Accueil > Dossiers pratiques, études etc... > Médias, actualité et communication sur les armes > L’actualité du monde > Pourquoi l’Espagne détruit-elle son patrimoine artistique et industriel (...)

Armes historiques

Pourquoi l’Espagne détruit-elle son patrimoine artistique et industriel ?

vendredi 11 novembre 2022, par Marcel SALMAN, collectionneur espagnol

Tous les collectionneurs français savent bien que les armes à feu font partie du patrimoine artistique tant pour leur conception que pour leur fabrication artisanale. Au fil des siècles, elles sont devenues un élément essentiel du patrimoine artistique et industriel d’un pays.
Si nos gouvernants en ont nettement moins conscience (voir l’épisode sur les A1-11), la traduction de cet article paru initialement sur un site espagnol, montre qu’il peut toujours y avoir pire. et qu’il nous faut donc encore et toujours lutter.
En effet, la réglementation espagnole de 2011 n’applique malheureusement pas le règlement européen qui respecte la préservation et la conservation de ces objets uniques.

L’Espagne a compté d’excellents armuriers, des ateliers et des usines de renommée mondiale dans lesquels le savoir-faire artisanal s’est mêlé au design et à la fonctionnalité de ces objets. Nous pouvons tous reconnaître les armes blanches des forges de Tolède, d’Andalousie, de Catalogne, de Madrid, etc. Mais qu’en est-il des armes à feu ?

PNG - 357.7 ko
Pistolet Mitrailleur LABORA (1938) Cal.9mm- Fab. Industrias de Guerra de Cataluña
© M. Estirado

L’Espagne, en 1890, alors que la révolution industrielle était à son apogée, s’est jointe à ce phénomène industriel en créant des usines innovantes comme Astra ou Star, avec une multitude de conceptions originales et curieuses, poursuivant la riche et célèbre tradition des armuriers basques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle et donnant naissance à des armes comme le Charola y Anitua, le Campo Giro et bien d’autres, ainsi qu’à celles produites pendant la guerre civile par les Industrias de Guerra de Catalunya, Acaso, RE, et le pistolet mitrailleur Labora Fontbernad Olot produit par la « fabrica numéro 15. »

Il ne faut pas oublier qu’également pendant la guerre civile, l’armée républicaine a reçu de nombreux pays du monde un nombre infini d’armes légères, dans un "mélange exotique et unique" qui ne s’est produit dans aucun autre pays du monde.

PNG - 477.8 ko
CAMPO-GIRO (1912) Cal.9mm- Fab.Esperanza y Unceta. Premier pistolet automatique réglementaire de l’armée espagnole. Lire l’article sur le site de l’UFA

Si elles ont de la chance, depuis 2011 ce type de trouvaille est vendu à l’exportation hors d’Espagne. Dans la plupart des cas, elle finissent malheureusement par être détruites ou rendues inutilisables. Cette destruction est pratiquée sur le banc d’épreuve d’Eibar surnommé par les collectionneurs espagnols : l’Auschwitz des armes historiques. Et l’industriel fait beaucoup d’argent avec ces destructions.

Le collectionneur espagnol est « brimé »

Le fait qu’un collectionneur d’armes historiques agréé en Espagne ne soit pas autorisé à posséder des armes après 1890 est incompréhensible dans l’environnement européen des collectionneurs. Et pas seulement pour eux, mais aussi pour les législateurs dans des pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne, où l’élaboration de lois sur le sujet est beaucoup plus développée.

PNG - 793.9 ko
Pistolet JO.LO.AR. (1919), Cal.9mm - Fab.Arrizabalaga.

Alors que dans l’ensemble de l’UE, les armes à feu postérieures à 1890, 1900 voire 1946 sont considérées comme un patrimoine historique, et sont donc protégées et préservées au moyen d’autorisations et, logiquement, de mesures de sécurité strictes et de règles relatives à leur possession légale pour les collectionneurs, en Espagne, ce patrimoine artistique et industriel est voué à la destruction.

L’origine opaque de la définition

La définition actuellement en vigueur en Espagne, qui affecte les collectionneurs et la préservation de ces armes, a été établie de manière opaque par l’administration en 2011 sans consulter des experts tels que la FESAC (Fondation des sociétés européennes de collectionneurs d’armes) ou d’autres associations nationales similaires de collectionneurs d’armes.

L’origine de cette destruction se trouve dans la définition même de l’"arme historique", les conditions et les exclusions absurdes rédigées unilatéralement par la CIPAE (Commission permanente interministérielle des armes et explosifs) en 2011 avec le changement de la réglementation sur les armes cette année-là. C’était un véritable arrêt de mort pour ce type de collection.

Alors que la directive européenne offre toutes les possibilités et garanties aux collectionneurs autorisés pour préserver ce vestige de l’histoire de l’industrie de l’armement, en Espagne, bien que cette même définition européenne ait été transposée, elle est ignorée (ou non respectée) dans sa réglementation sur les armes.

La seule institution en Espagne qui soutient le changement de la réglementation sur les armes est la sous-direction générale des publications et du patrimoine culturel du ministère de la défense, qui semble être celle qui a la capacité de comprendre ce qui se passe dans notre pays. Même les inspecteurs en armement de la Guardia Civil nous mettent en garde contre la destruction de ce patrimoine historique et industriel !

PNG - 259.8 ko
Pist. R.E. /ASCASO (1937), Cal.9mm-Fab. Ind.Guerra Cataluña
Stephen Petroni, président de la FESAC, a déclaré à propos de cette situation : "Bien qu’une autorisation pour les collectionneurs ait été introduite en Espagne, les restrictions sévères imposées et l’interprétation à courte vue de la définition européenne empêchent les collectionneurs d’exercer leur fonction sociale : "On entend par "collectionneur" toute personne physique ou morale qui se consacre à la collection et à la conservation d’armes à feu, d’éléments essentiels ou de munitions à des fins historiques, culturelles, scientifiques, techniques, éducatives ou patrimoniales et qui est reconnue comme telle par l’État membre en question".
Suite à la publication de la nouvelle directive européenne de 2017 sur les armes, l’Espagne l’a transposée en droit national. L’un des changements les plus importants introduits par la directive est l’inclusion des musées et des collectionneurs dans son champ d’application, ainsi que l’adoption d’une définition du collectionneur qui a été rédigée par la FESAC à la demande d’Europol."

Avec la définition de 2011, seules 4 armes ont été reconnues en Espagne comme "armes historiques" au cours des 11 dernières années. Parmi elles, celle utilisée lors de la tentative de coup d’État du 23 février 1981 par le lieutenant-colonel Antonio Tejero Molina au Congrès.

Article publié à l’origine sur Pecadosdelarte.com. Les photos sont de Luis Pérez de León y Manuel Estirado

Rel. L-28/11/22

 

Imprimer cet article

Imprimer

Dans la même rubrique