Article publié dans la Gazette des armes n° 481 de décembre 2015

Quand le ciel nous tombe sur la tête !

vendredi 20 novembre 2015, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

Depuis le 13 novembre 2015, chaque jour a été décisif pour les amateurs d’armes : d’abord le Ministre de l’Intérieur annonce un plan de mesures contre le trafic d’armes dont certaines affectent les détenteurs légaux. Puis le soir même, il y a ces dramatiques attentats à Paris. Enfin, il y a l’Etat d’Urgence qui permet la saisie d’armes sur ordre du Préfet. Pour couronner le tout, la Commission Européenne en profite pour faire une proposition de modification de la Directive.

Un affront pour les collectionneurs ! Voilà comment nous avons ressenti la proposition de modification de la Directive présentée par la Commission Européenne.

D’après la proposition de la Commission,pour la première fois les collectionneurs seraient inclus dans la Directive. Son article 2 : « Les collectionneurs ont été identifiés comme une source possible de la circulation des armes à feu... En conséquence ils n’auront la possibilité d’acquérir que des armes à feu soumises à autorisation ou déclaration."

Pour affirmer cela, la Commission se fonde sur une vague enquête qui a consisté à recevoir des avis d’Internautes sur une adresse dédiée. Mais aucune recherche ou statistique scientifique. C’est la lapidation publique du collectionneur. Inacceptable au moment où de toute part on nous incite à ne pas faire d’amalgame entre le musulman qui pratique sa religion et le djihadiste. Et tout d’un coup la Commission, composée de fonctionnaires non élus,décide que le collectionneur fournit les terroristes.

La Directive Européenne :
Elle prévoit que, périodiquement, la Commission soumet au Parlement Européen et au Conseil, un rapport sur les résultats de l’application assorti, s’il y a lieu, de propositions.
C’est ce que vient de faire la Commission. Reste donc au Parlement de trancher sur
les propositions. Les députés européens ont donc une lourde responsabilité vis à vis des amateurs d’armes.

Un climat émotionnel

Ce rapport était en route depuis avril 2015 et la Commission a choisi intentionnellement le sillage des tristes évènements du vendredi 13 novembre. Il lui fallait bien cela pour faire passer des décisions parfaitement injustes et illogiques.

Des citoyens respectueux des lois

Il est évident que l’on se trompe de cible. Il n’y a plus d’armes en vente libre : les tireurs et chasseurs doivent montrer « patte blanche ». Quant aux collectionneurs, ils ne possèdent que des armes hors d’état ou des « vieux tromblons » pittoresques, rien qui ne soit interdit. Pourquoi en faire des victimes expiatoires, faut-il trouver des coupables inoffensifs ? Il est exact que de lutter contre les véritables coupables de trafics est certainement plus compliqué !
Les collectionneurs appellent de tous leurs voeux les mesures efficaces pour lutter contre le trafic d’armes, véritable source du terrorisme et du crime organisé sur le sol européen, ce sont des citoyens responsables.

Les collectionneurs sous haute surveillance

La Commission propose d’inclure les collectionneurs dans la Directive : « Les États membres peuvent autoriser les organismes concernés par les aspects culturels et historiques d’armes et reconnus comme tels par l’État membre sur le territoire duquel ils sont établis, à garder leurs armes à feu de catégorie A acquise avant la date d’entrée en vigueur de la présente Directive, à condition qu’elles aient été neutralisées... ».

La Commission propose donc d’interdire l’acquisition d’armes à feu de catégorie A par les collectionneurs et la neutralisation des armes détenues jusqu’alors. Cette disposition ne s’applique pas aux collectionneurs français, la détention de la catégorie A ne leur est possible que pour le matériel, pas pour les armes légères. Les collectionneurs des pays concernés s’insurgent en affirmant que cette détention est « vitale pour la conservation et l’étude des armes historiques de tous types. Ce serait le plus grand acte de vandalisme institutionnalisé jamais tenté dans le monde. »

Europe : fusils semi-automatiques interdits ?
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Ce type d’arme évoque un passé historique (la guerre du Vietnam) dont les images ont baigné la jeunesse de beaucoup d’entre nous. Les tireurs l’apprécient parce qu’elle est précise et légère. Ce n’est pas une arme de djihadiste !

