Article paru dans la Gazette des armes n° 520 de juin 2019

Faudra-t-il un agrément pour vendre des armes anciennes ?

jeudi 13 juin 2019, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Tout a commencé avec l’Europe ; la directive [1] (encore elle) assure que «  Étant donné la nature particulière de l’activité des armuriers » il faut vérifier leur « ...honorabilité et compétences professionnelles... » C’est absolument normal, beaucoup de métiers sont également soumis à ces obligations.

Lors de la transposition en droit français de cette directive européenne, cette obligation s’appliquait aux armes des 4e, 5e et 7e catégories. La 8e catégorie (armes de collection) en était exclue, ce qui est logique puisque la directive n’est pas applicable aux armes fabriquées avant 1900. Pour l’ONU et pour l’Europe, ces armes « ne sont pas des armes ». Inconnues des règles internationales, leur sort est donc fixé par les règlementations nationales, c’est d’ailleurs exprimé noir sur blanc par la directive.

Comme au bonneteau !

Par la suite, au cours des modifications successives du CSI, on a fini par constater en 2018 que les articles faisant référence à l’agrément d’armurier sont désormais muets sur les catégories et les paragraphes. La seule précision que l’on trouve est l’exclusion des lanceurs de paintball et leurs munitions. Alors qu’un autre article dispense formellement de l’obligation pour les marchands de disposer d’un local fixe, pour les armes anciennes, celles de la liste complémentaire et les répliques. Pour ce dernier cas, les choses sont bien claires.

Nous avions été interpelés sur cette absence de précision pour les armes de collection, mais nous nous sommes rassurés en effectuant une lecture combinée de plusieurs articles de la partie législative du CSI [2] : dans un article, la loi désigne comme arme de collection « les armes dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1900, » ainsi que d’autres armes en raison de leur « intérêt culturel, historique ou scientifique » ; puis elle classe formellement en catégorie D « les armes historiques et de collection. » Enfin, elle précise que pour la catégorie D « l’acquisition et la détention sont libres. » Donc, la loi définit l’arme de collection, la désigne et précise son régime de liberté. Alors pas d’inquiétude à avoir, ce régime est censé couvrir la détention, mais également l’achat et la vente, d’autant plus que la loi n’ouvre pas la possibilité de restriction par voie règlementaire.

Et alors ?

Il semblerait que, finalement, l’administration entérine cette « dérive malicieuse  » des textes. Et s’en tiendrait à ce qui est écrit : l’agrément serait nécessaire pour le commerce de toutes les catégories d’armes.

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Un des premiers fusils avec platine à silex, fait par Marin Le Bourgeois de Lisieux
pour Louis XIII. Selon la tournure que prendra définitivement les textes règlementaires, il faudra un agrément d’armurier pour vendre ce fusil qui provient du Cabinet d’Armes que Louis XIII a constitué de 1610 à 1643. De quoi faire se retourner dans sa tombe ce très grand amateur d’armes à feu et féru de technique.
Par ailleurs, les antiquaires et armuriers français vont devenir la risée de l’Europe.

A ce sujet, on peut constater que les agréments délivrés jusqu’en 2013 ne mentionnaient que les catégories 5 et 7, puis après cette date, les catégories C et D1 [3]. Ce n’est que tout récemment que ces agréments n’ont plus mentionné de catégorie, incluant ainsi la catégorie D.
Ce qui signifierai qu’aujourd’hui pour vendre, à titre professionnel, une arme ancienne classée en catégorie D§e) ou une réplique de catégorie D§f), il faut un agrément d’armurier. Il faut donc avoir passé un « Certificat de Qualification Professionnelle » dans lequel on apprend tout ce que doit savoir un armurier, les règles du stockage, les transferts ou exportation, etc.

Pire encore : les antiquaires qui vendent des armes anciennes devraient être titulaire de cet agrément. Même si cet agrément est « allégé », cela reste plutôt excessif pour des antiquités. Le comble est que les armuriers qui ont obtenu l’agrément sur lequel figure uniquement les catégories C ou D1, juridiquement n’auraient pas le droit de vendre des armes anciennes du fait que les autres paragraphes de la catégorie D ne sont pas mentionnés.

Nous nous sommes émus auprès du Ministère, de cette situation rocambolesque et espérons que le bon sens l’emportera pour y mettre bon ordre. De toutes les façons, face à cette situation « hors normes » nous sommes bien obligés de ne rien lâcher.


[1Directive 2008/51 CE point 12,

[2Dans l’ordre : Art L311-3 - ; Art L311-4 et Art L311-2,

[3Pour les catégories A1 et B il faut une autorisation ministérielle (AFC),