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Europe : douche écossaise

vendredi 21 décembre 2007, par Jean-Jacques BUIGNE fondateur de l’UFA

En cette fin 2007, l’Europe souffle le chaud et le froid. La révision de la directive a finalement été votée sur des compromis. Au dernier moment, l’amendement donnant une définition des armes anciennes et de collection a été retiré. Leur classement reste donc du ressort de chaque état membre.

- Tout savoir sur la directive !

C’est fait, la directive vient d’être votée le 29 novembre 2007 et les réactions par rapport à cette adoption sont variées. Pour l’instant les 4 catégories subsistent.
Mais une étude devra être remise avant la fin 2014 pour donner des réponses aux avantages éventuels d’un passage à 2 catégories. Il faut que les résultats soit suffisamment probants pour que les états concernés s’y soumettent ! On peut voir dans cette attitude une prudence très politique de la Commission qui a pour but de ménager les susceptibilités d’aujourd’hui.

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Sculpture pour la paix
Comme si la paix ne dépendait que de l’éradication des armes ! Peut être faudrait-il aller la chercher au fond du coeur des hommes ?
Sculpture devant l’ONU à NY.

Nous allons survoler les modifications, sans trop rentrer dans les détails pour ne pas vous endormir. Mais vous pourrez retrouver tous les textes originaux, les propositions, les commentaires des uns et des autres, sur notre site internet www.armes-ufa.com.
Il était juridiquement obligatoire de modifier la directive, elle prévoit une révision tous les 5 ans. Datant de 1991, nous devrions en être à la troisième révision. Il fallait aussi intégrer les dispositions du Protocole des Nations Unies contre la fabrication et le trafic illicite d’armes à feu.

Le coup passa si près !

En mars 2006, la proposition de la Commission était parfaitement convenable ainsi que les positions du Conseil. Il fallait juste transposer certaines dispositions du Protocole des Nations Unies, en incorporant certains changements techniques. Cela sans modifier les conditions d’acquisition et de détention des armes à feu.
Malheureusement, les positions du rapporteur au Parlement européen, Gisela Kallenbach, étaient des plus restrictives. Toute la réglementation des armes de chasse et de tir sportif risquait d’être remise en cause.

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Le fonctionnement des institutions de l’Europe est extrèmement compliqué.

Il a fallu alors élaborer un accord de compromis qui soit acceptable par tous les utilisateurs légaux d’armes. Par 588 voix contre 14, les députés européens ont mis un terme à cette menace. Le Parlement européen a voté, [1] gauche et droite confondues, un texte acceptable pour chaque gouvernement tout en protégeant les intérêts des détenteurs légaux d’armes à feu, dont font partie les 1,3 million de chasseurs et les 140 000 tireurs sportifs français. Le maintien des quatre catégories était un point très important pour la France et il est essentiel de le conserver.
Ce résultat est le fruit de 18 mois d’un intense lobbying au niveau européen et national ou l’on a retrouvé le Comité Guillaume Tell, la FACE, et quelques parlementaires du PPE, notamment Véronique Mathieu et Joseph Daul. La chambre syndicale des armuriers et le syndicat national des fabricants et distributeurs d’armes de chasse et de tir sportif se sont particulièrement impliqués. La FESAC a représenté les collectionneurs tout au long des tractations.

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Gisela Kallenbach

Cette directive remaniée doit être transposée dans les droits nationaux avant 2010.
Comme le dit Véronique Mathieu, député européen, l’année de travail écoulée nous montre que les positions de départ des rapporteurs étaient trop arrêtées sur certains points. En effet, si le groupe PPE n’avaient pas défendu vigoureusement sa position, nous aurions "hérité" d’un texte qui aurait été inapplicable, cela en raison d’une idéologie verte qui aurait largement nuit aux chasseurs et aux utilisateurs légaux d’armes.

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Arlene McCarthy

Mais il est finalement apparu que Gisela Kallenbach a peu à peu changé de point de vue, convaincue par la pertinence des oppositions. Il faut dire qu’elle a été littéralement assaillie de mails et de lettres de tireurs et de collectionneurs, qui ont souvent exprimé "sans ménagement" leur point de vue. Cela a produit l’amendement de compromis qui a été adopté avec une telle majorité, malgré l’hystérie anti-armes de Madame Arlene Mc Carthy (PSE, Royaume Uni) et présidente de la commission parlementaire " IMCO " [2].

