Petite histoire chronologique des armes à feu

Des origines au XVIIIème siècle.

mercredi 7 octobre 2020, par Alain PARBEAU (ancien professeur de lycée des métiers de la sécurité)

Le médiéviste Alain PARBEAU nous fait partager toute une vie de recherches et de connaissances sur le début de l’arme à feu.

Les données balistiques (performances des projectiles de tir) citées dans cet exposé, font suite à des tirs réalisés par l’auteur avec des répliques d’armes et des armes authentiques, avec des chargements soignés et estimés proches de ceux de leur époque d’origine. Ils sont publiés à titre indicatif, pour donner une idée de la puissance des armes anciennes. Il est évident que ces résultats peuvent s’avérer différents si l’on emploie d’autres charges.
Légende du logo :
Il s’agit du tir (à blanc) avec une reproduction d’hacquebute primitive (vers 1380), copie réalisée par l’auteur sur le modèle d’une authentique trouvée lors de fouilles au château de Calmont d’Olt à Espalion en Aveyron.
On voit bien l’allumage avec un boutefeu à mèche, et le départ du coup avec la sortie des gaz. Cet engin a été éprouvé par le banc d’épreuve de Saint-Etienne à 1 200 bars.

Certaines dates sont imprécises et signalées « Vers …… ». La raison en est que l’auteur n’a pas trouvé de date exacte de l’invention, mais qu’il a consulté des documents historiques qui en parlent ou des représentations qui montrent l’arme depuis la date indiquée.

Nous limiterons là, notre petit exposé, celui -ci étant destiné à prévenir médiévistes et amateurs de la Renaissance, les « mordus » par la bête qui sévit de 1764 à 1767 en France dans le comté du Gévaudan, et toute personne désireuse de connaitre l’origine des armes à feu.

Quand la poudre commence à parler !

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Attaque navale à l’aide du feu Grégeois. Manuscrit de Jean Skylitzès (11/12è siècle) conservé à la bibliothèque nationale d’Espagne,

En 479 avant Jésus Christ, les Perses utilisent des torches volantes au siège de Platée en Béotie (Sont-elles déjà l’ancêtre des fusées utilisant une poudre comme moyen de propulsion, ou de grandes flèches enflammées lancées avec une sorte de catapulte… ?)

Au VIIème siècle le feu grégeois : Mélange visqueux de poix, naphte, soufre, etc. (on ne connait pas sa composition exacte) qui enflammé, est projeté chaud et liquide sur l’ennemi, ses bateaux et ses constructions. Étant plus léger que l’eau, il flotte au-dessus, et ne peut être éteint par elle. Il est comparable au « Napalm , mélange gélifié d’essence de pétrole et de palmitate d’aluminium, très employé par les américains pendant la guerre du Vietnam (1955 à 1975). Son invention serait attribuée à Callinicius d’Héliopolis, architecte réfugié à Constantinople au VIIème siècle Il est probable qu’il soit plus ancien dans des versions simplifiées employées depuis l’antiquité.

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La poudre noire comporte trois composants.

Au VIIIème siècle après Jésus christ, invention de la poudre noire par les chinois (et peut-être aussi les Indiens).
Il s’agit d’un mélange de Salpêtre (nitrate de potassium), soufre, et charbon de bois. Le salpêtre joue le rôle de comburant, apportant de l’oxygène et activant la vitesse de combustion du charbon de bois et du soufre. Ce mélange, lorsqu’il est de qualité et comprimé dans un canon, brûle à la vitesse d’environ 300 à 600 mètres par seconde (suivant sa granulométrie), ce qui constitue une explosion de type « déflagration » (vitesse d’inflammation inférieure au km/seconde). Le volume de gaz et résidus (environ 289 fois supérieur à la poudre) du à la combustion exerce alors une forte poussée, exploitée pour propulser divers projectiles.

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Fusée de guerre Chinoise utilisée à la bataille de « Kai-Keng » en 1232 pour repousser les Mongols

Usage principal chinois : fusées utilisant de la poudre noire à combustion plus lente (par réduction de pourcentage de salpêtre) projetées sur les envahisseurs mongols, et grenades explosives à main en céramique puis en fonte (960-1221).

