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Sénat : rapport parlementaire sur les plombs de chasse

samedi 11 juin 2022, par UFA

Nous publions ci dessous un extrait de rapport parlementaire de 2001 sur la pollution au plomb. Il démontre que le plomb ne pose pas un problème tant la dispersion des tirs est importante, sauf pour la chasse au gibier d’eau pour laquelle la chasse est déjà interdite

D. LES DÉCHETS DISPERSÉS : L’EXEMPLE DES PLOMBS DE CHASSE

Les chasseurs tirent chaque année de l’ordre de 250 millions de cartouches, tous tirs confondus, soit les trois-quarts pour la chasse et le quart pour le ball-trap. On compte 300 billes de plomb par cartouche, pour un poids d’environ 30 grammes, soit 6.000 tonnes de plomb pour les seuls tirs de chasse.

En milieu naturel, une balle de plomb met de 30 à 200 ans pour être désagrégée et dissoute. En dépit de la masse -6.000 tonnes par an !- la dispersion des tirs en milieu naturel est telle que la chasse ne pose pas de problème, ni sur l’environnement, ni sur la santé de la faune et de l’homme. A l’exception d’un cas : la chasse au gibier d’eau (canards colvert, sarcelles), pratiquée en France par 200 000 à 300.000 chasseurs.

1. Le plomb et la chasse au gibier d’eau

Les problèmes ont deux origines :
- D’une part, les tirs. La chasse au gibier d’eau, « chasse d’ambiance » parmi les plus traditionnelles et les plus appréciées des chasseurs, est très concentrée sur certains lieux. Les tirs sont aussi plus nombreux compte tenu des risques de pertes des prises, difficiles à récupérer dans les marais. Les chasseurs au gibier d’eau tirent en moyenne deux ou trois oiseaux avant d’en prélever un, et un tiers de cartouches de plus qu’un chasseur courant. Ainsi, tant la pratique, ancienne et régulière, que la localisation, entraînent une concentration des plombs dans certains marais.

- D’autre part, le gibier lui-même. Les plombs de chasse, quand ils sont accessibles, sont souvent pris pour de la nourriture et/ou pour des graviers (le « grit ») stocké dans le gésier -partie musculaire de l’estomac- pour faciliter le broyage de graines. Tandis qu’un plomb se désagrège en trente ans minimum dans la nature, une bille de plomb, absorbée, érodée par le gravier et rongé par les acides de l’estomac, se dissout en vingt jours seulement dans le gésier.

Le taux d’ingestion est variable selon les espèces et selon les lieux de chasse. Les concentrations les plus élevées se retrouvent en Camargue. Sur 20 études menées en France, le pourcentage de canards trouvés avec au moins un plomb dans le gésier est en moyenne de 22 % (moyenne d’une fourchette entre 0 et 53 %) qui ne prend pas en compte les oiseaux ayant déjà ingéré et dissous les plombs. En Camargue, la moyenne est de 31,8 % (entre 18 et 53 %). On estime que le nombre d’oiseaux présentant de fortes concentrations en plomb dans les tissus est trois fois supérieur au nombre d’oiseaux trouvés avec du plomb dans le gésier.

2. Les effets sur la santé des animaux

L’intoxication des oiseaux : le risque de saturnisme
Depuis le début des années 60, 50 000 oiseaux ont été examinés. Le risque de saturnisme est confirmé.

Quelle est la vulnérabilité des oiseaux au risque de saturnisme ? Quels sont les effets constatés ?

En se dissolvant, les billes de plomb libèrent des sels de plomb qui se diffusent dans le sang et s’accumulent dans toutes les parties du corps, notamment les tissus d’organes internes tels que le foie et les reins, mais aussi les os....

Plusieurs effets peuvent être distingués :
- En premier lieu, la mortalité est directement corrélée avec l’ingestion de plomb. Avec quatre plombs ingérés, la mortalité est quasi certaine.
Taux de mortalité des canards en fonction du nombre de plombs ingérés

  • plomb 9 % de mortalité dans les 20 jours ;
  • plombs 25 % de mortalité dans les 20 jours ;
  • plombs 67 % de mortalité dans les 20 jours ;
  • plombs 99 % de mortalité dans les 20 jours.

