Loi sur les armes
Etat des lieux
lundi 17 décembre 2007, par
CD&V et Open-VLD introduisent une proposition d’amendement intéressante - évolution de la directive Européenne
Le 29 novembre 2007, la Chambre des représentants a pris en considération une proposition concernant la loi sur les armes. Cette proposition est abordée au sein de la commission concernée depuis le 4 décembre 2007. La proposition est cohérente avec les résolutions adoptées unanimement lors de la précédente législature. Elle reprend en large partie les demandes légitimes des détenteurs d"armes et des tireurs sportifs.
La petite histoire …
La loi sur les armes du 8 juin 2006 a été adoptée après moins de 6 heures de débats parlementaires. Le point de départ était un texte de 2003 qui avait été rejeté à cause de nombreuses erreurs techniques. Néanmoins, le texte fut voté. Avec les conséquences que l’on sait. Certains procès ont laissé impunis des criminels notoires, car la loi n’offre pas de base juridique pour une condamnation. Le but de la loi était l’enregistrement des armes, ce qui a complètement raté. Un maximum de 30% des 2 millions d’armes estimées en circulation ont été enregistrées à la date d’échéance prévue, le 30 juin 2007. Le nombre d’armes illégales a donc augmenté suite à cette nouvelle loi.
La loi s’est avérée impraticable. Les services provinciaux n’étaient pas préparés à leur tâche, faute de moyens et de connaissances en la matière. Les problèmes se solutionnent lentement grâce à la coordination du service fédéral des armes, mais des problèmes demeurent. Certains services provinciaux interprètent la loi à leur manière (par exemple ils refusent d’appliquer la loi), ce qui cause de nombreux problèmes additionnels. Les policiers ne sont toujours pas familiarisés avec la loi. Les stands de tirs sont submergés de membres qui doivent obligatoirement s’inscrire, mais le manque de stands de tir crée un problème de capacité.
Le premier signal fut l’arrêté de la Cour constitutionnelle le 8 novembre 2006. Cette cour n’a pas suspendu la loi mais a quand même jugé la loi sur les armes inconstitutionnelle pour certains aspects. Le gouvernement se voit donc obligé de faire le forcing au parlement pour certains amendements, via une loi programme. Pendant ces débats, il a été décidé de faire évaluer la loi par le parlement. La période de transition fut allongée jusqu’au 30 juin 2007 (au lieu du terme irréaliste de 2 décembre 2006)
Entre janvier et avril 2007 un groupe de travail "évaluation de la loi sur les armes" fut constitué au sein de la commission Justice de la Chambre. Le mandat de ce groupe de travail était d’évaluer les adaptations nécessaires à la loi. Sous la présidence de Stef Goris, le groupe de travail a proposé une dizaine de changements ponctuels. Ces amendements furent acceptés en session plénière en avril 2007. A cause de la dissolution des Chambres fin avril 2007, le temps a manqué pour transformer ces résolutions en lois. Les résolutions demandent entre autres la simplification de la procédure de licence, l’abrogation de la durée limitée des permis, une solution pour les détenteurs dits passifs (qui ne chassent ni ne tirent mais possèdent des armes), et l’extension de la période de transition.
Les élections
Les élections ont eu un impact majeur. Les partis de gauche enregistrent un recul important. En Wallonie, le PS explique sa défaite notamment par la loi sur les armes. Ce n’est donc pas un hasard que la loi sur les armes est un des premiers thèmes abordés par le nouveau parlement. Pendant les premières sessions plénières en juillet 2007, quatre propositions sont prises en considération. Ces propositions visent à étendre la période de transition et à introduire un nombre limité de changements dans le contenu de la loi. Aucune de ces propositions ne résout les problèmes techniques fondamentaux de la loi.
Extension de la période de transition au 31 octobre 2008.
