Problématique sur le classement de certaines armes d’épaule

samedi 22 octobre 2016, par Erwan

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Si cet article conserve une valeur historique indéniable, la mise en place de la doctrine l’a rendu obsolète. Nous l’avons gardé à titre d’archive historique.

Les armuriers, les détenteurs d’armes, ainsi que les services préfectoraux éprouvent souvent des difficultés à déterminer si certaines armes relèvent des catégories C ou D2, lorsque ces dernières résultent de modifications apportées après 1900 à des fusils antérieurs à cette date..

Ces ambiguïtés de classement résultent de la complexité de l’histoire de l’armement individuel à la période de rapides progrès techniques qu’a représenté la charnière des 19 et 20ème siècles. Cette période d’autant plus cruciale pour les collectionneurs, que la frontière de classement entre les catégories C et D2 se situe au 1er janvier 1900 ! Aussi nous permettrons-nous de présenter en détail ces paramètres dans les chapitres qui suivent.

- Consulter le tableau de notre proposition.
- Appel à collaboration : Nous avons probablement commis des erreurs ou omission dans ce référentiel. Merci d’avance de nous communiquer par mail, les modèles que vous pensez voir figurer.

Pour chaque cas décrit, l’UFA propose un classement conforme à l’esprit de la nouvelle législation dans laquelle le critère déterminant de classement est celui de la dangerosité de l’arme.

Versions courtes des fusils adoptées après 1900

L’adoption par la France du premier fusil militaire tirant une cartouche à poudre sans fumée : le fusil Lebel, l’année 1886 marqua un véritable tournant dans le domaine de l’armement. Dès que les performances du fusil Lebel commencèrent à être connues à l’étranger [1], la plupart des armées s’empressèrent d’adopter elles aussi des armes tirant des munitions à poudre sans fumée.

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En Haut : un fusil Krag-Jorgensen danois modèle 1889 :cette arme est en catégorie D2. En quelle catégorie doit-on classer sa version courte : la carabine de cavalerie modèle 1912, que l’on voit en-dessous ?

Le remplacement des fusils à poudre noire par des fusils à poudre sans fumée représentait une dépense considérable pour chacun des pays concernés, d’autant plus que ces derniers avaient déjà renouvelé tout leur armement à poudre noire vers 1870 lors de la généralisation du chargement par la culasse et des cartouches à étui métallique, puis aux alentours de 1880 lorsque les fusils à un coup avaient été abandonnés au profit de fusils à répétition.
Les dépenses à assumer étaient d’autant plus lourdes, que les armées de l’époque comportaient d’énormes effectifs [2] auxquels il fallait ajouter ceux fournis par la mobilisation [3]. Outre les difficultés budgétaires que cela représentait, les moyens industriels de l’époque ne permettaient pas toujours aux manufactures de fournir le nombre d’armes souhaitées dans les délais prescrits par les forces armées.
De ce fait, la plupart des pays ont attendus 15 à 20 ans pour tourner la page des carabines et autres mousquetons à poudre noire qui armaient leurs troupes, en les remplaçant par les armes à poudre sans fumée, [4]

Cette réalité historique se traduit aujourd’hui par des incertitudes en matière de classement de beaucoup d’ armes courtes, car beaucoup de carabines dérivant de fusils antérieurs à 1900 n’ont été adoptées qu’après 1900.

Armes d’un modèle antérieur à 1900 et modernisées après cette date

Afin de compléter les stocks d’armes de divers belligérants, au moment de la déclaration de guerre de 1914, certaines armes à poudre noire, d’un modèle très nettement antérieur à 1900 furent modernisées par le montage d’un canon chambré et éprouvé pour le tir d’une cartouche à poudre sans fumée [5].

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En haut, un fusil Gras modèle 1874 en calibre 11mm Gras (11x59R) : cette arme est classée de longue date (1980) en catégorie D2. En bas sa version modernisée (modifiée 14) en calibre 8mm Lebel, pour lequel l’ETBS a prononcé un classement en catégorie D2 en mai 2016

Armes modernisées après 1900

La rationalisation des fabrications industrielles, imposée par la Première Guerre mondiale, conduisit après 1918 à renoncer à l’utilisation au sein d’une même armée de variantes multiples d’une même arme affectées spécifiquement à différents corps [6].
Entre les deux guerres mondiales, la plupart des armées décidèrent donc d’étudier l’adoption d’un modèle d’arme unique, plus compact [7], d’une longueur totale voisine de 110 cm.
Par ailleurs, les pays qui étaient précédemment équipés d’armes en calibre 6,5mm (Italie, Grèce, Roumanie, Pays Bas, Japon, etc.) choisirent de transformer leurs armes pour tirer des cartouches de plus gros calibre (7,35 à 8mm), qui offraient une meilleure portée et permettaient de réaliser plus facilement des projectiles dits « spéciaux » (perforants, traçants, incendiaires), que la généralisation des avions et des chars d’assaut dans les conflits modernes rendaient indispensables.
La période de l’entre-deux-guerres étant marquée par de grandes difficultés économiques et des restrictions sévères des budgets militaires, beaucoup de ces améliorations furent différées pendant plus de 15 ans, d’autant plus volontiers qu’il existait d’énormes stocks d’armes constitués pendant la première Guerre Mondiale qu’il fallait bien utiliser jusqu’à leur usure.

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En haut : un fusil italien Carcano modèle 1891, classé en D2. Dans quelle catégorie doit-on classer ses versions modernisées modèle 1941 (au centre) et modèle 1891/38 (en bas), dotées exactement du même mécanisme ?