Les grenades feront leur apparition en Europe vers 1467.
Ce sont le plus souvent des petites « gourdes » de terre cuite remplies de poudre et aussi de petites pierres dures, et équipées d’une courte mèche à allumer, qui sont lancées à la main sur des soldats ou dans les bâtiments. En explosant, la grenade projette ses pierres dures comme des balles, et peut mettre le feu.

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Madfaa arabe primitif à canon en tôle renforcé par du bois et des cerclages de fer, et sa courte flèche (seule la partie claire de la flèche est insérée dans le canon pour le tir). Cette arme portative est inspirée d’armes chinoises. Doc H. Parbeau

Vers 1150 - 1200, utilisation de la poudre noire par les arabes (qui l’ont empruntée aux chinois via le moyen orient). Sous la forme de canon rudimentaire à main le « Madfaa » qui propulse une flèche trapue à courte distance. Il est l’ancêtre de toutes les armes à feu portatives occidentales.

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Une des rares représentations médiévales d’un « pot de fer à traire garrot » Manuscrit de 1327 "De Notabilitatibus Sapientis et Prudentis Regum" de Walter de Milette.

Vers 1273, utilisation d’une bombarde par le sultan du Maroc.

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Jouet figurant une bombarde et son servant artilleur y « boutant » le feu.

Vers 1280 redécouverte de la poudre en Europe et création de pots de fer à « traire garrot . Ce type de canon primitif, propulse une grosse flèche appelée « Garrot . Il cherche par ce fait à concurrencer l’espringale, sorte de grosse arbalète sur roues.
Le moine anglais Roger Bacon travaille également sur des fusées incendiaires.

En Août 1324, apparait une des premières utilisations en France d’une bombarde pour l’attaque de la ville de la Réole (Gironde). Celle-ci est montée sur un fût en bois, et posée à même le sol. Son pointage rudimentaire, se fait à l’aide de cales de bois glissées sous le fût. On n’emploie pas encore le terme « Canon » qui vient de l’italien « canonne » (gros tube).

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Tir à la Bombardelle Doc. Château de Calmont d’Olt (Aveyron) très intéressant à visiter !

1346, utilisation de 3 bombardelles (petites bombardes) par Edouard III, roi d’Angleterre, à la bataille de Crécy en Ponthieu contre l’armée française.

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Bombardelle à culasse mobile : calibre 15 cm, boulet de 3 à 4 kg en pierre puis en fonte de fer, lancé à 200 mètres. La balistique de ce type d’arme est faible, mais son effet psychologique est important. En effet le bruit rappelle le tonnerre de source divine, et l’odeur de soufre, le diable ! Bref, un engin qui peut être terrifiant pour la mentalité de l’époque…

Vers 1380, Elle deviendra une arme plus efficace lorsqu’on lui adjoindra une culasse mobile (boite à feu) permettant un chargement plus rapide, et la charge à la place du boulet d’une centaine de balles de plomb, la « plommée , en guise de projectiles. Ce type de chargement ancêtre de la mitraille, permettra de coucher à terre nombre de soldats en un seul coup.

Ce type de petit canon, vers 1420, équipé d’une culasse mobile (appelée boite à feu), et monté sur un affût plus léger souvent à roues et maniable prendra le nom de « veuglaire » (Canon à oiseaux en Flamand, sans doute en référence aux nombreux projectiles qui sont projetés dans tous les coins, comme une envolée d’oiseaux.

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Tir avec une hacquebute primitive appuyée sur une fourche de portage appelée « Fourchine ou fourquine ». A droite, canon d’hacquebute primitive du château de Calmont d’Olt.

