Article publié dans la Gazette des armes n° 505 de février 2018

Ce qui est du domaine de la loi n’appartient pas au Gouvernement

jeudi 25 janvier 2018, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Il s’en est passé des choses depuis notre dernier numéro ! Nous avons été surpris par la procédure d’urgence employée pour faire passer un projet de loi seulement destiné à transposer en droit français, la Directive de l’Union Européenne sur les armes. Déposé le 20 novembre au Sénat, ce projet de loi sera voté le 31 janvier par les députés. Entre-temps, les collectionneurs se seront fait entendre. Heureusement parce qu’ils avaient peur d’être oubliés...

Le Gouvernement a été surpris que, dans les débats au Sénat et lors des travaux parlementaires, on ait tant parlé des collectionneurs. Alors pour rassurer il leur dit : « Le projet de loi ne modifie sur aucun point la situation des collectionneurs d’armes ou de matériels de guerre. Il ne leur retire aucun droit existant ni leur attribue de droits nouveaux. »
Donc nous devrions être confiants et regarder le changement de législation sans rien dire ! Mais nous avons réagi sur plusieurs points que nous allons développer succinctement pour votre bonne compréhension.

La loi doit définir la catégorie D

Nous avions obtenu en 2012 que non seulement les armes de collections soient définies par la loi avec leur millésime d’avant 1900, mais aussi qu’il soit dit qu’elles sont bien classées en catégorie D et que celle-ci est libre.
Or, le projet retire l’un des trois éléments : il reste dit la catégorie D est libre, les armes de collection sont bien définies, mais leur classement en catégorie D est renvoyé à un décret.
Il y aurait plusieurs raison techniques à cela : les reproductions sont désormais dissociées des armes de collection et dans la hiérarchie des normes, l’administration tient à ce que le classement soit du domaine règlementaire (décret) et non du domaine législatif (loi). Ce à quoi nous opposons la définition que donne la Constitution sur le domaine compétence de la loi.


La garantie de la Constitution
Dans son article 34, la Constitution définit la compétence du Parlement et la séparation des pouvoirs. Est du domaine de la loi ce qui traite des « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques (...) et en leurs biens (...) les successions et libéralités la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables (...) du régime de la propriété (...). »
Donc à notre sens, la fixation par la loi du classement des armes de collection, répond bien à la définition constitutionnelle.

Pour la dissociation des reproductions (répliques) par rapport aux armes d’origine, nous avons simplement proposé leur exclusion de la définition et les armes neutralisées, ainsi que la rédaction annuelle d’un rapport adressé au Parlement sur les éventuels surclassements pour éviter les dérives.

Le marbre de la loi

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Les collectionneurs ont été réunis au Service Central des Armes ce 15 janvier dernier.
Il y avait l’UFA, la FPVA, le MVCG et la FFVE. La Compagnie des Experts Judiciaire en armes et munitions avait également été invitée.

Alors pourquoi tenons-nous tant à ce que ce classement soit inscrit dans la loi ? Nos interlocuteurs sont étonnés, voire irrités, de notre insistance. Ils nous ont donné des assurances que rien ne changerait pour les collectionneurs et que les armes de collection resteraient bien classées en D. Bien entendu nous leur faisons confiance. Mais comme on dit " chat échaudé craint l’eau froide". Et nous ne pouvons oublier tous les mauvais coups qui ont été faits aux détenteurs d’armes légaux depuis 1996. Il suffirait qu’un « hoquet » médiatique mette en lumière une prétendue dangerosité de certaines armes de collection pour que, d’un trait de plume, le décret soit modifié du jour au lendemain sur une simple décision ministérielle. Alors que pour changer une loi il faut un vote des parlementaires, qui prend un peu plus de temps et laisse le temps aux décisions démagogiques de refroidir et à la raison de reprendre le dessus. Il y a des discussions publiques avec les parlementaires et les intéressés peuvent faire valoir leur point de vue.

