« C » comme « Camouflées ».

lundi 24 septembre 2018, par Erwan

Très tôt dans le cours de l’histoire, les hommes ont eu l’idée de concevoir des armes dissimulées sous la forme d’un autre objet, afin de pouvoir approcher de leurs ennemis, sans éveiller leur méfiance. De ce fait, l’arme dissimulée a de tous temps été considérée comme celle des lâches, des félons, des espions et des comploteurs.

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Si cette clef-pistolet de gardien
de prison du XVIIIe siècle répond bien à la définition des armes à feu camouflées sous la forme d’un autre objet, il aurait été impensable de la classer parmi les armes interdites.

Les romans et plus tard le cinéma ont abondamment mis en scène ce genre de gadget. Chacun garde en mémoire le pistolet en or de Goldfinger composé de l’assemblage d’un briquet, d’un porte-cigarettes et d’un stylo ou le fusil à lunette du « Chacal », dont les éléments se dissimulaient dans la fausse béquille d’un infirme tout aussi faux.

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Le célèbre poignard-pistolet Dumonthier.

Très bizarrement depuis 1995, les décrets placent au premier rang des armes de catégorie A1 les « armes à feu camouflées sous la forme d’autres objets ». Cette disposition a toujours plongé plus d’un collectionneur dans la plus grande perplexité : car enfin, ces armes n’ont qu’une existence anecdotique et ne sont pas suffisamment redoutables pour être placées sur le même plan qu’un fusil d’assaut ou un lance-flamme. La logique aurait plutôt voulu que l’on décourage leur fabrication et que l’on empêche leur diffusion en les classant simplement en catégorie B.

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Boucle de ceinturon SS Louis Marquis, comportant à son revers deux canons destiné à tuer l’adversaire qui ordonnerait au porteur de cet engin de déboucler son ceinturon.

Tout amateur d’arme a entendu parler du poignard-pistolet Dumonthier ou la clef pistolet, mais il s’agit de curiosités bien antérieures à 1900, que leur ancienneté classe à juste titre en catégorie D.
La célèbre canne-fusil « Étoile », apparue au tarif album de la Manufacture d’Armes et Cycles de Saint-Étienne en 1890, est elle aussi classée en catégorie D.

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Mécanisme de la boucle de ceinturon Marquis présenté par un document des services de renseignements américains.

On connaît aussi l’étrange boucle de ceinturon SS, paraît-il inventée en Allemagne par Louis Marquis, comportant à son revers deux canons de pistolets, qui étaient censés tirer lorsque le porteur du ceinturon le débouclait lorsqu’il était désarmé au moment de sa reddition. Mais il s’agit d’un gadget, qui n’a jamais été construit en série et dont seuls deux exemplaires ont été trouvés après la guerre par les troupes américaines. L’une de ces boucles est exposée au New York Metropolitan Museum, la seconde est probablement conservée chez un riche collectionneur privé quelque part dans le monde. Le classement logique est bien la catégorie A du fait de son modèle postérieur à 1900.

Les armes camouflées les plus courantes sont des stylos-pistolets, conçus pour tirer une unique cartouche de petit calibre. Ces engins, souvent réalisés en bricolant des stylos lance-fusée de signalisation, sont d’une efficacité des plus limitées et sont souvent plus dangereux pour leurs utilisateurs que pour les cibles qu’ils visent !

L’arme camouflée relève donc plus du roman de cape et d’épée ou du film de série B que de la catégorie A1 mais peut-être les rédacteurs de nos textes réglementaires possèdent-ils une âme romanesque, forgée par leurs lectures de jeunesse ?

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Dans un registre beaucoup plus prosaïque, le stylo pistolet, résultant du bricolage d’un pistolet lance-fusées de détresse, coûte parfois quelques doigts à ceux qui tentent de l’utiliser !


Ce superbe stylo-pistolet plaqué-or, de calibre .22, a été offert par le Maharaja de Jodhpur à son ami Lord Louis Mountbatten, dernier vice-roi des Indes, pour sa défense personnelle. Après avoir été conservé plusieurs années par l’Imperial War Museum, après la totale interdiction des armes de poing décrétée en Grande Bretagne à la suite du massacre de Dunblane, le stylo été récupéré par la famille de l’amiral Mountbatten pour être confié à « Holts Auctionners » afin de le vendre aux enchères. Le prix de ce joli gadget chargé d’histoire est estimé entre 5 et 7000 euros.
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Canne fusil Perreaux, extraite de l’Histoire Scientifique de l’année 1888, voir lien.
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Catalogue de Manufrance de 1894. En haut une canne fusil calibre 7 mm, en bas la canne a broche. Photo de droite, la célèbre canne étoile de Manufrance, et en bas la canne fusil 14 mm à broche de Lefaucheux. voir site.
Classement selon la règlementation

La définition nous est donnée par l’Art R311-1 du CSI : Arme camouflée : toute arme dissimulée sous la forme d’un autre objet, y compris d’un autre type d’arme.
Quand au classement il est donné par l’art R311-2 du CSI : Classement en catégorie A1 1°.
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Pistolet du film Goldfinger. C’est une "élucubration" du cinéma qui n’est même pas crédible.


Certains experts on cru pouvoir affirmer que ce classement en catégorie A1 touchait toutes les armes camouflées, y compris les armes d’un modèle antérieur à 1900. Soyons raisonnables : la partie législative du CSI affirme que le classement s’effectue "compte tenu de leurs caractéristiques techniques, de leur valeur patrimoniale" (Art L312-4-2). Par ailleurs l’Article L311-3 du CSI énonce : "Sauf lorsqu’elles présentent une dangerosité avérée, les armes dont le modèle est antérieur au 1er janvier 1900" sont classées comme armes de catégorie D dont la détention est libre. Les armes camouflées ne sont pas dans la liste des armes surclassées.
Alors, pourquoi se compliquer la vie, toutes les définitions sont dans la loi : les armes camouflées sont bien celles dont le modèle est postérieur à 1900, les autres sont des armes de collection.

La Directive du Conseil n° 91/477, classe en catégorie A (armes interdites), les armes à feu camouflées sous la forme d’un autre objet. Voir Annexe 1 II Catégorie A §3