Vers 1370, l’hacquebute (primitive)  : Littéralement « canon à croc » du germanique « hakenbüchse , destinée à tirer en crochetant un mur ou une palissade avec son croc de fer situé en dessous de l’arme pour que le mur encaisse le recul à la place du tireur. Elle comporte un long fût de bois (ou parfois de fer), à l’avant duquel est fixé un canon de fer de courte dimension (20 à 25 cm). Son calibre fait généralement de 18 à 28 mm. Une balle ronde en plomb, de 18 mm de diamètre part à la vitesse de 130 mètres par seconde, avec une charge de 4 grammes (7 grammes au moyen âge) de poudre noire. Allumage au boutefeu à mèche ou par un ringard chauffé au rouge. (Une planche de pin de 3 cm d’épaisseur est traversée à 15 mètres). C’est l’ancêtre de toutes les armes à feu portatives occidentales.

A partir de cette époque les balles rondes en plomb pour armes portatives à canon lisse seront enveloppées dans un petit carré de tissu graissé appelé « Canepin » destiné à les caler. Le mot « Canepin » sera déformé en « Calepin » à partir du 17ème siècle.
On verra également rapidement vers 1450 apparaitre les « gargousses , ancêtres de la cartouche, doses de poudre préparées à l’avance dans un tissu ou du parchemin et les « apôtres » dont le rôle est identique mais en bois vers 1480. (Les gargousses de poudre resteront en service pour les canons jusqu’au milieu du 19ème siècle. La cartouche elle, apparait plus tard, vers 1644 en Suède, et comporte en plus la balle, et la dose d’amorçage pour le bassinet).

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Traits à poudre à hampe de bois ou de fer (château de Calmont d’Olt).

Vers 1370, le « Baston à feu ou Trait à poudre  : petit canon portatif à main, de calibre 15 à 30 mm environ, monté sur une hampe en bois ou en fer et propulsant de petits boulets de pierre, puis de plomb, soit appuyé sur la poitrine du tireur protégée d’une armure, soit la hampe tenue fermement, coincée sous l’aisselle
L’allumage se fait à l’aide d’un « boutefeu , baguette à laquelle est fixée une mèche allumée, ou d’un « ringard , tige de fer dont l’extrémité courbée est chauffée au rouge par un brasero. Si le trait est équipé d’un croc, il devient « Hacquebute .

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Reconstitution du lance-fusée (et sa fusée) de Jehan Froissart

Vers 1380 le lance fusée tubulaire : Le français Jehan Froissart invente l’ancêtre de notre « bazooka , sous la forme d’un tube qui permet d’accroitre la précision des tirs de fusées incendiaires.

A partir de 1410, apparait « la couleuvrine à main » appelée « scopette » dans le sud de la France (de « Schioppetto » en italien du bruit que l’on peut faire en gonflant ses joues d’air pour les vider brutalement, nom qui sera donné aussi plus tard au tromblon, fusil court à bouche évasée sous la dénomination d’ « Escopette ) :
C’est une sorte de « Trait à poudre » à canon rallongé (40 à 50 cm, d’où la désignation par sa plus grande longueur de canon faisant penser à une petite couleuvre), monté sur un fût de bois que l’on utilise, coincé sous l’aisselle. Certaines possèdent un croc en faisant une hacquebute à canon rallongé. L’allumage se fait au boutefeu à mèche. Vitesse de la balle : 240 mètres par seconde pour un calibre de 18 mm.

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Ribaudequin ou Orgue (Château de Castelnau en Dordogne. Très intéressant à visiter !)
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Couleuvrine à main 1410 (Doc « atelier La Bigorne » Jean Robert Seifert)

Vers 1430 Le ribaudequin appelé aussi « Orgue
Cette arme consiste en l’alignement côte à côte de plusieurs petits canons, de petit calibre comparables chacun à une couleuvrine à main, et montés sur un affût mobile. La mise à feu est faite par une trainée de poudre disposée dans une gorge qui amène le feu à la lumière de chaque canon. Le tir de l’ensemble des canons est quasiment instantané. On peut comparer cette machine à l’ancêtre de la mitrailleuse.

Le « Pétard », décrit depuis le 13ème siècle dans le « Liber ignium » de Marcus Graecus.

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Pétard médiéval avec sa mèche d’allumage ici à droite.