Au Parlement, une proposition (introduite par MR) fut rapidement adoptée afin d’étendre la période de transition. Il fut décidé d’étendre la période au 31 octobre 2008. Cette proposition, adoptée en plénière, est actuellement soumise a la signature du Roi. Cette loi paraîtra probablement bientôt au Moniteur. Après la parution au Moniteur, toutes les échéances seront rétroactivement adaptées et étendues au 31 octobre 2008. De même, les agréments (vente et collection) devront être renouvelés pour cette date. Attention : en attendant la parution au Moniteur, rien ne change. Ce n’est qu’après la publication au Moniteur qu’il sera de nouveau possible de régulariser des armes. Le site de l’UNACT contient les informations les plus récentes.
Comme indiqué antérieurement, les agréments des armuriers et collectionneurs sont périmés s’ils datent d"il y plus de 5 ans. Chaque individu agréé doit demander le renouvellement de son agrément. En principe ceci aurait du se faire au plus tard un an après l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, effective le 9 janvier 2007. Donc chaque collectionneur devrait renouveler son agrément avant le 8 janvier 2008. Cette date sera adaptée : toute personne agréée (armurier, collectionneur) doit renouveler son agrément avant le 31 octobre 2008. Pour les armuriers, un nouveau DR doit encore être publié décrivant la nouvelle procédure d’agrément, entre autres, pour définir les tests de compétence professionnelle. Nous négocions avec le département de la Justice pour obtenir une solution acceptable.
Propositions de loi introduites
La prolongation de la période de transition est nécessaire pour avoir le temps d’amender la loi sur le fond. Plusieurs propositions sont sur la table. Le MR veut une solution pour les armes héritées, et pour ceux qui, par le passé, ont chassé ou tiré (pendant au moins 5 ans). Pour cela, le MR introduit 2 motifs légitimes additionnels : l’héritage d’une arme et la détention, par le passé, d’une arme soumise à la réglementation alors en vigueur. Aussi bien les propositions du PS que du MR résolvent ce problème en ajoutant le motif légitime de "détention d"armes temporairement désactivées". Le MR ne remet pas en cause la durée limitée des licences. Le MR, propose d’abolir les taxes ; le PS voudrait introduire des commissions provinciales pour calculer les compensations pour les détenteurs d’armes qui deviendraient interdites sous la nouvelle législation. En pratique, ceci ne porte que sur les armes automatiques, donc l’avantage de cette proposition est relativement limité.
"Armes meurtrières style Rambo " et disciplines alternatives
Même les socialistes Flamands et les verts ont introduit une proposition de loi. Suite aux élucubrations du gouverneur DENYS lors de l’audition du 7 novembre 2007, Mme Fouad Lahsaini (Groen !) et MM. Stefaan Van Hecke (Groen !) et Renaat Landuyt (SP.A) ont introduit une proposition afin " d’interdire (sic) les armes meurtrières style Rambo (rambo moordwapens) ". Les auteurs de cette proposition ne peuvent concevoir de tir sportif sans visée réglable, aides orthopédiques et/ou optiques. Ce sont principalement ceux qui pratiquent les disciplines alternatives qui sont concernés. Selon les auteurs de la proposition, ils sont considérés comme des Rambos. Nous avons été surpris d"apprendre que les disciplines alternatives ne peuvent se pratiquer qu’avec des armes …imprécises. Les auteurs devraient peut-être essayer de participer à un concours d’ordonnance sur 100m avec une arme imprécise ? Cette proposition démontre une totale ignorance du domaine légiféré et est insultante et discriminatoire vis à vis des pratiquants des disciplines alternatives. Nous nous réservons le droit de réagir contre ces accusations irresponsables sur les tireurs concernés. Il va de soi que l’on oublie systématiquement de mentionner que ces tireurs utilisent des armes dûment licenciées, satisfaisant toutes les conditions légales en vigueur. De plus, la proposition ne tient pas compte de la division des responsabilités entre le niveau fédéral et régional. Cette proposition n’a pas le soutien des autres partis…
Le PS veut abroger le permis de chasse et la licence de tireur : autorisation pour chaque arme.