C’est une proposition de la Commission, interdire les fusils semi-automatiques.
Prenons l’exemple d’un M16A1 qui est à l’origine un fusil d’assaut militaire automatique. Il a été transformé de façon irréversible en arme semi- automatique par modification du mécanisme de détente et du transporteur de culasse. Ces modifications ont été contrôlées par le banc d’Épreuve de St-Etienne. Ainsi, cette arme est en catégorie B2. Elle ne peut être vendue qu’à des tireurs sportifs sur autorisation préfectorale délivrée que lorsque le dossier est parfait.

Les armes semi-automatiques

La modification envisagée consiste notamment à interdire les armes de Catégorie B qui « ressemblent à des armes dotées d’un mécanisme automatique ». En somme, le projet est de les faire passer de la catégorie B à la catégorie A.

Nous faisons trois observations :
- Interdire l’acquisition d’armes semi-automatiques de catégorie B aux particuliers, au motif de leur seule ressemblance avec des matériels de catégorie A, automatiques, paraît dénué de sens. En quoi la simple ressemblance d’une arme avec une autre la rendrait plus dangereuse ou justifierait son interdiction ?
- La définition donnée est particulièrement floue et sujette à interprétation, ce qui est un facteur d’insécurité juridique. À partir de quand une arme doit-elle être considérée comme ressemblant à une arme automatique ou dotée d’un mécanisme automatique ?
- Si la crainte de la Commission est de voir des armes semi-automatiques converties en armes automatiques et être employées par des groupes criminels, il suffit simplement d’imposer des contraintes techniques pour empêcher cette transformation. De tout façon ces armes semi-automatiques n’ont aucun intérêt pour les groupes terroristes déjà pourvus largement en armes automatiques.

Internet

Le projet s’attaque également au commerce légal par voie électronique. Au XXIe siècle il est impossible de se passer d’Internet. Dans toute l’Europe le nombre d’armureries a régressé à tel point qu’il faut faire parfois plus de 300 km pour trouver une armurerie pour se fournir en poudre et munitions. De toute façons, « la toile » est un marché mondial qu’il sera bien difficile de maîtriser.

Une mauvaise intention au départ

Cette proposition absurde complètement délirante est le fruit d’une idéologie anti-armes de deux commissaires [1]. Il est évident qu’elle n’aura aucun effet sur les armes détenues par les terroristes qui sont des armes automatiques achetées hors de tout cadre légal et non semi-automatiques achetées avec autorisation (en France). Serait-ce le prélude à des décisions futures encore plus radicales ?
En tout cas, quelle que soit la conclusion de cet épisode, cela laissera dans l’esprit des amateurs une impression d’une dictature douce dans laquelle le pouvoir n’est plus exercé par les représentants élus des citoyens mais par une entité anonyme de fonctionnaires bien payés et coupés des réalités de la vie des citoyens.

Comme l’a fait remarquer le gouvernement Finlandais, seules deux mesures seraient efficaces :
- les normes communes de neutralisation,
- la définition commune des pièces sensibles -éléments d’armes qui peuvent faire l’objet d’un commerce par Internet ou d’autres moyens.
Si le « mal » infligé à la communauté des amateurs d’armes est naturellement sans commune mesure avec les récents évènements de Paris, il n’en reste pas moins que le projet de révision proposé par la Commission semble témoigner d’une absence de discernement voire plus simplement, d’un amateurisme éhonté. Il est navrant de constater qu’elle ne trouve pour autre remède au terrorisme que de limiter la liberté de citoyens respectueux des lois.

Nous avons écrit aux députés français du Parlement Européen pour souligner l’incohérence de la réforme proposée [2]. Mais vous pouvez également protester auprès de la Commission en vous exprimant sur le site ou signer une pétition.

Les collectionneurs d’Europe protestent !


JPEGLa Federation of European Societies of Armes Collectors a été très réactive. Quelques jours après le communiqué de la Communauté Européenne, elle a envoyé une lettre de protestation au Vice Président de la Commission Européenne. Nous l’avions rencontré au Parlement de Finlande lors de notre rencontre avec le Premier Ministre Finlandais au congrès de la Fesac dans ce pays. Et il s’est montré ouvert et sensible à notre passion.
La FESAC pourrait porter plainte pour diffamation à l’encontre de la Commission Européenne qui sous-entend que les « collectionneurs sont source possible de la circulation des armes à feu », et pourquoi pas les fournisseurs des terroristes ?


[1Elzbieta Bienkowska et Dimítris Avramópoulos

[2Si vous voulez le faire, vous trouverez leur adresse sur ce lien.