Le 15 Août 1443, Louis XI encore dauphin va avec ses troupes libérer la ville de Dieppe tenue et assiégée par les anglais. Il aurait utilisé des pétards, ancêtre de la dynamite pour faire sauter des portes. Cette « bombe , remplie de poudre noire (souvent de 5 à 50 kg), se fixe discrètement en appui contre une porte, une palissade en bois, ou sous une muraille minée par une galerie souterraine étayée. Un soldat met le feu à la mèche courte. En explosant, le pétard pulvérise l’obstacle (porte, palissade ou étais), permettant de s’introduire dans l’enceinte convoitée. Cette arme restera en service dans les armées européennes jusqu’en 1866 où elle sera remplacée par la dynamite inventée par Alfred Nobel.

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Canon sur affût du type des frères Bureau/

Vers 1445, apparition du « Canon » (de canonne, gros tube en italien) des frères « Bureau , « bombarde légère moderne » à calibre standardisé, montée sur affût à grandes roues à rayons, et équipée d’un système de pointage à crémaillère percée. Portée d’environ 600 mètres (320 toises), ce qui surpasse en distance les plus puissantes machines de guerre à contrepoids de l’époque comme le trébuchet, qui n’excèdent pas 250 mètres. Ce « canon » permet de tirer soit des boulets de fonte de fer, soit de la plommée (mitraille). Cette artillerie à poudre (300 bouches à feu) initiée et dirigée par les frères Bureau, fera « merveille » et amorcera la fin de la guerre de cent ans le 17 juillet 1453 à la bataille de Castillon (Gironde) qui verra la défaite des troupes anglaises commandées par le lieutenant général de Guyenne John Talbot.

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Arquebuse primitive à serpentin et sa mèche d’allumage (1460).

Vers 1460 jusqu’à 1660, l’arquebuse, mot découlant d’hacquebute : C’est une arme à feu, à fût de bois, véritable ancêtre des carabines, mousquets et fusils, que l’on tient sous l’aisselle ou que l’on commence à épauler.
La mise à feu est faite par un « serpentin » en fer fixé sur le côté du fût et tenant une mèche. Il est rabattu rapidement mèche allumée sur la lumière du canon (petit trou recouvert de poudre qui communique avec la charge de tir à l’intérieur du canon) pour faire partir le coup.

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Platine à rouet.
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Arquebuse à rouet allemande vers 1700.

Vers 1510-15 la platine à « rouet » (peut-être inventée par Léonard de Vinci, ou Johan Kuhfuss) permet un allumage sans mèche, sur le principe d’une roue rainurée (le rouet) entrainée par un ressort, et qui frotte sur une pyrite de fer mordue (tenue) par un « chien » produisant ainsi des étincelles, qui allument la poudre.. Ce mécanisme fiable mais couteux et fragile sera principalement réservé aux arquebuses de chasse, et aux pistolets.
L’arquebuse restera le plus souvent à allumage à mèche pour les usages militaires. Son calibre fait environ de 14 à 16 mm, pour une longueur de canon de 60 à 90 centimètres. La vitesse initiale de son projectile avoisine les 300 mètres par seconde, et il traverse une planche de 6 cm d’épaisseur en pin à 50 mètres.
Il existe aussi des arquebuses à crosse très courbée faites pour prendre appui sur la poitrine du tireur. Elles sont connues sous le nom de « Pétrinal » ou « Poitrinal .

Vers 1495, L’arquebuse à canon rayé droit : L’autrichien Gaspard Zöllner eut l’idée de rayer (rainurer) l’intérieur du canon de ses arquebuses à mèche, pour permettre de forcer à l’aide d’un maillet, une balle de plomb d’un calibre très légèrement supérieur à celui du canon, en permettant au trop-plein de plomb compressé de se glisser dans les rayures droites. Il s’aperçut que la précision et la puissance étaient meilleures que dans un canon lisse ou la balle d’un calibre inférieur de 1 à 2 mm, bien qu’enveloppée dans un canepin, rebondissait (en vibrant) sur les parois et sortait de façon imprécise.

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L’avènement de la cartouche métallique.
Arme visible au Château de Castelnau en Dordogne. Très intéressant à visiter.