- En second lieu, l’ingestion de plombs a des effets sur les comportements des animaux. Certains effets sont immédiats. L’oiseau qui a ingéré du plomb se nourrit, vole moins bien, s’oriente moins bien. D’autres effets, décalés dans le temps, affectent la reproduction. La réduction de la taille des pontes est évaluée à un tiers chez les canes ayant ingéré des plombs. Une récente thèse vétérinaire considère que « l’ingestion d’une faible quantité de plombs de chasse chez les canards colvert peut mettre en péril le succès reproducteur des individus exposés, et par là même, la pérennité de l’espèce ».

3. Les munitions alternatives

a) Les munitions alternatives
L’intoxication au plomb étant révélée, pour certaines espèces et certaines chasses, des solutions de munitions alternatives ont été recherchées (cartouches en fer, en étain, au bismuth...). La munition alternative la plus répandue est la grenaille de « fer doux » (steel) improprement appelée « bille d’acier ».

Cette substitution a d’ailleurs été prévue par un accord international. L’accord sur la conservation des oiseaux d’eau migrateurs d’Afrique-Eurasie, dit AEWA, dispose que « les parties s’efforcent de supprimer l’utilisation de la grenaille de plomb de chasse dans les zones humides pour l’an 2000 » (Annexe 3 de l’AEWA relatif au plan d’action - paragraphe 4.1.4. relatif à la chasse) Après le nombre de ratifications suffisant, cet accord est entré en vigueur en novembre 1999.
Plusieurs pays ont d’ores et déjà interdit l’utilisation des plombs dans les zones humides : les Etats-Unis, le Danemark, la Hollande, la Norvège, la Finlande, la Suisse, le Royaume-Uni (en 1999). L’accord a été signé par la France le 15 août 1996, mais n’a pas encore été ratifié.

b) L’efficacité des munitions de substitution
Les chasseurs sont souvent très réticents à l’introduction de munitions alternatives. Plusieurs arguments sont évoqués.

En premier lieu, les chasseurs mettent en doutent l’efficacité des munitions de substitution à billes d’acier. La densité inférieure à celle du plomb doit être compensée par l’augmentation de la vitesse au départ du coup qui entraîne à son tour un risque de dispersion des projectiles, rendant le tir moins efficace. La munition, censée protéger le gibier contre le risque de saturnisme, présenterait donc l’inconvénient de blesser davantage que la munition en plomb, ce qui accroît les pertes et augmente le nombre de tirs.

En second lieu, l’argument du coût est non négligeable, puisqu’on trouve aujourd’hui des cartouches à plombs à 1 franc l’unité (0,15 euros), en provenance de l’Europe de l’Est, alors qu’il faut compter de 2 à 5 francs pour une cartouche à grenaille d’acier. Ce coût peut être encore accru s’il faut procéder au remplacement des armes. Enfin, la crainte de blessures humaines par éclat a également été évoquée, notamment dans la mesure où les billes d’acier peuvent rebondir par ricochet.

Il apparaît surtout que les propositions de modification des munitions sont surtout perçues comme de -nouvelles ?- attaques contre les chasseurs, suscitant de leur part une opposition d’autant plus forte qu’elle intervient dans un contexte troublé.