La catégorie A pour les collectionneurs

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Le 31 janvier 2018 à 14h45, un certain nombre de députés vont défendre les collectionneurs. Repérer les ainsi que ceux qui auront consigné des amendements et votez pour eux aux prochaines élections. Suivez la séance en direct.

La loi de 2012 avait prévu que les collectionneurs pourraient détenir du matériel de catégorie A, et que des « organismes » (comprenez les musées et les associations) pouvaient également détenir des armes. Il manquait encore la possibilité aux personnes physiques de détenir des armes à « fin de collection ».
Par bonheur la Directive a prévu que « les États membres puissent décider d’accorder aux musées et aux collectionneurs reconnus l’autorisation d’acquérir et de détenir des armes à feu(…) de la catégorie A (…) à des fins historiques, culturelles, scientifiques, techniques, éducatives ou de préservation du patrimoine ». La délivrance de telles autorisations serait bien sûr assortie de conditions de sécurité, de stockage, etc. mais il faudrait aussi que soient justifiées de « la nature de la collection et sa finalité ».
Alors direz vous, où est le problème ? Tout simplement on nous répond « la France n’a pas entendu faire usage de cette option de transposition pour des raisons de sécurité publique, au regard de la dangerosité de ces armes. Il s’agit en effet, d’armes automatiques ou d’armes semi-automatiques à grande capacité de tir. »
Alors nous avons sorti le plan « de secours » en limitant la possibilité de détention aux armes de catégorie A d’un modèle antérieur à 1946. Comme cela on élimine tout ce qui est trop moderne, trop opérationnel et qui peut faire peur pour se cantonner aux armes à caractère réellement historique.
Mais rien n’y fait, le Gouvernement ne veut pas en démordre. Les Sénateurs ont suivi l’avis du Gouvernement et les Députés doivent encore se prononcer.
Ces armes rares et chères appartenant à notre patrimoine ne sauraient être utilisées dans le cadre de « mauvaises actions » d’autant plus qu’il est très facile de se procurer des armes de guerre modernes beaucoup plus efficaces pour beaucoup moins cher.

Le port et le transport

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Présentes dans de nombreuses cérémonies, les associations de reconstituants et de collectionneurs ont progressivement remplacé les militaires d’active dont le nombre a fortement diminué.

Vous pensez bien que pendant qu’une loi passe devant le Parlement, on essaie de régler les problèmes qui nous dérangent. Nous réagissons face à l’abus d’autorité de la part de nombreux services des Douanes, de la Police ou de la Gendarmerie dont les collectionneurs font systématiquement les frais ces deniers temps avec une véritable chasse aux collectionneurs ou reconstitueurs. Nous avons donc demandé au législateur d’intervenir afin de garantir la possibilité de participer librement à des commémorations conformément au respect du droit aux loisirs et à la vie culturelle auquel peut prétendre tout honnête citoyen dans un régime politique libéral et démocratique. Au passage, on a rappelé qu’à défaut beaucoup de collectionneurs parlent de boycotter les différentes commémorations du centenaire de la victoire de 14-18 et du 75ème anniversaire de la Libération à venir, tant leurs déplacements sont devenus impossibles et une véritable source d’angoisse en raison de l’excès de zèle de nombreux fonctionnaires qui procèdent systématiquement à des arrestations musclées suivies de perquisitions traumatisantes et injustifiées. Voir article sur les difficultés de se déplacer ainsi que le port d’une arme factice.
Même si nous n’avons pas satisfaction dans la loi, au moins aurons-nous porté le problème sur la place publique, et personne ne pourra dire qu’il l’ignorait. A ce propos, nous avons écris au Premier Ministre, au Ministre de l’Intérieur et à ses conseillers.


Le monde des collectionneurs joue aujourd’hui un rôle essentiel dans la vie commémorative.
Pour protester contre la préfecture de la Meuse qui avait interdit une sortie même avec des armes factices ou neutralisées, les membres de l’association « Le Poilu de la Marne » ont défilé avec des balais pour remplacer les fusils Lebel neutralisés.