Vers 1460 - 1500 une cartouche métallique (adaptée ici à une couleuvrine à main) comportant poudre et balle, sur l’idée des boites à feu « culasses mobiles » de canon de type « veuglaire , pour couleuvrine à main et Arquebuse à chargement par la culasse fut inventée (Germanie). Elle n’eut pas un franc succès, car coûteuse, délicate à fabriquer et présentant sans doute des fuites de gaz au niveau de la culasse, donc des risques de brûlure. Mais néanmoins l’idée de la cartouche à chargement par la culasse, qui plus est métallique, était née.

En 1520, l’arquebuse à canon rayé (rainuré) hélicoïdalement : Il semble que le germanique Auguste Kotter, remarquant que les « viretons d’arbalète » (traits aux ailerons inclinés qui partaient en tournant sur eux-mêmes) avaient une plus grande précision que les « traits classiques » comme le « carreau . Il inventa le « rayage (rainurage) hélicoïdal » de l’intérieur des canons d’arquebuses. Cela apporta une précision nettement plus efficace de l’arme par stabilisation gyroscopique de la balle dans l’espace, et une augmentation de puissance en supprimant les fuites de gaz propulseurs des armes à canon lisse dont la balle était plus petite que l’âme du canon. En contrepartie, cette arme était plus délicate et longue à charger, car il fallait au début, forcer la balle avec un maillet.
L’ancêtre de la carabine était né.

Le nom « carabine » provient d’un corps de gardes à cheval du roi de France Henri III qui étaient équipés d’une arquebuse à canon rayé, et d’un habit satiné qui les faisaient ressembler à un « Escarabin » (Le scarabée fouisseur de cadavre) mais aussi à cause de leur tir précis qui transformait souvent leur cible en cadavre (pour « scarabée ). Ils furent donc nommés « carabins » et par analogie leur arme carabine. (Louis XIII quarante ans plus tard, remplacera leur carabine par un mousquet à chargement plus rapide grâce au canon lisse, ce qui les fera nommer tout naturellement « mousquetaires »). (En ce qui concerne les étudiants en médecine, c’est le côté « fouisseur de cadavres » du scarabée qui les a fait nommer carabins également)

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1521 Apparition du « Mousquet » Arme de guerre d’une portée pratique (qui tue), sans précision de 200 mètres :

L’arquebuse étant assez courte, se prêtait mal au tir de guerre sur plusieurs rangs, l’embouchure du canon se retrouvant au niveau de l’oreille du rang précédant. De plus, sa portée pratique (sans précision mais qui tuait à coup sûr) se limitait à une centaine de mètres.
Il fut donc décidé de rallonger l’arquebuse et d’en augmenter le calibre, donc le poids du projectile et la puissance destructrice. Le mousquet était né. Le nom « mousquet » provient de l’italien « moschetto , issu du latin « musca , la mouche, à cause de la balle (qui sifflait et qui était invisible en vol comme une mouche aux oreilles des soldats. Le mousquet peut être interprété comme le « lanceur de mouche ). L’expression « prendre la mouche , qui exprime la colère, viendrait du fait de recevoir des mouches (balles) ce qui n’est guère plaisant. En tir on parle de « faire mouche » quand on atteint la cible, c’est-à-dire mettre la mouche dans la cible.

Pour des raisons de vitesse et de facilité de rechargement, le canon resta lisse, et la balle inférieure d’un à deux mm environ au calibre de ce dernier. Cette balle était enveloppée d’un « canepin , pièce de tissu graissé au suif, pour la caler dans le canon. Le nom canepin sera déformé en « calepin » à partir du 17è siècle. L’allumage sera à serpentin à mèche sur les mousquets militaires, jusqu’à la généralisation de la platine à silex sur les armes de guerre françaises en 1703.

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Pistolet à rouet français vers 1630.