Le PS vient d"introduire une proposition modificative (voir doc. 519) de sorte que les exceptions pour les chasseurs et les tireurs n’existeront plus. Si la proposition PS sera adoptée, le permis de chasse et la licence du tireur ne servira plus pour la détention d’armes. Pour chaque arme, une autorisation doit être demandée. Les chasseurs auront également besoin d’un permis de port d’arme (valable pour 3 ans) pour le port d’armes lors de chasse. Ce permis de port serait nécessaire par arme (tarif : 92,65€/arme/3 ans). Si cette proposition était adoptée, le " modèle 9 " n’existerait plus. Le PS veut également transférer les compétences pour la délivrance des autorisations chez la police locale. La condition du " motif légitime " est, dans leur proposition, remplacée par une notion vague qui se prêta à des interprétations arbitraires. Pour chaque arme, le détenteur d"armes doit "préciser l"objectif poursuivi par la détention de l’arme et si le requérant souhaite détenir des munitions afférentes à cette arme."Ceci ouvre la porte à l’arbitraire qui existait dans la loi de 1933 : ce sera la police locale qui va dire si l’objectif poursuivi est acceptable ou pas… Le PS veut absolument que les autorisations soient limitée dans le temps (5 ans). Les taxes sont abolies, mais toutes les cinq ans, le détenteur d’armes risque d’être privé de ses armes (si son objectif poursuivi n’est plus acceptable ?). Toutefois, la proposition du PS ne respecte pas la directive UE modifiée (voir ci-après). Nous comptons sur le bon sens des autres partis pour éviter que la proposition PS soit adoptée.
Remaniement complet de la loi sur les armes
Les partis Flamands CD&V et Open-VLD introduisent quant à eux une proposition de loi commune qui remanie fondamentalement la loi sur les armes, d’une manière techniquement cohérente et qui solutionne les problèmes mentionnés antérieurement. La proposition est introduite par Mme Liesbeth Van der Auwera et M. Servais Verherstraeten (CD&V) et Mmes Sabine Lahaye-Battheu et Carine Van Cauter (Open-VLD). Les auteurs ont bien analysé la matière et ont le courage d’introduire une proposition balancée plutôt que de se laisser guider par des préjugés négatifs. La proposition est répertoriée avec le nr 474 et peut être consultée sur le site de la Chambre des Représentants : rubrique Projets de loi et propositions.
La proposition comble certaines lacunes techniques, visant à rendre la loi applicable en pratique (p.ex . quelles condamnations excluent la possession d’armes, définitions, …). Certaines carences légales (transport d’armes en vente libre, les foires, la vente à distance, …) sont résolues. Le grand mérite de la proposition est d’offrir la sécurité juridique aux détenteurs d’armes. La proposition part des amendements adoptés lors de la législature précédente. Vu le consensus alors rencontré, nous espérons que les autres partis soutiendront la proposition. Les points les plus importants de cette proposition sont :
L’abolition de la durée déterminée de la validité des licences et agréments. Elles deviendraient illimitées dans le temps, avec l’obligation imputée aux gouverneurs d"effectuer un contrôle périodique ;
Une solution pour les tireurs dits passifs, qui pourraient garder leurs armes si elles sont désactivées. Une arme désactivée temporairement reste soumise à autorisation et ne peut être vendue qu’à un détenteur de permis ou une personne agréée. La désactivation n’est pas aussi radicale que la neutralisation, qui est irréversible. En effet, une arme neutralisée est en vente libre. La désactivation temporaire est une solution pour le détenteur d’armes qui ne tire pas. Divers procédés sont investigués, enlèvement du percuteur, intervention mécanique, voire électronique. La méthode à appliquer sera définie par le Roi, en tenant compte des caractéristiques techniques de l’arme ;
Abolition du permis de port d"armes pour le tir sportif (e.g. IPSC) ;
Une solution pour le prêt d"armes entre porteurs de permis et pour le prêt et le transport d’armes entre les détenteurs d’un permis de chasse et d’une licence de tireur sportif ;
Clarification de l’interdiction de la vente à distance et sur Internet ;
Simplification de la procédure d’obtention d’un permis de chasse ou d’une licence de tireur sportif (exemption des épreuves et du certificat médical pour le détenteur de la licence de tir sportif) ;
Remplacement de la taxe annuelle (actuellement 65 EURO par arme, indexable), par une rétribution forfaitaire de 85 EUR afin de couvrir les coûts du contrôle effectué par les gouverneurs.