Ce n’est que vers 1935, lorsque les tensions internationales commencèrent à s’aggraver en Europe et en Extrême-Orient, que les budgets militaires remontèrent et que les armées commencèrent à opérer le remplacement de leurs armes datant de la Grande Guerre (et parfois même du siècle précédent), par des modèles nouveaux, qui ne furent toutefois fabriqués qu’en quantités restreintes par économie.
De ce fait, à la déclaration de guerre de 1939, seule une partie des effectifs des armées belligérantes étaient équipés de fusils entièrement nouveaux [8]. Les unités moins favorisées se trouvaient dotées de modèles antérieurs à 1900, parfois sommairement remis au goût du jour, comme le Lebel R35 français, qui n’est qu’un Lebel raccourci, dont le magasin ne contient plus que trois cartouches.

Armes converties en petit calibre pour l’entraînement

Beaucoup d’armées convertirent au cours du vingtième siècle des fusils de modèle antérieur à 1900, déclassés pour le service actif, en armes d’entraînement dotées d’’un canon de calibre .22LR ou d’un calibre voisin, afin de permettre l’entraînement au tir des recrues à peu de frais.
La référence à prendre pour leur classement est-elle celle du modèle initial ou celle de la date de la transformation ?

Versions courtes d’armes d’épaule de catégorie C à répétition manuelle et magasin fixe

La réglementation actuelle classe en catégorie B les armes d’épaule dont le canon mesure moins de 45 cm ou dont la longueur totale est inférieure à 80 cm. Il est très probable que ces dispositions ont été prises pour éviter l’accès facile à des fusils de chasse à canon scié ou à des carabines semi-automatiques de type USM1A1 que leur crosse repliable et leur grande puissance de feu (magasin amovible) rendent particulièrement dangereuses.

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Conversion « Miniature rifle » en carabine .22LR à un coup, faite vers 1905, d’un fusil Lee- Metford modèle 1897. Le second est classé en catégorie D2 mais en quelle catégorie classer la carabine d’entraînement ?

Il en va tout autrement de certains mousquetons Mauser dotés de canons longs de 44 à 44,8cm. Bien que cette longueur soit très légèrement inférieure à celle prévue par la réglementation, ces mousquetons ne présentent absolument aucun supplément de dangerosité par rapport aux autres carabines du même type à canon de 45cm ou plus, qui sont classées en catégorie C. Nombre de tireurs détiennent d’ailleurs ces carabines courtes en catégorie C sans même se douter que les quelques millimètres de longueur qui manquent à leur canon peuvent changer le classement de leur arme.

Conclusion

Pour le classement des armes longues rayées [9] et de leurs variantes modernisées, ou courtes, l’UFA recommande que le modèle d’origine soit pris comme référence.
Les armes que nous avons listées plus haut ne comportent en effet aucun danger supplémentaire par rapport à leur modèle d’origine.

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Mousqueton de police néerlandais modèle 48 sa longueur totale est de 98,5cm, mais son canon d’une longueur de 44,8cm peut le faire classer en catégorie B, ce qui serait absurde pour une arme à répétition manuelle et à magasin fixe !

Pour éviter tout "effet d’"aubaine" notre association préconise toutefois de ne permettre le classement en catégorie D2 qu’aux seules armes dont il est possible de prouver que la transformation a été opérée avant 1946.


[1Par rapport aux munitions chargées à poudre noire, les cartouches à poudre sans fumée permettaient une réduction du calibre des armes de 11mm à des calibres de 6,5 à 8mm. Elles procuraient des performances balistiques supérieures (plus grande portée et plus grande tension de trajectoire), elles encrassaient beaucoup moins les armes. Enfin, à poids de paquetage égal, les soldats pouvaient transporter plus de cartouches à poudre sans fumée, bien moins lourdes et volumineuses que celles chargées à poudre noire. En outre, la poudre sans fumée rendait les tireurs qui l’utilisaient moins repérables par l’ennemi.

[2- 880000 hommes pour l’armée française en 1914,

[3- 3 millions de mobilisés à équiper pour l’armée française en août 1914,

[4Jusqu’à la guerre de 14-18, l’arme d’épaule était considérée comme relativement accessoire pour la cavalerie, dont l’arme blanche (sabre ou lance) et le revolver constituaient l’armement principal. Pour les corps spécialisés : génie, artillerie, transmissions etc. Les armes d’épaule ne constituaient pas non plus le moyen d’action principal et ne servaient qu’à l’auto-défense des sapeurs, des artilleurs ou des transmetteurs.

[5Exemples : fusil Gras modèle 1874 transformé en 1914 en calibre 8mm Lebel, Martini Henry modèle 1879, transformé en 1914 en calibre .303 ou Vetterli-Vitali modèle 1867/70 transformé en 6,5mm Carcano en 1915 ou 1916.

[6Exemple en France : il existait en 1914 une carabine de cavalerie, un mousqueton de gendarmerie, une carabine de cuirassier, un fusil de tirailleurs sénégalais et un autre pour les troupes annamites, qui étaient tous des armes dotées du même mécanisme (Berthier), qui ne se différenciaient que par leur longueur et de subtiles variantes de garnitures.

[7Les anciens fusils d’infanterie, d’une longueur d’environ 125cm s’étaient révélés trop encombrants dans les tranchées.

[8Ainsi, certaines unités françaises étaient-elles équipée du très moderne MAS 36 alors que beaucoup d’autres utilisaient encore des fusils Lebel ou Berthier rescapés de la Grande Guerre.

[9Nous précisons « rayées » dans le souci de maintenir en catégorie B les fusils de chasse à crosse et canon sciés, employés par certains malfaiteurs en substitution aux armes de poing.