Vers 1520 Apparition d’une forme très réduite de l’arquebuse à rouet, le pistolet.
Bien que l’on puisse trouver des armes portatives à canon très court dès 1380, qui sont mises à feu par des boutefeux à mèche ou des ringards (tige de fer chauffée au rouge dans un brasero), et souvent fixé sur des hampes en bois, on ne peut les considérer comme pistolets car trop longues, mais plutôt comme ancêtre de l’arquebuse.

Le pistolet, arme tenue à la main, est rendu possible grâce à la platine à rouet, qui permet de le porter dans des fontes fixées à l’avant de la selle du cheval, et prêt à faire feu. Cela entrainera la célèbre manœuvre dite « Caracole » des « Reîtres germaniques, soldats mercenaires. Elle consiste à envoyer un rang de cavaliers armés de pistolets à 15 mètres des piquiers ennemis qui leurs barrent le passage, et à décharger leurs armes sur eux. Les cavaliers repartent en arrière recharger leurs pistolets, et un nouveau rang de cavaliers se présente et effectue la même manœuvre. Cette opération sera menée jusqu’à ce qu’un passage soit dégagé dans les rangs de piquiers, par mort d’un certain nombre, pour permettre la charge de la cavalerie, qui sinon se serait empalée sur les piques.

Le système de mise à feu des armes à silex

La première platine d’allumage à silex pour pistolet ou arquebuse, est la platine dite à « Chenapan »  ; Elle aurait été inventée (inspirée par le briquet à silex que l’on nommait fusil à l’époque) par le hollandais « Snapp Hann » (voleur de poule ou coq picorant en vieux hollandais) vers 1560.

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Le système primitif est d’origine hollandaise vers 1560. Il été très utilisé en afrique du nord pour les Moukalas.

Puis vint la platine dite à « Miquelet » inventée vers 1600 en Espagne, dont le mécanisme est extérieur.
Enfin inspirée des deux précédentes la platine à la française inventée par Marin Le Bourgeois armurier de Lisieux vers 1610 sera adoptée par l’ensemble des pays.

1703 Le mousquet à fusil dit « Fusil », arme de guerre (et de chasse)
Initiée par Louvois, ministre d’état, et sur le conseil du maréchal de Vauban, Louis XIV, généralisera par ordonnance la platine à silex à la française (déjà partiellement en service dans l’armée depuis 1660 sur des mousquets allégés dits à fusil) , sur les mousquets en allégeant leur poids en 1703. La platine à silex n’est rien d’autre que l’adaptation du briquet à silex (nommé « fusil » depuis le moyen-âge), sur un mousquet plus léger pour remplacer l’allumage à mèche.

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Pistolet à silex vers 1670
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Baiïonnette à douille, de fusil de guerre du 18è siècle.

Les piquiers seront aussi supprimés et la baïonnette à douille généralisée sur les « mousquets à silex » (la baïonnette à douille autour du canon et permettant le tir, a remplacé la baïonnette-bouchon introduite dans le canon, sur l’initiative de Vauban en 1689). Cette nouvelle arme à feu verra son poids allégé en affinant le bois et le canon.
La généralisation du « mousquet à fusil » à tous les fantassins en 1703 changera définitivement en France le nom « mousquet » en lui donnant le nom de son système d’allumage, c’est-à-dire le « Fusil » .
Par extension il faudra trouver un nouveau nom au fusil d’allumage de feu : Ce sera le nom « briquet , terme dérivé du vieux flamand qui désignait le silex.

Un « mousquet à fusil » plus court destiné à la cavalerie, mais utilisant généralement la même cartouche au 2/3 de sa charge de poudre que le « fusil » (le reste de poudre de la cartouche est jeté), sera aussi inventé et prendra le nom de « mousqueton . Il sera généralement attaché par un anneau à la selle des cavaliers. Le système simple qui le tient à la selle, prendra ultérieurement aussi le nom de l’arme « mousqueton . Par analogie, les anneaux d’attache rapide modernes ont gardé ce nom de nos jours.