c) La substitution des munitions à l’épreuve des faits
La plupart de ces arguments ne résistent pas à l’épreuve des faits. Dans les pays qui ont procédé à cette substitution, aucune usure ni aucun gonflement des tubes n’a été constaté. Les tirs à l’aveugle -sans connaître l’origine des munitions, en ball-trap- n’ont révélé aucune différence entre les munitions. Le risque de blessure par ricochet, éventuel en zone rocailleuse, est quasi nul lorsque la chasse a lieu en marais. Seul le coût des cartouches reste problématique. Encore que l’on puisse penser qu’avec des cartouches plus chères, les tirs seront moins hasardeux qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Après un certain temps d’adaptation, une fois passé le moment d’appréhension et de rejet, quand la substitution s’est opérée, aucune différence majeure avec les anciennes munitions n’a été relevée ni en coups au but, ni en blessures infligées. La principale préoccupation concernait les blessures entraînant la perte d’oiseaux. Ce phénomène a été étudié aux États-Unis, au moment du basculement vers les cartouches à grenaille, en 1985-1986. Alors que le taux de perte diminuait régulièrement, il a brusquement augmenté de trois points, avant de reprendre plus rapidement qu’avant, son évolution baissière : le taux de perte est aujourd’hui de 13 %.

4. Perspectives

Dans les conditions actuelles de chasse, 6 000 tonnes de plomb sont, chaque année, déversées dans la nature. La toxicité du plomb dans les milieux humides est avérée. Curieusement, la convention sur la protection de certaines espèces d’oiseaux d’eau, signée en 1996, n’a toujours pas été ratifiée, et cette question n’a été abordée à aucun moment au cours des récents débats sur la chasse, de crainte sans doute qu’elle apparaisse comme une nouvelle attaque à l’encontre des chasseurs. Mais, dans les milieux internationaux, la réputation des chasseurs français laisse à désirer.

La France sera-t-elle le dernier pays d’Europe à ratifier cette convention ? L’Office déplore ce retard.
Quand le calme sera revenu, la question des munitions devra être revue. Il faut une évolution de la chasse si l’on veut -et l’on veut- qu’elle continue. La plupart des utilisateurs du plomb se mobilisent pour limiter les risques d’exposition (essence) ou recycler les résidus (batteries). La chasse, même si elle n’est qu’un élément mineur dans cet ensemble, ne peut rester à l’écart de ce mouvement.

Cette substitution des cartouches de plomb par des cartouches à grenaille non toxiques est vivement souhaitable mais doit cependant être préparée par une double action.
Tout d’abord, la substitution doit être accompagnée d’un programme d’information adapté. S’il est vrai que les chasseurs contribuent à l’entretien de la faune et de la flore, les tirs de chasse ont, du seul point de vue environnemental, quelques inconvénients. Ces inconvénients peuvent être maîtrisés. La substitution des cartouches à plomb par des cartouches non toxiques doit être progressive afin de permettre le cas échéant de changer d’armes (le changement d’armes n’est pas impératif mais les conditions de tir sont meilleures avec un fusil adapté, à tube étroit). Elle doit s’accompagner d’une information expliquant les raisons de changement.

On peut aussi souligner qu’en dehors des plombs de chasse, les rejets de cartouche concernent aussi les douilles en laiton, encore trop souvent laissées à terre après les tirs. Les 250 millions de cartouches générent 1.000 tonnes de rebuts de laiton. Les actions de sensibilisation des chasseurs au ramassage et à la récupération des anciennes cartouches doivent être encouragées mais restent d’efficacité limitée.

Un système de consigne (rapporter les vieilles cartouches avant d’en acheter de nouvelles) pourrait être un relais utile de l’action pédagogique. Cette substitution doit également être préparée par une action sur le gibier lui-même (action cynégétique par le biais d’un plan de repeuplement). L’expérience américaine peut être mise à profit. La baisse rapide des taux de perte est probablement liée à l’abondance du gibier. En apparence, les deux indicateurs sont inversement corrélés : moins il y a de gibier, moins il y a de tirs. Mais il est une règle non écrite que tous les chasseurs connaissent : moins il y a de gibier et plus on blesse, car on tire de plus loin, et la probabilité de toucher sans tuer est alors beaucoup plus grande. Ainsi, contrairement à l’idée courante, quand le gibier est abondant, le tir est plus responsable et donc moins fréquent. Le chasseur, quasi certain de ne pas rentrer bredouille, tire à bon escient, et dans de meilleures conditions. C’est ce qui s’est probablement passé aux États-Unis dans l’étude évoquée.

 

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