Petite avancée pour les sportifs

- La carte européenne d’arme à feu prend du poids, aucun état ne pourra alors imposer le paiement d’une taxe ou redevance sur l’arme en question. Malheureusement, les pays peuvent toujours exiger un document supplémentaire d’importation qui, lui, peut être payant. Il faut aussi prouver la participation à une épreuve sportive avec une invitation ou tout autre document. Cette carte sera particulièrement utile à ceux qui possèdent légalement une arme, comme les tireurs sportifs et chasseurs.

- Si les mineurs ont l’interdiction d’acheter des armes à feu, ils peuvent les acquérir de manières différentes (cadeau, héritage, etc.) et les utiliser pour la chasse ou le tir sportif. Cela doit être fait à condition : soit d’avoir l’autorisation parentale ou être guidé par un adulte titulaire d’une autorisation de détention ou d’un permis de chasse valide, soit de pratiquer dans une école de chasse ou de tir. On est passé près de la catastrophe avec, quelques semaines avant, la tuerie de Finlande par un jeune de 18 ans.

Soulagement pour les professionnels

- La vente à distance qui était sur la sellette est maintenue avec les mêmes obligations que la vente en magasin.
- L’amendement qui prévoyait une période de "refroidissement" de 15 jours entre la commande et la mise en possession de l’arme, n’a pas été retenu.
- C’est le marquage CIP qui prévaut, cela standardise un concept de marquage et d’épreuve des armes à feu jusqu’alors reconnu uniquement par 14 pays.

Mauvais points

- Les armes convertibles rentrent dans le champ de la directive. C’est logique direz -vous, mais lorsque l’on sait que la directive entend par arme convertible tout ce qui a l’aspect d’une arme et qui, en raison de ses caractéristiques de construction ou du matériau utilisé, peut être transformé pour propulser des projectiles sous l’action d’un explosif. Sous-entendu, une arme d’alarme ou un jouet métallique.
C’est Arlene Mc Carthy, député travailliste anglais qui espère ainsi lutter contre la criminalité à Manchester où elle a trouvé des armes d’alarme transformées. Mais c’est surtout contre les armes réelles, transformées en armes d’alarme qu’elle veut lutter. Des armes d’alarme produites en Tchécoslovaquie sur la base d’armes réelles, ont été retransformées en arme à feu capable de tirer.

- La carte européenne d’arme à feu qui comporte les armes personnelles du détenteur, est liée à lui. De ce fait, impossible d’emprunter un fusil pour aller chasser à l’étranger.
- Les catégories C et D sont conservées, mais la directive précise qu’elles peuvent être détenues par ceux "qui en ont reçu la permission spécifique, conformément à la législation nationale". En France, la détention d’une arme de 5ème - lisse ou rayée - n’est pas subordonnée au fait que son propriétaire soit titulaire d’une licence de tir ou d’un permis de chasser ... contrairement, bien entendu, à l’acquisition !
L’arme lisse (à un ou deux coups) n’est n’est ni déclarable, ni enregistrée, seule l’arme à plus de un coup par canon lisse ou à canon rayée est enregistrée
A partir de 2014 "un lien devra exister entre l’arme et son acheteur". Le registre de l’armurier pourrait faire office de lien, gardant ainsi le caractère spécifique français de l’absence de déclaration en préfecture.

- L’idée d’une réduction à deux catégories (les armes interdites et les armes soumise à autorisation) revient sur le tapis en 2012 : la commission devra réaliser une étude sur les avantages et inconvénients.

Regrets des collectionneurs

Malheureusement le millésime de 1900 n’a pas été inscrit dans la directive, la situation reste ce qu’elle était auparavant. Les collectionneurs sont exclus de la directive. Dans le préambule du document, il est explicitement dit que les collectionneurs ne sont pas concernés par la réglementation définie par la directive. Il n’y aura pas de définition de ce qu’est une "arme ancienne" et une "arme de collection".

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José Manuel Durão Barroso

Les collectionneurs [3] ont été très pressants pour qu’une définition correcte soit adoptée et, semble-t-il, ont convaincu Gisela Kallenbach. Mais le président portugais de l’UE José Manuel Barroso (ou l’un de ses conseillés) a insisté pour qu’il n’y ait pas d’armes de collection après 1900. Cela aurait interdit les listes d’exception et aurait conduit des pays tels que la France, la Belgique, l’Angleterre et la Hollande à changer leurs définitions. La limitation stricte à cette date aurait été un gros revers. Alors que maintenant tout reste encore possible, pays par pays. Cela laisse toutes latitudes pour la négociation des listes complémentaires comme l’a fait la Belgique où toutes les armes à verrou ont été libérées jusqu’à 1945.
Difficile maintenant de dire ce qu’il advient du vieil accord de Schengen [4] qui retient encore la date à 1870.