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Le fusil mle 1717 est la première arme qui a fait l’objet d’un règlement militaire.
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Cartouche en papier de fusil réglementaire Français
(la balle ronde en plomb est dans la partie avant de la cartouche devant la poudre)

1717 Premier Fusil de guerre standardisé Français en calibre 17,5 mm

1728-40 Généralisation en France de la cartouche de guerre en papier, comportant 10 à 12 grammes de poudre noire (suivant la qualité de la poudre) et une balle de 16,3 mm en général. La balle est plus petite d’environ 1,2 mm que le calibre de 17,5 mm, pour qu’elle rentre facilement lors du rechargement, même si le canon est un peu encrassé par le tir précédent. Il n’y a plus de calepin de tissu graissé avec la cartouche, le papier de celle-ci en faisant office, tassé avec elle lors du rechargement. [1]. Elle augmente ainsi la vitesse de chargement de l’arme et en simplifie la manœuvre.

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Tir avec une carabine à silex où l’on voit l’allumage du bassinet et les gaz de combustion sortant du canon et propulsant la balle. (Cliché P.J. Vidal.)

En revanche, ce type de chargement nuit à la précision, car la balle rebondit sur les parois internes du canon et c’est le dernier rebond avant sa sortie qui définit sa direction. , Cela nuit aussi un peu à la puissance du tir car une partie des gaz fuit par le « Vent , espace entre la balle et le canon, mais ce n’est pas trop un problème, car on se tire dessus d’assez près, « dans le tas » de 40 à 75 mètres de distance environ.

On s’aperçoit qu’un fusil modèle 1728 chargé avec une cartouche en papier, expédie sa balle à la vitesse de 360 mètres par seconde, projectile qui reste mortel jusqu’à 250 mètres ; (A cette distance, son projectile perce encore une planche de 3 cm d’épaisseur en pin).

Si l’on améliore la précision et l’étanchéité en réduisant le vent au strict minimum (0,3 mm au lieu d’1,2 mm, avec un calepin graissé en coton et une balle de 17,2mm) la balle atteint des vitesses de l’ordre de 430 m par seconde, voire un peu plus, avec une charge de poudre de 7 grammes de poudre noire PNF1 actuelle (correspondant à 10 grammes de l’époque) et on obtient une portée en balle perdue en mettant l’arme sous un angle de 35° par rapport au sol, d’un kilomètre.

1763 Modification définitive de la crosse à l’origine en pied de vache (crosse courbée) du fusil réglementaire français, en la transformant en crosse droite. Poids du fusil : 4,65 kg

1766 Allègement important du poids et renforcement du chien. Poids du fusil : 3,80 kg

1777, puis an IX, et enfin le dernier modèle de fusil de guerre à platine à silex, le 1822….qui sera modifié en platine à percussion vers 1830, puis son canon rayé vers 1848. Il prendra alors l’appellation de « fusil 1822 T bis » ( « T » pour transformé et bis, 2 fois). Tous ces fusils sont dérivés à l’origine du modèle 1717…


Pour information complémentaire, le remplacement de l’allumage à silex


Les travaux sur les agents chimiques explosant suite à un choc, réalisés par le chimiste français Bertholet, comme le fulminate de mercure et le muriate de potassium, amenèrent le pasteur écossais Alexandre John Forsyth en 1808 à concevoir la première platine à percussion par chien (sans pierre) dite à « flacon de parfum , n’utilisant pas le silex, mais le fulminate de mercure, sur un fusil de chasse. L’armurier français Jean Lepage inventera une platine à percussion avec un petit piston percuteur de fulminate de mercure dans une petite urne brevetée en juin 1810.

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Pistolet système Pauly.

L’armurier parisien d’origine suisse, Jean Samuel Pauly, (en collaboration avec le français François Prélat inventeur de l’amorce et de la cartouche de ce fusil), présenta en 1812, à l’empereur Napoléon premier, le premier fusil à canon basculant, se chargeant par la culasse avec une cartouche en papier à culot métallique (dit « rosette ) à percussion centrale et amorce au muriate de potassium fixée sur une boulette de gomme arabique. Le mécanisme du fusil est équipé d’un percuteur interne (hammerless avant l’heure), appelé par Pauly « Piston . Cette arme permettait de tirer plus de 10 coups à la minute, mais fut rejetée par l’empereur car trop en avance pour son temps, et trop délicate pour ses « grognards .