Si cette proposition est adoptée, une grande partie de nos griefs sont résolus. Il s’agira alors encore d’obtenir les divers arrêtés d’exécution à cette nouvelle loi, vu qu’un certain nombre de choses (comme l’accès aux stands de tir, les formalités de transmission d’armes) sont réglés par des arrêtés d’exécution.
Directive Européenne concernant les armes. Le 29 novembre dernier, le parlement Européen a adopté un nombre de propositions afin d’adapter la directive européenne sur les armes (91/477). La presse a erronément rapporté que ces changements nécessitent des changements dans la loi Belge concernant les armes. Ces changements n’induiront pas de changements dans la loi Belge. Il n’existe aucune "Loi Européenne sur les armes", quoiqu’en disent les journalistes. A fortiori, elle ne peut pas être rendue plus sévère. Les adaptations visent principalement à intégrer les protocoles de L’UN concernant le trafic illégal d’armes dans un cadre législatif Européen. L’accent de ces protocoles est mis sur l’enregistrement et le marquage d’armes, ainsi que sur la criminalisation des personnes impliqués dans le trafic d’armes. La directive sauvegarde les détenteurs d’armes légales, ce qui semble logique. En effet, ce n’est pas en pénalisant les détenteurs d’armes légales (chasseurs et tireurs sportifs) qu’on s’attaque au marché d’armes illégales. Cette évidence a percé au niveau européen. Les changements proposés exigent l’enregistrement et le marquage des armes par les états membres. Ceci est déjà prévu par l’art. 4 de la loi belge sur les armes, et l’enregistrement se fait déjà depuis des années au registre central. Ces registres doivent être conservés pendant 20 ans selon la directive. Les arrêtés d’exécution en vigueur concernant la loi sur les armes obligent déjà les personnes agréées à garder leurs registres à vie et, en cas de cessation d’activités, de les remettre au banc d’épreuves. Donc la Belgique est d’ores et déjà plus sévère que la directive et aucune adaptation n’est nécessaire. La directive n’aura donc aucune influence sur les agréments des armuriers existants. Mais la Directive européenne apporte, au contraire, quelques changements intéressants. Le Parlement Européen demande la simplification des procédures pour obtenir une licence. La proposition introduite par le CD&V et l’Open-VLD en tient déjà compte. Le permis d’armes Européen doit être délivré gratuitement par les états membres, et aucune arme mentionnée sur un permis émis par un autre état membre ne peut être confisquée par un état donné. Si un tireur Belge avec un permis européen participe à un concours en France, la France ne peut confisquer aucune arme reprise sur son permis européen. En principe, aucun autre document ne peut être exigé. La question est maintenant de savoir quand et comment les états membres transformeront cette directive en législation. La loi Belge est déjà en ordre (art. 12, al. 3).
La directive exige un âge minimum de 18 ans pour les détenteurs de permis. Ceci fait déjà partie de la loi Belge. Cette règle peut être dérogée dans le cadre du tir sportif ou de la chasse. En Flandre et en Wallonie, ces exceptions existent déjà pour qu’un mineur puisse manipuler des armes à partir de 14 ou 16 ans, sous supervision, pour les disciplines olympiques. La définition d’arme antique est affinée (les armes de la catégorie "de valeur historique, folklorique ou décorative", dite HFD) : toute arme produite avant 1900, ou patentée avant 1900 mais produite plus tard peut en principe être en vente libre. Les états membres sont libres de définir les armes de cette catégorie, ce que la Belgique a déjà fait en publiant la liste des armes HFD au Moniteur en août. Ce n’est pas vraiment une surprise que la législation Belge tienne déjà compte de la directive et ses évolutions : le rapport des changements proposés date de mars 2006, la loi Belge ayant été adoptée plus tard. Vous pouvez dès lors constater que nous suivons toutes ces évolutions et que nous tenons à vous en informer via mail et via notre site.
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