arme. Hors classement spécifique par arrêté, il n’est pas non plus classé, et sa longueur n’est pas un critère de surclassement pour l’arme dans laquelle il se monte. Nul doute que cet éclaircissement tant attendu sera apprécié par les utilisateurs…


Les informations communiquées dans cet article reflètent l’état des connaissances de l’auteur en matière de réglementation des armes lors de la mise sous presse de la revue. Les résumés n’ont comme valeur que celle d’un résumé.

Rel. L-27/05223