François Prélat et Jean Samuel Pauly sont véritablement les précurseurs de toutes les cartouches modernes actuelles à percussion centrale, qu’elles soient de pistolet, de carabine ou de fusil.

Par analogie avec le percuteur d’amorce appelé « piston » par Pauly, tous les fusils postérieurs qui utiliseront la percussion par un chien, d’une capsule en cuivre avec une amorce au fulminate de mercure (brevetée en France par François Prélat en 1818 et peut-être aussi par Joshua Shaw pendant la même période aux USA) posée sur une cheminée, pour la mise à feu de la poudre, seront appelés « fusils à piston .
Par la suite, un ancien apprenti armurier français de l’atelier de Pauly, Casimir Lefaucheux, mettra au point la cartouche de chasse « moderne » à culot en laiton et fût en carton brevetée en 1836 pour son fusil de chasse à canon basculant . Cette cartouche est équipée d’une broche perpendiculaire au culot en laiton qui permet par percussion d’un chien, de faire la mise à feu de l’amorce située à l’intérieur du culot.
Elle est l’ancêtre de nos cartouches modernes de chasse.

A propos du langage armurier Anglo-Saxon.



Les anglo-saxons, garderont le nom « Musket » (mousquet) pour désigner le « fusil » de guerre, jusqu’à l’apparition de rayures dans le canon du fusil, vers 1850. Ils le nommeront alors « Musket-rifle , puis « War Rifle » à la fin du 19è siècle.
« Hunting Rifle » désigne à l’origine la carabine (canon rayé) de chasse d’origine germanique « Jager importée aux Etats Unis, et « Hunting long-rifle » la « longue carabine de chasse » de petit calibre pour l’époque (8 à 12,7 mm) très précise, à canon rayé, inventée vers 1765 en Amérique du nord par des armuriers d’origine germanique, et connue sous l’appellation « Kentucky ou Pennsylvanie rifle » (Longue carabine rendue célèbre par le roman « le Dernier des Mohicans » de James Fenimore Cooper, les tireurs d’élite américains pendant la guerre d’indépendance, et le colonel Davy Crockett).

Les « anglo-saxons » appelleront « Musketon » le mousqueton du même calibre que le Musket , puis vers 1865 « War Carbine , le Musketon à canon rayé de calibre plus petit ou identique au « Musket rifle » .
Le terme générique « Gun » désigne en langage familier américain toute arme à feu portative, et souvent de nos jours un pistolet, qui normalement s’appelle « Pistol » en anglais. Un canon se nomme « Cannon .

De nos jours, la confusion des genres, amène les américains à appeler « Hunting carbine » une arme d’épaule à canon rayé dont le canon ne dépasse pas 55 cm. Ils nomment « Hunting rifle » une arme d’épaule à canon rayé dont le canon rayé dépasse 55 cm. Par ce fait nous trouvons parfois de mauvaises traductions de ces termes américains, dans nos livres en français, où l’on nous désigne « fusils de chasse » des carabines de chasse à canon rayé parce qu’elles ont un canon supérieur à 55 cm.

En Europe, nous avons gardé pour la chasse le terme « carabine » pour une arme d’épaule à canon rayé quelle que soit la longueur du canon, et le terme fusil pour les armes d’épaule à canon lisse. Mais il se trouve qu’il existe aussi des fusils de chasse avec un canon lisse et un rayé, et même des fusils à pompe de chasse avec un canon légèrement rayé.

En termes de tir affilié aux fédérations internationales, suite à l’introduction d’origine américaine d’armes de guerre comme arme de tir, on trouve la discipline du « tir au fusil » à longue distance. En fait il s’agit de tir avec une arme d’épaule à canon rayé de guerre ou de chasse, tirant une munition de guerre qui peut éventuellement avoir été admise en cartouche civile de chasse comme le calibre 30-06 Springfield, ou une cartouche de chasse à balle comme le 222 Remington par exemple.


[1(La cartouche en papier existe pour les mousquets depuis 1644 en Suède)