Manifestement, il y a eu une confusion entre "arme ancienne" et "arme de collection". Le Protocole de l’ONU donne une définition de l’arme ancienne : Les armes à feu anciennes et leurs répliques sont définies conformément au droit interne. Cependant, les armes à feu anciennes n’incluent en aucun cas les armes à feu fabriquées après 1899.
L’objectif du Protocole est seulement d’éviter de marquer selon les normes internationales des armes fabriquées avant le XXème siècle et les armes à poudre noire ! En aucun cas ce Protocole n’influe sur les régimes d’acquisition et de détention des armes.
Il aurait été préférable de définir les "armes anciennes" dans les mêmes termes que l’ONU et laisser à chaque état membre la définition de “l’arme de collection".
En résumé, la situation reste figée : chaque pays membre peut décider de sa propre définition.
C’est donc le droit national qui prévaut. Mais la directive reconnaît qu’il ne faut ni permis, ni enregistrement. Cela même si le pays décide d’inclure les armes postérieures à 1900.

Cette aventure aura permis de retenir cette date qui servira de ligne directrice pour les pays qui ont encore une définition plus stricte.
Pour détenir des armes plus récentes, il conviendrait que les collectionneurs soient élevés au même rang que les tireurs ou les chasseurs pour posséder les autres armes. C’est là tout un travail à effectuer.

Les répliques n’entrent pas dans le cadre de la Directive. Mais il est prévu qu’un rapport sera remis pour 2012 pour permettre à la Commission de décider de l’opportunité de leur inclusion, cela en fonction des critères économiques et sécuritaires.

Les armes neutralisées : la directive insiste sur le caractère irréversible de la neutralisation des pièces essentielles qui doivent être "impossible à enlever, remplacer, ou modifier en vue d’une réactivation quelconque". Une autorité doit garantir cette neutralisation par la délivrance d’un certificat et l’apposition d’une marque clairement visible. La Commission va établir des normes communes pour les techniques de neutralisation. Cela va permettre d’arriver à une Euro-neutralisation qui permettra la circulation d’une arme ainsi neutralisée, d’un état à l’autre. Nous allons donc pouvoir sortir un jour d’une situation équivoque. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans un prochain article.

Les autorités satisfaites

- Pour assurer la traçabilité, chaque arme produite doit comporter un marquage apposé sur un "élément essentiel de l’arme à feu", avec le nom du fabricant, le lieu et l’année de fabrication et le numéro de série. Cela sous forme de "codes alphanumériques" ; c’est le code du CIP qui est retenu [5]. Cela concerne aussi les munitions industrielles, pas celles rechargées à usage personnel.
Les armes déjà fabriquées ne doivent pas subir ce marquage. Les collectionneurs d’armes anciennes, s’en trouvent soulagés.
- Un fichier central de données informatisées dans lequel les armes à feu seront enregistrées va permettre d’assurer la traçabilité des armes. [6]

Notons qu’il n’y aura pas de grand fichier européen, mais des fichiers nationaux ou même régionaux. En France, le fichier AGRIPPA est déjà en place.
- Les registres des armuriers seraient conservés pendant 20 ans pour tenir compte de la durée de vie des armes à feu (la proposition initiale avançait une durée de 10 ans).
L’âge légal pour l’achat d’une arme sera au minimum de 18 ans, les dérogations ne s’appliquant qu’à la détention et à l’acquisition (prêt, don, etc...) d’armes pour la pratique de la chasse et du tir sportif, sous conditions.
- Sous prétexte de lutter contre les trafics, seront aussi incluses dans la législation, les armes convertibles (par exemple des pistolets d’alarme convertis en armes à feu) qui sont de plus en plus souvent utilisées par les criminels. Entre nous, c’est une espèce d’épouvantail à moineaux qui ne sert à rien mais qui satisfait les administrations.

 

[1L’adoption formelle de ces amendements par le Conseil est attendue pour les semaines à venir et le texte officiel sera probablement publié dans le Journal Officiel de l’UE en janvier 2008,

[2Commission pour le marché intérieur et la protection des consommateurs,

[3Représentés par la FESAC,

[4Article 82,

[5CIP Commission Internationale Permanente, qui régit les bancs d’épreuve,

[6Article 4.3.

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